Communication planétaire et diversité des cultures - article ; n°1 ; vol.52, pg 26-37
13 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Communication planétaire et diversité des cultures - article ; n°1 ; vol.52, pg 26-37

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
13 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 1996 - Volume 52 - Numéro 1 - Pages 26-37
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 13
Langue Français

Extrait

Olivier Abel
Communication planétaire et diversité des cultures
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°52, 1996. pp. 26-37.
Citer ce document / Cite this document :
Abel Olivier. Communication planétaire et diversité des cultures. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°52,
1996. pp. 26-37.
doi : 10.3406/chris.1996.1910
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1996_num_52_1_1910Communication planétaire
et diversité des cultures1
Olivier Abel
« II n'est pas aisé de rester soi-même et de pratiquer la tolérance à
l'égard des autres civilisations (...) au moment où nous faisons
l'aveu de la fin d'une sorte de monopole culturel (...) il devient sou
dain possible qu'il n'y ait plus que des autres (...) où irons-nous ce
week-end ? visiter les ruines d'Ankor ou faire un tour au Tivoli de
Copenhague ? Nous pouvons très bien nous représenter un temps
qui est proche où n'importe quel humain moyennement fortuné
pourra se dépayser indéfiniment et goûter sa propre mort sous les
espèces d'un interminable voyage sans but (...) ce serait le scepti
cisme planétaire, le nihilisme absolu dans le triomphe du bien-
être. Il faut avouer que ce péril est au moins égal et peut-être plus
probable que celui de la destruction atomique »2
Le moment semble venu de tenter un point sur une question déjà clair
ement posée par Lévi-Strauss dès 1952 puis en 19713 , et par Ricoeur dans
l'article cité en exergue et qui date de 1961 : dans quelle mesure la civili
sation désormais planétaire qui développe sa rationalité technique et ses
échanges est-elle une chance ou une menace pour une diversité des cul
tures qui était peut-être constitutive à l'égard de l'écologie humaine et de
la civilisation elle-même ?
Lévi-Strauss et le paradoxe des échanges
En d'autres termes, pour suivre d'abord l'analyse de Lévi-Strauss dans
« Race et Histoire », il est certain que toute culture vit d'échange, et que
« l'exclusive fatalité, l'unique tare qui puissent affliger un groupe humain
et l'empêcher de réaliser pleinement sa nature, c'est d'être seul »\ Les pe
tites cultures entièrement isolées s'étiolent. Mais il est non moins sûr, et
c'est cela qui fait tout le paradoxe et tout le problème, que si jusqu'à un
certain point l'échange permet de créer de nouvelles combinaisons cultu-
26 et augmente donc les différences, il y a un seuil au-delà duquel relies,
l'échange finit par se nourrir des et par les supprimer : « ce
jeu en commun dont résulte tout progrès doit entraîner comme consé
quence, à échéance plus ou moins brève, une homogénéisation des res
sources de chaque joueur ». Une civilisation planétaire définitivement
unifiée serait définitivement seule5.
On voit l'actualité de cette analyse. La planète est en train de se hérisser
de nationalismes, qui transgressent quelques frontières, mais en font sur
gir beaucoup d'autres, au moment même où l'on croyait les frontières dé
finitivement démodées, dépassées. Peut-être que les guerres « balka
niques » que nous voyons resurgir sur les vieilles cicatrices de l'histoire
sont moins dues à la permanence des vieux conflits qu'à l'actualité et l'a
ccélération de l'érosion des vieilles identités et cultures par le marché et ses
brassages, et que les guerres sont des machines anthropologiques à refaire
de la différence, là où les humains n'en sentent plus assez. Peut-être que
l'écroulement du monde communiste, en laissant le capitalisme mondial
comme seul champion de l'« universalisme », a marqué un retour de ba
lancier qui entraîne dans sa déroute toute forme d'universalisme - et le l
ibéralisme lui-même, dont des voix de plus en plus nombreuses se demand
ent s'il n'est pas instrumentalisé par l'Occident. L'humanité, semble-t-il,
ne rêve plus vers son unité future ; elle songe à sa diversité passée, et
prise d'effroi voudrait s'y replier. Est-ce une ruse de la vie et de l'espèce
qui cherche instinctivement des conditions de meilleure survie ? C'est une
des suggestions lancées par Lévi-Strauss dans son deuxième texte, intitulé
« Race et Culture ».
Il s'y attaque encore une fois à ce qu'il appelle le « faux-évolutio-
nisme » : « A l'idée naguère prévalente d'un progrès continu le long d'une
route sur laquelle l'Occident seul aurait brûlé les étapes, tandis que les
autres sociétés seraient restées en arrière, se substitue ainsi la notion de
choix dans des directions différentes, et tels que chacun s'expose à perdre
sur un ou plusieurs tableaux pour prix de ce qu'il a voulu gagner sur
d'autres ». Et c'est ainsi qu'à l'image d'une histoire linéaire se substitue
celle d'un arbre ou plutôt d'un « treillis ». On voit donc ici Lévi-Strauss
privilégier la perception de la pluralité de l'humanité.
Cela ne veut pas dire que l'humanité ne soit plus « une et indivisible »,
mais développe au contraire la grande idée « structuraliste » que seules
les différences sont signifiantes et font système. On retrouve ici aussi
cette insistance de la pensée « française » sur la différence (Derrida et
Lyotard, par exemple), et son différend avec la pensée allemande (Haber-
mas notamment) : c'est que les deux traditions ne partagent pas actuell
ement les mêmes questions. L'éthique habermassienne de la communicat
ion recherche un minimum de règles universalisâmes contre le retour des
traditions autoritaires, religieuses ou nationales. L'école de la déconstruc-
27 tion pointe les différends irréductibles entre les mémoires, entre les
langues, tout ce qui retarde l'impératif de communication et la circulation
du marché. L'éthique de la communication voudrait réguler de l'intérieur
le complexe communicationnel et le sortir de l'ornière utilitariste, mais
l'éloge de la différence et des différends se situe en dehors, en marge,
dans le monde du don ou du contre-don symbolique6. On reviendra plus
loin sur ce débat.
Pour Lévi-Strauss en tous cas, le combat contre le faux évolutionisme
passe également par le refus d'un déterminisme simpliste entre la biologie
génétique et l'ethnologie des diverses cultures. Il y a plutôt un enrichiss
ement réciproque, les combinaisons génétiques entre populations venant
appuyer les combinaisons culturelles, et vice versa : « chaque culture sé
lectionne des aptitudes génétiques qui, par rétroaction, influent sur la cul
ture qui avait d'abord contribué à leur renforcement ». Dans une tribu, par
exemple, il y a une sorte de dosage entre les échanges exogames qui per
mettent les recombinaisons, et un relatif isolement qui permet de renfor
cer les différences obtenues, et c'est l'équilibre de ce dosage qui toujours a
favorisé la rapidité de l'évolution biologique et la vivacité de l'invention
culturelle. On trouve donc les mêmes thèses que dans « Race et His
toire », mais l'accent est cette fois délibérément porté sur la pluralité de
l'humanité par rapport à son unité, sur la nécessaire limitation des
échanges par rapport à son obligation fondatrice.
Le combat contre le racisme, à son tour, rencontre pour lui d'énormes
difficultés qui sont encore les nôtres aujourd'hui. La première est qu'il ne
faut pas croire qu'en démontrant scientifiquement l'absurdité du racisme,
à cause par exemple de l'impossible « pureté » des races et des cultures,
on extirpera la racine des haines collectives. Celles-ci se déchaînent
chaque fois que la pression démographique rassemble sur des territoires
trop proches des populations qui ne sont pas égales en fait, ou bien qui ne
se considèrent pas comme égales en dignité. Ce qu'il faut, pratiquement,
c'est une relative égalité, et une distribution territoriale suffisamment es
pacée. La seconde difficulté, plus incontournable encore, est que « la lutte

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents