Comment transformera-t-on la Camargue ? - article ; n°1 ; vol.9, pg 23-68
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Description

Les Études rhodaniennes - Année 1933 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 23-68
46 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1933
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

P. George
Camille Hugues
Comment transformera-t-on la Camargue ?
In: Les Études rhodaniennes. Vol. 9 n°1, 1933. pp. 23-68.
Citer ce document / Cite this document :
George P., Hugues Camille. Comment transformera-t-on la Camargue ?. In: Les Études rhodaniennes. Vol. 9 n°1, 1933. pp. 23-
68.
doi : 10.3406/geoca.1933.3918
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_1164-6268_1933_num_9_1_3918:
COMMENT
TRANSFORMERA-T-ON LA CAMARGUE ?
PAR P. GEORGE ET C HUGUES
Le seul fleuve français qui se termine par un delta est le
Rhône, ce delta est la Camargue l. Cette région attire la curios
ité à bien des égards. C'est d'abord un domaine de prédilection
pour l'étude morphologique des deltas. On peut y observer à
loisir la végétation salicicole des sansouïres qui couvrent des
milliers d'hectares. Enfin, actuellement, tandis que l'on s'efforce
de mettre en valeur à l'aide de la technique moderne les der
nières friches de France, se pose le problème de l'aménagement
de la Camargue. Transformer la Camargue en prairies, en vi
gnobles ou en jardins est un fort beau rêve. Pourtant, cette
perspective est loin de satisfaire tous ceux qui connaissent la
Camargue et s'intéressent à elle. La Camargue a ses admirat
eurs ; ses paysages, si souvent décrits, n'ont-ils pas leur charme P
Aux portes d'Arles, ce sont les cultures de la Haute Camargue
vignes, prairies, champs de luzerne et de céréales, dans un enca
drement d'ormeaux rangés le long des routes et des fossés.
Lorsque l'eau devient plus abondante, le peuplier blanc s'ins
talle, émergeant des roselières. Parfois, à la faveur d'un léger
exhaussement du sol (Villeneuve- Romieu), une véritable forêt
i. A vrai dire, la Camargue, au sens 1агде du mot comprend, outre les territoires
iiisiito'S par les deux bras du Rhône, une étroite bande de plaines alluviales basses de
Dart et d'autre, à l'Est entre Grand-Rhône et Crau, à l'Ouest entre Petit-Rhône et Cos-
lif-re ; relie— <i ne -ont, d'ailleurs, que les témoins d'une extension plus vaste du delta. P. GEORGE ET C. HUGUES 24
L I AN f LU V
■'ig. i. — Ijmi tes de la réserve zoolo^iquc et botanique de Camargue. LA CAMARGUE 25
prospère, où domine le pin d'Alep, solidement fixé par ses lon
gues racines traçantes, il lui surfit d'une mince couche de terre
végétale pour vivre et défier le mistral. Puis, en Basse Camargue,
" à perte de vue, parmi les pâturages, des marais, des roubines
luisent dans les salicornes. Des bouquets de tamaris, de ro
seaux, font des îlots comme sur une mer calme. Pas d'arbres
hauts. L'aspect uni, immense, n'est pas troublé. De loin en loin
des parcs à bestiaux étendent leurs toits bas, presque à ras de
terre. Des troupeaux dispersés, couchés dans les herbes salines,
ou cheminant, serrés autour de la cape rousse du berger, n'inte
rrompent pas la grande ligne uniforme, amoindris qu'ils sont par
cet espace infini d'horizon bleu et de ciel ouvert. Comme de la
mer unie malgré ses vagues, il se dégage de cette plaine un sent
iment de solitude, d'immensité, accru encore par le mistral qui
souffle sans relâche, sans obstacle, et qui, de son haleine puis
sante, semble aplanir, agrandir le paysage. Tout se courbe de
vant lui. Les moindres arbustes gardent l'empreinte de son pas
sage, en restent tordus, couchés vers le Sud dans l'attitude
d'une fuite perpétuelle » (Alphonse Daudet).
Dans ce pays de mirages, l'homme ne s'aventure que rare
ment, chasseurs, braconniers, gardians en déplacement avec
leurs manades le parcourent aux meilleures parties de l'année.
Une vaste étendue salée de terre et d'eau, accidentée de tou-
radons et de montilles de sable recouverts d'une végétation indi
gente, aucun chemin, aucune piste ; la pluie et l'eau des étangs
qui s'étale au gré des vents effacent l'ornière des roues ou l'em
preinte des pas.
Transformera-t-on ce paysage unique, détruira-t-on le décor
fantasmagorique de la course éperdue de Mireille aux Saintes-
Mariés de la Mer, remplacera-t-on la monotonie pittoresque des
sansouïres miroitantes par une mer houleuse de vignes prolon
geant le vignoble languedocien, comme l'on a déjà commencé en
Haute Camargue ? A cette idée, les fervents admirateurs des
solitudes camarguaises s'insurgent, ils trouvent un appui vigou
reux dans la Société Nationale d'Acclimatation, créatrice de la
Réserve zoologique et botanique de Camargue. Quoi ! profanerait-
on le dernier asile de tant d'espèces déjà disparues d'Europe P. GEORGE ET C. HUGUES 26
qui trouvent dans l'île un habitat de leur choix, condamnera-t
on à l'exil des milliers de flamants roses, d'aigrettes, de courlis,
d'ibis, qui y viennent vivre avec confiance et construisent leurs
nids dans les îlots les moins fréquentés par l'homme ? La ques
tion a donné lieu à des discussions passionnées. Pourtant, les
deux points de vue peuvent sembler aisément conciliables.
Une partie de la Camargue est susceptible d'être conquise à
l'agriculture sans porter préjudice à la Réserve telle qu'elle est
actuellement conçue. Vaut-il la peine de sacrifier plus de
io.ooo ha. pour y créer un Parc National? Changera-t-on l'a
spect du delta ? C'est ce que nous allons examiner.
Le sol с am arguai s
Sur les 75.000 ha. qui constituent la Camargue, aucun point
ne dépasse 4 m. 50 d'altitude. Lncore faut-il aller à 25 kil
omètres de la mer, en Haute Camargue pour atteindre ce niveau.
Pourtant, en dépit des apparences, la région n'est pas unifo
rmément plane.
Structure de ta Camargue
La Camargue est un ancien golfe remblayé. Elle est entièr
ement constituée par des alluvions modernes à éléments fins. La
première assise résistante que rencontrent les sondages est r
eprésentée par le conglomérat de base de la Crau, qui se fusi^ïïn^
avec le conglomérat de base wurmien de la vallée du Rhône.
Ces poudingues s'enfoncent rapidement sous la Camargue. A
1 m. 60, au Mas du Juge, près de Tarascon, ils sont à 8 m. 50
au-dessous du niveau du sol à l'Armeillière, à 14 m. à Saint-
Gilles, à 16 m. à Mollèges, à 27 m. à Aiguës-Mortes, à 36 m. au
Perrier, à 37 m. à Méjeanne, à 39 m. à Giraud l. Ils reposent
1. Sondages indiqués dans Th. Picard, la Camargue, utilisés et commentés par le
(iénéral dk JLamothe, les Nappes alluviales du Rhône en aval de Lynn, dans B.S.d.F..
IQ2I, p. <J7-II> LA CAMARGUE 27
sur le pliocène raviné et sont les témoins d'un brusque et bref
rajeunissement du relief immédiatement antérieur au remblaie
ment wtirmien l. Mais ce n'est pas le remblaiement wiirmien qui
a construit la Camargue actuelle. Il a étalé dans toute la vallée
du Rhône des cônes de déjections énormes, la Crau en est un,
on en distingue d'autres depuis Donzère et Valréas jusqu'à la
mer dans la plaine rhodanienne et plus encore dans les plaines
adjacentes du Haut et du Bas Comtat 2. Correspond-il à la ter
rasse de 15 m. ou lui est-il postérieur comme le pense M. Baulig ? :!.
Nous ne pouvons le déterminer dans cette étude strictement
locale; ce qui est évident, c'est que la vallée actuelle du Rhône
entame le remblaiement wtirmien à gros éléments bien roulés,
on n'en trouve même plus trace en aval de Tarascon, tout a été
enlevé, jusqu'au conglomérat de base (6 m. à l'Ile Piot, r m. 60
à Tarascon). Ces alluvions ont nécessairement passé par la
Camargue pour atteindre la mer. Puisqu'il n'en reste plus trace
dans le delta avant 20 m. au moins de profondeur, c'est que
ces alluvions ont traversé la Camargue à une époque où celle-ci
était excavée à — 20 m. au moins. Le remblaiement wtirmien
a donc été suivi d'un abaissement du niveau de base d'au moins
20 m. par rapport au niveau actuel de la mer (d'après le Général
de Lamothe — 27 m. au moins, cette altitude étant celle des dé
pôts inférieurs de tourbe formée au cours du remblaiement et
peut-être même 30 m.). Le creusement de la Camargue serait
contemporain de celui de l'Etang de Berre J. Le niveau de base
remontant lentement la Camargue s'est progressivement col
maté.

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