Chronique de le pensée économique en Italie - article ; n°6 ; vol.41, pg 1087-1097
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Chronique de le pensée économique en Italie - article ; n°6 ; vol.41, pg 1087-1097

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Description

Revue économique - Année 1990 - Volume 41 - Numéro 6 - Pages 1087-1097
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 22
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Henri Bartoli
Chronique de le pensée économique en Italie
In: Revue économique. Volume 41, n°6, 1990. pp. 1087-1097.
Citer ce document / Cite this document :
Bartoli Henri. Chronique de le pensée économique en Italie. In: Revue économique. Volume 41, n°6, 1990. pp. 1087-1097.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1990_num_41_6_409256Note de lecture
Henri Bartoli
CHRONIQUE DE LA PENSEE ECONOMIQUE
EN ITALIE
II nous faut réviser l'histoire du rationalisme économique et de l'éthique
économique. Tout ne commence pas avec J. Bentham et A. Smith. Le xvmc n'est pas
le siècle de l'avènement de la rationalité économique, ni l'Angleterre n'en est le lieu.
La pensée économique au sens où nous l'entendons aujoud'hui naît au Moyen Age
dans l'Italie des villes marchandes, de la bourgeoisie naissante, et de l'adjonction,
sinon de l'opposition, des vertus civiques aux vertus religieuses. Telle est du moins
la thèse que soutient O. Nuccio dans le prodigieux ouvrage qu'il consacre aux
« sources » (1050-1450) de la pensée économique italienne, à l'éthique laïque, et à la
formation de l'esprit économique1.
Lorsque s'ouvre la période en examen, l'Église a pris à son compte l'effort
grandiose d'organisation qui, du chaos des invasions barbares, a abouti à la
féodalité. La cosmologie ecclésiologique et christocentrique exclut, par définition,
la possibilité pour l'individu de se prévaloir de quelque droit inné, tout comme elle
exclut que le bien suprême puisse être cherché dans les biens terrestres. L'Église est
le support et le garant d'un ordre dont elle est la première bénéficiaire : la
chrétienté. Le droit canon est conçu comme un instrument de salut, le pape comme le
législateur suprême. A partir du xmc siècle, portée par la contestation de la
suprématie de l'Église et par l'appétit de vivre, une pensée laïque apparaît qui
s'efforce avec beaucoup de ténacité et de décision de distinguer le plan du séculier du
plan du religieux, et conçoit l'agir humain comme devant obéir à la « raison
naturelle » comme « recta ratio ».
0. Nuccio se réfère aussi bien aux écrits du franciscain Bernardin de Sienne ou du
bénédictin Nicola de' Tedeschi, qu'à ceux des marchands Giovanni Morelli ou Matteo
Palmieri, ou encore des humanistes comme Salutati Coluccio ou Leonardo Bruni,
pour nous montrer la genèse du rationalisme économique et l'avènement d'un homme
qui n'est plus « fidelis » ou « christianus », mais simplement « homo », qui
accomplit dans ce monde la tâche que le Créateur lui a confiée, celle d'administrateur
providentiel de la nature. Peu à peu, un rationalisme utilitariste tend à se substituer
au rationalisme éthique, encore tempéré par le sentiment qu'entre le bien et l'utile il
n'y a pas opposition, mais complémentarité. Peu à peu, les humanistes découvrent
en l'homme un créateur né pour réaliser le « bien vivre » sur la terre. Ils s'ingénient à
le valoriser dans son intégrité corporelle et spirituelle et à justifier la poursuite d'un
bien-être matériel qui ne leur apparaît pas incompatible avec la réalisation du bien-
être moral. Un monde nouveau, une pensée nouvelle, naissent qui - sans nier la
transcendance - légitiment la réalité immente au sein de laquelle les hommes
agissent en vue de fins terrestres mais aussi célestes. Dans une lettre qui constitue un
moment essentiel dans l'histoire de l'humanisme, Pétrarque affirme la dignité de
1. O. Nuccio, // pensiero economico italiano. I fonti (1050-1450). L'etica laica e la
formazione dello spirito economico. Cagliari, Edizioni Gallizzi, 1985, 3 vol. de 1084, 939 et
1 091 pages.
1087
Revue économique — N° 6, novembre 1990, p. 1087-1097. Revue économique
l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, doué de mémoire, de prudence,
d'expression, d'invention, et à qui les ressources naturelles, « toutes créées pour le
servir », sont offertes. Dante, Marsile de Padoue, M. Palmieri voient dans le « bien
vivre » la fin de notre existence. Montaigne dira que « c'est une absolue perfection,
et comme divine de savoir jouir loyalement de son être ».
L'homme des humanistes italiens poursuit des fins mondaines en tant qu'il agit et
vit dans une cité. Ce qui le caractérise, c'est l'action selon sa raison. Au vir sapiens
enfermé dans sa tour d'ivoire étranger au dynamisme du monde, se substitue Y homo
faber qui participe à la vie collective et a le souci de la multitude. C'est dans la
sphère du quotidien, dans le travail, que la vertu se réalise, non dans une
contemplation qu'anime le seul souci du salut personnel.
Il reste que, si vigoureuse soit l'affirmation de l'autonomie de l'empirique et du
rationnel, si forte la poussée de l'utilitarisme, si avides des réalités terrestres soient
les marchands, les bourgeois des villes, les politiques, et les masses, l'on demeure
en terre chrétienne. Les changements d'ordre culturel et d'ordre éthique demandent du
temps. Les chroniques et les mémoires des marchands italiens développent une
éthique du profit où la recherche du gain est tempérée par la « mesure » ; c'est elle qui
permet de distinguer ce qui est avantageux de ce qui ne l'est pas, et qui fournit les
bases de ce qu'il faut bien nommer un « calcul économique ». Le binôme Dieu-gain
exprime ainsi, un temps, toute une philosophie de la vie : l'agent économique rend à
Dieu ce qui lui revient (prières, aumônes, œuvres charitables) et attend de Lui en
retour la réussite de ses affaires. Peu à peu Dieu s'efface ; il reste un autre binôme
chance courue-gain obtenu.
C'est une des plus grandes révolutions intellectuelles de l'histoire que décrit
O. Nuccio. Bien des idées reçues sont remises en question, qu'elles émanent de
Schumpeter, de W. Sombart, ou de Böhm-Bawerk, bien des mises au point sont
effectuées. Un Moyen Age italien divers, déjà très moderne sous plus d'un aspect,
très marqué par la culture bourgeoise, nous est présenté. Le temps du naturalisme
rationaliste n'est pas encore venu, mais il ne fait pas de doute que ses sources les
plus lointaines sont à chercher chez les humanistes marchands, philosophes,
juristes, écrivains, des années phares de la fin du Moyen Age et de la Renaissance.
Non moins captivant que l'ouvrage de Nuccio est l'édition d'un très grand nombre
de lettres de V. Pareto à laquelle se livre G. Busino en y joignant un très remarquable
volume de présentation du contexte historique1.
La correspondance d'un auteur est toujours une source précieuse de connaissance
de la personnalité de celui qui les écrit, du cheminement de son œuvre, et de la
société au sein de laquelle il vit et agit. Ainsi que le note Busino, V. Pareto s'engage
tout entier dans ses lettres. Son style est tendu, polémique, sarcastique, épris de
liberté et de justice, orgueilleux jusqu'à l'égoïsme, excessif dans l'amitié comme
dans la haine. Les désillusions du jeune ingénieur qui ne parvient pas à entrer dans la
classe politique à Florence où il occupe son premier emploi, les échecs du directeur
général d'entreprise incapable de nouer des relations autres que conflictuelles avec
les ouvriers et du candicat malheureux à plusieurs reprises aux élections à la
deputation, n'entament pas ses certitudes. Il croit en la liberté et professe un
antiétatisme viscéral, un antimilitarisme et un anticolonialisme virulents. Il exerce
sa colère contre une bourgeoisie déliquescente qui « court derrière les voleurs des
banques » et se gargarise de vaines paroles sans comprendre qu'une nouvelle élite
émerge des classes populaires. « Quand un pays, écrit-il, est parvenu à un tel degré
d'imbécillité, il n'y a plus que la mort, ou une révolution qui porte au sommet ceux
qui étaient en bas et inversement ». Il espère en une civilisation de la raison où la
politique sera mue par la connaissance et l'intelligence des lois qui gouvernent le
1. G. Busino, L'Italia di Vilfredo Pareto. Economia e Società

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