Autour de l esthétique africaine - article ; n°1 ; vol.62, pg 113-126
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Description

Journal des africanistes - Année 1992 - Volume 62 - Numéro 1 - Pages 113-126
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Roger Somé
Autour de l'esthétique africaine
In: Journal des africanistes. 1992, tome 62 fascicule 1. pp. 113-126.
Citer ce document / Cite this document :
Somé Roger. Autour de l'esthétique africaine. In: Journal des africanistes. 1992, tome 62 fascicule 1. pp. 113-126.
doi : 10.3406/jafr.1992.2340
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1992_num_62_1_2340Notes et documents
ROGER SOME
Autour de V esthétique africaine
Depuis la publication, à la fin de Tannée 1988, de L'art africain de Jacques
Kerchache, des voix s'élèvent pour dénoncer l'approche philosophique de ce que
l'on appelle « l'art africain »1.
Le colloque « De l'art nègre à l'art africain », dont l'initiative salutaire revient
à Louis Perrois et Raoul Lehuard, a provoqué de virulentes réactions ; en particul
ier, trois communications prononcées lors de ce colloque sont prises à parti sans
que leurs auteurs soient nommés, exception faite de Lucien Stéphan (Coquet 1990 :
53-64). Parmi les voix qui dénoncent l'approche philosophique de l'art africain,
certaines rejettent l'hypothèse selon laquelle « l'art pour l'art n'existe pas dans les
sociétés dites primitives » (Lehuard 1990 : 51-55) ; d'autres s'attaquent à l'ouvrage
ci-dessus cité (Dupré 1990 : 100-103). Pourtant, le discours « esthétique » sur l'art
africain existe et ne date pas d'hier (voir bibliographie : Guerre 1967, Leiris 1967,
Memel-Fotê 1967, Senghor 1956). Pourquoi subitement toute cette polémique et
que disent exactement ces textes ?
Commençons par le dernier cité :
Le texte de Georges Dupré est une mise au point qui, au fond, n'est pas une
critique de l'approche philosophique de l'art africain (même s'il reproche à Lucien
Stéphan de faire « une laborieuse compilation des ethnologues traitée à grand ren
fort de philosophes... »), mais une dénonciation de la place qui est attribuée aux
1. Faut-il parler d'art africain ou des arts africains ou encore des arts d'Afrique noire ? Il est vrai
que l'Afrique est peuplée de multiples sociétés qui ont chacune une culture spécifique. Par conséquent,
il me paraît plus adéquat de parler des arts de l'Afrique, expression qui marque la diversité. Néan
moins, il me semble qu'il existe des éléments qui fondent l'unité de cette diversité : il y a, de nos jours,
le caractère marchand de l'œuvre d'art africain dont parle Georges Dupré (1990 : 101) et le rapport
de cet art à la religion. Cette dernière caractéristique l'oppose en un certain sens à l'art en Occident
qui se définit comme étant ce qui a perdu l'aspect religieux, un art libéré de la contrainte religieuse
et qui, ainsi, s'offre à la contemplation. De ce point de vue, l'usage de l'expression art africain me
paraît aussi fondé. Ceci étant, les vrais problèmes qui se posent à l'étude de l'art africain portent moins
sur la question de terminologie topographique que sur les méthodes d'analyse.
Journal des africanistes, 62 (1) 1992 : 113-126. 114 JOURNAL DES AFRICANISTES
ethnologues dans cet ouvrage. S'il admet que quiconque peut mener une réflexion
sur l'art africain, Georges Dupré demande qu'on laisse « les ethnologues tranquill
es », qu'on laisse en paix ceux dont le travail est de faire comprendre l'art afri
cain, compréhension qui contribuerait à enrichir « l'émotion de chacun de nous ».
Mais bien avant de critiquer Lucien Stéphan, Georges Dupré s'en est pris à
Jacques Kerchache, à qui il reproche d'avoir tenu des « propos agressifs à l'égard
des ethnologues » et de vouloir leur donner une contestable leçon de méthode et
de morale. En effet, certains de ses propos sont pour le moins crédibles. Penser par
exemple qu'« il ne faut pas aborder l'art africain par le biais de la date », c'est croire
que l'art africain est en dehors de l'Histoire et qu'il est quasi impossible de faire
une histoire, même récente, de cet art. Pourtant, Arts et peuples de l'Afrique noire
de Jacqueline Delange pourrait être perçu comme un ensemble d'éléments réunis
en vue d'une telle histoire et c'est en effet de cette manière que Michel Leiris pré
senta l'ouvrage ; c'était en 1967, date à laquelle l'art africain était encore très peu
connu. Aujourd'hui, grâce aux travaux des archéologues, des études ont pu établir
l'époque de certaines œuvres notamment les terra cotta du Komanland (nord du
Ghana) et celles de Djenné (Mali) que l'on estime être du XVe siècle. En outre, on
connaissait déjà avec Jean Laude, l'existence d'un art africain ancien qu'il dit « clas
sique ». Dans des études plus récentes, celle de Frank Willett par exemple {African
Art 1971, traduit en français sous le titre L'Art africain 1990), il est établi avec pré
cision que la sculpture ancienne de l'Afrique remonte au v-ive siècle avant J.-C. Il
s'agit de la Nok trouvée dans l'Etat du Kaduna (Nigeria) et dont fait état
dès 1956 les travaux de Bernard Fagg. Il est vrai qu'une histoire de l'art africain
n'est pas facile à écrire parce qu'on a à faire à des peuples sans écriture. Mais il
est inconcevable de vouloir, en un tour de main, évacuer une question aussi impor
tante tout en passant sous silence le travail déjà effectué.
Par ailleurs, quand J. Kerchache dit que « la beauté d'une sculpture n'est pas
étrangère à sa fonction sociale... » (1988 : 489), il présuppose que cette fonction
est l'élément qui détermine la beauté de l'« objet ». Cependant, il oublie qu'il
s'exprime avec des présupposés culturels occidentaux. Aussi, ce que recouvre la
notion de beauté en Europe est-il nécessairement identique à ce qu'elle désigne en
Afrique, si toutefois l'équivalent de ce terme existe dans les langues africaines ?
Ce que Kerchache appelle « beau » pourrait bien être « bien » pour certains
Africains au moins. Autrement dit, certains termes africains, qui pourraient être
traduits par beau dans certains contextes, peuvent désigner bien lorsqu'ils sont uti
lisés relativement aux statues. C'est le cas du terme bvbn chez les Lobi du Burkina
Faso : lorsqu'ils disent bvthibá bvbn (une « belle » statue), l'expression belle, ici,
désigne l'idée du bien. Au fond, la signification de cette formule porte sur l'effica
cité de la statue et non pas sur son aspect physique, sa forme. Sur ce point,
M. Leiris est beaucoup plus nuancé lorsqu'il utilise le terme de « convenance » pour
désigner la beauté en Afrique. Mais le parallélisme s'arrête là, car en tout état de
cause, l'objectif fondamental de l'œuvre d'art africain n'est pas de manifester la
beauté et il serait illusoire de penser qu'à travers la fonction de l'objet, c'est la qui est recherchée.
Si l'on ne peut qu'approuver la critique formulée par G. Dupré à rencontre
de J. Kerchache, on peut cependant se demander si la tranquillité qu'il souhaite
pour les ethnologues ne risque pas d'être dérangée par la philosophie, qui s'inter
roge sur la légitimité d'un tel discours, ainsi que le montre le travail de L. Sté
phan. Nous y reviendrons.
Quant au deuxième texte, celui de R. Lehuard, il critique le refus d'attribuer
la conception de « l'art pour l'art » aux peuples dits primitifs. Pour cet auteur, NOTES ET DOCUMENTS 115
le fond du problème résiderait dans « une question de terminologie ... et [dans]
la faculté que l'Occidental a de juger des autres à travers lui-même et de toujours
faire l'impasse sur son propre passé, fût-il récent » (1990 : 51). Aussi, en partant
d'une définition de la notion d'art empruntée au Larousse encyclopédique, il mont
re que l'art se dit de ce dont la création est fondée sur l'« excellence » dans la
production, la « perfection », la « qualité » et l'« efficacité » de l'objet produit.
Dans un deuxième moment, l'auteur montre qu'il y a une esthétique africaine qui
serait fondée sur l'existence de certaines notions telles que beau, bien, bon, bril
lant, raffiné, thèse que R. Lehuard oppose à cell

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