Bouche, voix, langage : la parole chez les Beri (Tchad) - article ; n°1 ; vol.57, pg 241-253
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Description

Journal des africanistes - Année 1987 - Volume 57 - Numéro 1 - Pages 241-253
Using words from the dictionary of the Bèrj language, three terms are analyzed that refer to verbal acts : á (« mouth » and its metaphorical extensions), tèy (words not taken seriously) and bàri (sound words). Through BèRi language behavior, the deep relationship between language and identity can be seen as well as the value placed on the sobriety of the speech of men who are, above all, strategists in dealings with their environment and social relations. The singing of women, however, is a mighty weapon.
A travers les mots du dictionnaire Bèfi (Zaghawa et Bideyat du Tchad et du Soudan) trois termes sont analysés désignant des actes de l'oralité : á « bouche » et ses différents sens métaphoriques, tèy « paroles que l'on ne prend pas au sérieux » et bàri « paroles fiables ». La question du comportement des BèRi vis-à-vis de leur parole a montré la relation profonde entre langue et identité ainsi que la valorisation de la sobriété du langage chez des hommes qui sont avant tout des stratèges et dans leur adaptation à leur environnement et au sein de leur réseau de relations sociales. Une place particulière est donnée à la parole chantée des femmes qui se révèle être une arme redoutable.
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marie-José Tubiana
Bouche, voix, langage : la parole chez les Beri (Tchad)
In: Journal des africanistes. 1987, tome 57 fascicule 1-2. pp. 241-253.
Résumé
A travers les mots du dictionnaire Bèfi (Zaghawa et Bideyat du Tchad et du Soudan) trois termes sont analysés désignant des
actes de l'oralité : á « bouche » et ses différents sens métaphoriques, tèy « paroles que l'on ne prend pas au sérieux » et bàri «
paroles fiables ». La question du comportement des BèRi vis-à-vis de leur parole a montré la relation profonde entre langue et
identité ainsi que la valorisation de la sobriété du langage chez des hommes qui sont avant tout des stratèges et dans leur
adaptation à leur environnement et au sein de leur réseau de relations sociales. Une place particulière est donnée à la parole
chantée des femmes qui se révèle être une arme redoutable.
Abstract
Using words from the dictionary of the Bèrj language, three terms are analyzed that refer to verbal acts : á (« mouth » and its
metaphorical extensions), tèy (words not taken seriously) and bàri (sound words). Through BèRi language behavior, the deep
relationship between language and identity can be seen as well as the value placed on the sobriety of the speech of men who
are, above all, strategists in dealings with their environment and social relations. The singing of women, however, is a mighty
weapon.
Citer ce document / Cite this document :
Tubiana Marie-José. Bouche, voix, langage : la parole chez les Beri (Tchad). In: Journal des africanistes. 1987, tome 57
fascicule 1-2. pp. 241-253.
doi : 10.3406/jafr.1987.2173
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1987_num_57_1_2173MARIE- JOSÉ TUBIANA
Bouche, voix, langage
la parole chez les Вегд
de et d'autre chèvres mil. Les Ils de et, vivent Вер'1 la lorsque frontière sont au nord-est des les conditions qui éleveurs sépare du Tchad de climatiques ces dromadaires, deux et au pays2. nord-ouest le permettent, de Ils vaches, constituent du Soudan, des de cultivateurs moutons une de populpart et
ation que les Arabes subdivisent en Zaghawa et en Bideyat.
Les Zaghawa occupent le nord du Wadday et le nord du Dar For, les
Bideyat le massif de l'Ennedi et l'extrême-nord du Dar For. Il y avait environ
230 000 Zaghawa (30 000 au Tchad et 200 000 au Soudan) et peut-être 20 000
Bideyat, selon le recensement de 1974. Aujourd'hui, les Zaghawa avancent les
chiffres de 70 000 Zaghawa au Tchad et 250 000 au Soudan.
Le terme bè[i correspond à l'ensemble Zaghawa-Bideyat. C'est le nom
par lequel ils se désignent eux-mêmes.
La langue bèp (ou bèj;i-a « langage des bèj;i ») est un ensemble de dia
lectes parlés par les Zaghawa et les Bideyat auxquels on propose d'adjoindre
le Berti. L'unité de cet ensemble est à peu près certaine, les parlers (ou dialec
tes) berti ayant pu évoluer séparément à date ancienne. Hypothèse qui reste
à vérifier. La relation diachronique entre la langue téda (dialectes téda et dia
lectes daza) et la langue bèçi est à peu près établie (Tubiana 1963, Petracek
1978).
Certains auteurs relèvent également une relation historique entre les deux
ensembles ci-dessus et l'ensemble des dialectes kanembou et kanouri3. Cette
relation est moins évidente pour nous que la précédente, mais il n'est pas ques
tion pour le moment de l'écarter.
Dans ces conditions, ces trois ensembles sont jusqu'à aujourd'hui clas
sés en un même groupe dénommé « Saharien oriental » ou « Saharien cent
ral » ou simplement « Saharien », lequel groupe est parfois rattaché au « Nilo-
Saharien ».
1. Le système de notation des tons est le suivant pour les cinq voyelles reconnues :/a/,/e/,/o/,
/ i /, / u /. Ton haut : / á / ; ton bas : / à / ; ton montant : / aá / ; ton descendant : / aà /.
Aucun signe diacritique sur le ton moyen (s'il existe).
2. Sur cette population voir entre autres, M.-J. et J. Tubiana (1977) et M.-J. Tubiana (1985).
3. Tucker et Bryan (1956 citant des ouvrages de Lukas et Le Cœur) et (1966). ;
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242 BOUCHE, VOIX, LANGAGE
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L'ensemble ftèf/ : Zaghawa et Bideyat. MARIE- JOSÉ TUBIANA 243
La notion de parole, thème de nos rencontres, ne fît pas pour moi l'objet
d'une enquête spécifique lors de mes missions chez les Bèrj. Toutefois, ma
curiosité ayant été stimulée par les exposés abordant ce thème et par la manière
dont les problèmes étaient posés (Calame-Griaule 1965), je me suis mise à
rechercher dans le dictionnaire bèçi en cours d'élaboration par Joseph Tubiana
les termes susceptibles de nous éclairer. Je précise immédiatement les limites
de cette investigation : d'une part si j'ai participé à ce dictionnaire en notant
les termes nécessaires à mes enquêtes ethnologiques, je ne suis pas linguiste
pour autant ; d'autre part, ce dictionnaire est encore incomplet, la totalité des
textes recueillis n'ayant pas été dépouillée.
Lors de ma dernière mission au Tchad, en février 1987, j'ai essayé de
faire préciser les notions retenues, mais j'étais hors contexte (je ne suis Pas
allée en pays bèp) et les Bèr,i rencontrés à N'Djaména étaient dans l'ensemble
plus soucieux d'apporter des compléments à certains de mes travaux récents
que d'aborder ce problème. Pourtant avec l'un d'entre eux, linguiste de
surcroît4, d'où son intérêt pour l'enquête, j'ai pu préciser certains des termes
ayant trait à la parole et enrichir mes exemples.
I
Le premier terme que je voudrais examiner est : à « bouche »5. Il pré
sente des sens métaphoriques nombreux (phénomène déjà relevé chez les Tupuri
et ailleurs) mais le sens concret est « bouche » (des hommes et des animaux,
y compris le « bec » des oiseaux) :
á hasí grande bouche
torfu á bec d'oiseau
Par extension il désigne toute ouverture (sens signalé également chez
les Peuls par Ch. Seydou et chez les Tupuri par S. Ruelland, etc.)
bié aà ouverture de maison (par laquelle on entre et non pas la
« porte » elle-même qui se dit aska).
mesa àde marmite, (employé pour toutes les poteries).
hàli á ouverture de panier, pour tous les paniers).
á háy couverture de bouche, (désignera un couvercle).
egidi á(ou bouche) de tambour
On emploiera également á pour désigner l'embouchure de tout instr
ument de musique.
á désigne aussi la pointe d'une arme : crosse ou couteau de jet, javel
ot, sabre, poignard, etc. Par exemple dans une crosse de jet en bois, hogày
on distingue trois éléments qui par ailleurs correspondent à trois parties du
corps :
4. Zakaria Fadoul Khitir, chef du département de Linguistique et de Littérature orale de l'université de
N'Djaména, que je remercie vivement.
5. Noté aussi aà. BOUCHE, VOIX, LANGAGE 244
1. á « bouche ».
2. túgúu « bosse de la nuque ».
3. bá « main » (c'est-à-dire l'endroit que la main attrape,
la poignée, le manche)6.
3
Un sens métaphorique de bié aà « l'ouverture de la maison » est à signal
er ici. Il se réfère au clan, au lignage et l'expression bié aà teèrgo qui désigne
le cadeau

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