Acteurs et politiques dans l agriculture péruvienne - article ; n°128 ; vol.32, pg 771-789
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Description

Tiers-Monde - Année 1991 - Volume 32 - Numéro 128 - Pages 771-789
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maria-Isabel Remy
Acteurs et politiques dans l'agriculture péruvienne
In: Tiers-Monde. 1991, tome 32 n°128. pp. 771-789.
Citer ce document / Cite this document :
Remy Maria-Isabel. Acteurs et politiques dans l'agriculture péruvienne. In: Tiers-Monde. 1991, tome 32 n°128. pp. 771-789.
doi : 10.3406/tiers.1991.4627
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1991_num_32_128_4627ACTEURS ET POLITIQUES
DANS L'AGRICULTURE PÉRUVIENNE
par Maria Isabel Remy*
Au Pérou, comme dans la majorité des pays d'Amérique latine, les
années 80 peuvent être appelées celles de la « décennie perdue », dans le
sens où les économies latino-américaines, prisonnières de l'hyperinflation,
de la dette extérieure et de tentatives diverses et frustrantes de nouveaux
populismes, sont restées à la traîne des changements opérés dans l'éc
onomie mondiale. Au Pérou, cependant, s'y ajoute l'expérience douloureuse
d'une « décennie de violence ».
Au-delà de ces gros titres, généraux mais dramatiques, le Pérou rural
a traversé d'intenses changements; ceux-ci résultent du croisement de
diverses stratégies paysannes et de politiques étatiques indécises, pensées
dans le court terme mais avec des incidences sur la structure productive,
autant que de propositions politiques et idéologiques de tout ordre avancées
par de très nombreux acteurs sociaux, depuis les chefs d'entreprise modernes
jusqu'aux caciques locaux nostalgiques de leur toute-puissance tradi
tionnelle, en passant par les ong et les groupes professionnels agricoles
(entrepreneurs et paysans).
De ces forces conjointes, agissant dans un contexte de crise et de vio
lence, résulte un secteur agricole qui, malgré des signes de stagnation pro
ductive et de pauvreté rurale, s'est profondément démocratisé dans le
domaine de la propriété de la terre.
Jusqu'au début des années 60, en pleine phase de modernisation de
l'économie péruvienne sous l'effet de l'industrialisation par substitution
d'importations, l'agriculture péruvienne avait gardé une structure de pro
priété de la terre fortement antidémocratique. Sur la Côte comme dans la
Sierra, sous l'effet des gains dus à l'exportation de& produits agricoles,
un intense processus de concentration de la propriété avait eu lieu pendant
* Centro de Estudios Andinos « Bartolomé de las Casas », Cuzco, Pérou (avril 1991).
Revue Tiers Monde, t. XXXII, n° 128, Octobre-Décembre 1991 772 Maria Isabel Remy
les dernières décennies du siècle passé. Sur la Côte, ce processus a pratique
ment fait disparaître la petite et moyenne propriété, en introduisant ce qui
était alors des techniques modernes de plantation. Dans la Sierra, la
concentration de la propriété a rongé les bases de la reproduction autonome
des communautés paysannes (ou des communautés indigènes), en intro
duisant plutôt des régimes de métayage et de servitude : plantation et
latifundio, concomitants d'une économie d'exportation primaire, ont dominé
le paysage agraire péruvien et la structure nationale de classes pendant
près d'un siècle.
Cette structure, cependant, s'est transformée d'une façon radicale qui
n'avait pas été prévue, même par les critiques les plus sérieux du système.
Les mouvements paysans de 1963, la réforme agraire du gouvernement
militaire de 1969-1975 et la contestation ultérieure de la réforme par les
secteurs qu'elle-même avait mobilisés ont fini par créer, sans que personne
ne- l'imagine ni le prévoie, un secteur rural dominé par la paysannerie,
parcellaire, dont les perspectives sont encore incertaines. Le chapitre de la
modernisation de l'agriculture péruvienne, ouvert en 1963, semble ne pas
s'être encore fermé avec la consolidation d'une nouvelle structure agraire.
Le présent article essaie de montrer comment le Pérou en est arrivé à
cette nouvelle structure de propriété, imprévue et encore précaire, et quelles
politiques l'Etat a pratiqué pendant la décennie des années 80. Politiques
hésitantes, précisons-le, ce qui est probablement lié au fait que les nouveaux
acteurs économiques, issus des changements dans la propriété de la terre,
n'ont pas encore réussi à devenir des acteurs sociaux, organisés, ayant
quelque chose à dire, et la force de le négocier face à l'Etat et aux autres
acteurs de la société. péruvienne.
Des haciendas aux coopératives :
les changements radicaux dans la propriété de la terre
En août 1975, le printemps réformiste au Pérou se termine. Le général
Morales Bermudez s'est rebellé dans la ville de Tacna contre le général Juan
Velasco Alvarado, alors président. Ladite « deuxième phase » du gouver
nement militaire commence.
Six ans plus tôt, le 24 juin 1969, un intense processus de redistribution
de la propriété de la terre avait commencé sous une conduite militaire de
fer. La grande propriété traditionnelle, fondée sur des relations de rente,
avait déjà été fortement contestée en 1963 par le- mouvement paysan;
mouvement particulièrement intense et coordonné dans les régions andines,
ettjui s'appuyait alors, comme jamais auparavant, sur un>êonsensus national
large et croissant, alliant aux exigences de justice et d'équité les impératifs Acteurs et politiques dans Vagriculture péruvienne 773
d'élargissement du marché intérieur liés aux processus d'urbanisation et
d'industrialisation en cours depuis la décennie antérieure1.
Cependant Fernando Bellaunde, président constitutionnel entre 1963
et 1968, ne fut pas capable de mettre en marche la réforme agraire qu'il
avait annoncée pendant sa campagne électorale2, bien qu'il n'ait pas
ordonné de répression indiscriminée contre les paysans. Une loi timide,
passée en 1965, où figuraient davantage les exceptions^prévisibles que les
affectations possibles, ne parvint pratiquement pas à/etre appliquée.
C'est donc le nouveau gouvernement militaire qui prend le pouvoir
en 1968 qui va commencer, au niveau de l'Etat, le processus massif de
transfert de terres aux paysans. Sans liens sociaux avec ce qui était encore
un groupe puissant de propriétaires terriens exportateurs, les militaires
au pouvoir commencent la réforme agraire avec une opération militaire
d'occupation des grandes haciendas productrices de canne à sucre pour
l'exportation. L'acte est lourd de sens : le gouvernement s'en prend aux
plus puissants et aux plus modernes; à quoi pouvaient s'attendre les plus
faibles et les plus traditionnels ?
Une vaste bibliographie3 rend compte de l'ampleur, de la dynamique,
du style de la réforme agraire péruvienne. Il est cependant important
d'étudier les problèmes que l'Etat, à travers la réforme agraire, cherchait
à résoudre. Pour ceci il faut rappeler deux faits : d'abord que, agissant tout
à fait dans le même sens que le mouvement paysan des années 60, la réforme
agraire élimine le latifundio, c'est-à-dire le monopole de la terre comme
source de rentes, d'une façon si radicale qu'elle élimine finalement les
propriétaires terriens en tant que classe; ensuite que, agissant exactement
à l'opposé des revendications paysannes, la réforme agraire organise le
secteur sur la base d'entreprises : les coopératives agraires de product
ion (cap); en se proposant d'éliminer aussi bien le minifundio que le lat
ifundio, elle rejette la mise en valeur parcellaire. Bien au contraire, dans
son souci de créer des économies d'échelle, pas forcément évidentes en
1. Sur les mouvements paysans de 1963, voir Handelman (1975) et Remy (1990) où sont
analysés aussi les débats portant sur les changements dans la société rurale au cours des années 60.
2. Le fait que Belaunde développe sa campagne électorale sur le thème de la nécessité d'une
réforme agraire ne manque pas d'intérêt : le mouvement paysan de 1963 commence à Junin,
le jour même où reçoit pour la première fois l'écharpe présidentielle. Divers témoi
gnages de paysans de Cuzco, mobilisés pour la terre depuis septembre 1963, montrent qu'ils
atten

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