Comte et le retour à une rhétorique originelle - article ; n°21 ; vol.8, pg 89-104
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Description

Romantisme - Année 1978 - Volume 8 - Numéro 21 - Pages 89-104
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Angèle Kremer-Marietti
Comte et le retour à une rhétorique originelle
In: Romantisme, 1978, n°21-22. Les positivismes. pp. 89-104.
Citer ce document / Cite this document :
Kremer-Marietti Angèle. Comte et le retour à une rhétorique originelle. In: Romantisme, 1978, n°21-22. Les positivismes. pp. 89-
104.
doi : 10.3406/roman.1978.5209
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1978_num_8_21_5209SYMBOLES, LITTERATURE SIGNES,
sinon « Que saisir fait le des poète, rapports que fait et tout leur artiste, substi
tuer des rapports identiques pris dans
un autre ordre d'idées ? »
P. Leroux.
« Nous continuons par nos observat
ions et nos expériences la besogne du
physiologiste qui a continué celle du
physicien et du chimiste. »
E. Zola. Angèle KREMER-МАШШП
Comte et le retour à une rhétorique originelle *
L'anthroposémiotique comtienne, inscrite dans la zoosémiotique,
s'en sépare cependant, car la sociologie réagit sur la biologie : pour
Comte, le langage humain ne peut être compris qu'à l'intérieur de la
sociologie ; et il doit pouvoir en être de même pour le langage animal.
Mais les traces de l'origine affective et esthétique du ne se
perdent jamais. En effet, à l'origine, la communication est «affective »,
le logos s'attachant aux sentiments, au pathos en général ; ce n'est
qu'ensuite, à partir de la phase idolâtrique, fort événement de socia
lisation et première révolution humaine, que l'imagination entre
en jeu : le système des images rend « esthétique » la première commun
ication affective : aux gestes et aux cris, aux premières métaphores,
succèdent les arts de la mimique et de la musique. Enfin, progressi
vement, la communication devient une transmission intellectuelle et
un échange complet, se faisant sur le circuit de soi à soi : alors, les
notions et les projets deviennent absolument abstraits. A juste raison,
Alain Rey retrouve dans ce court-circuit un processus qui n'est autre
que le concept de feed-back K Les scissiparités qui président à la genèse
des différents systèmes sémiotiques ont cette particularité d'être poly
sémiques dans leurs productions successives ; car la polysémie s'im
pose comme une nécessité tant objective que subjective, puisque, par
elle, nous procédons à ce glissement créateur qui fait passer de l'un
au multiple par une séquence d'analogues, non identiques. Or cette
chaîne symbolique mérite attention. Qu'était cette première « logique
des sentiments » ? Comte, en effet, a pressenti quel scheme dynamique
a fait se succéder les trois «logiques» qu'il définit; c'est la pensée
symbolique qui a permis, chaque fois, cet enchaînement fécond. On
doit, à ce propos, évoquer comment Freud éclairait par la théorie d'un
linguiste sa propre théorie du symbolisme des rêves2. Sperber expose
une théorie qui a également l'intérêt de compléter les vues de Comte
sur le premier langage. Et, comme l'écrit Freud, on y voit l'affect
premier opérer selon sa propre logique3. Le caractère affectif de la
communication primitive s'explicite, et gestes et cris primitifs se
trouvent liés à l'affect : ils se détachent de ce pathos par dérivation,
tout en gardant en eux quelque chose de leur premier sens, pour
dénoter, par mimique et musique, et aussi par images interposées et
déplacées, un caractère succédané de l'activité sexuelle, c'est-à-dire
l'activité « industrielle » : on se rappellera que l'intérêt est, pour Comte, 92 Angèle Kremer-Marietti
un sexuel, faisceau principe maternel, d'affects, englobant militaire qui, cinq du et industriel), « plus moteurs intense affectifs et au qu'il moins » est, (instincts intense, par conséquent, nutritif, s'ordon
nent énergétiquement, de la nutrition à l'industrie, en passant par la
sexualité, la maternité, la destruction, formant un ensemble de sent
iments gradués en intensité énergétique. Cette première « logique humai
ne », véritable logos affectif, détermine une double opérativité pratique
et théorique.
Ainsi, le langage est ce qui va permettre l'équivalence de deux
actes différents, mais unis par l'affect. Car, écrit Freud, par ailleurs,
« l'être humain trouve dans le langage un équivalent de l'acte » 4, et
cela parce que l'affect s'y trouve « abréagi » à peu près de la même
façon. Cette « logique des sentiments » (selon l'expression de Comte)
aura pu se substituer à une activité sexuelle, et permettre, par sa
propre médiation, une activité « industrielle ». Ensuite, le travail des
images, qui opérera au niveau de la « logique des images » (selon
l'expression de Comte) se trouve donc confirmé par les théories freu
dienne et sperberienne dans l'activité langagière, d'abord, et dans
l'activité onirique, ensuite, le rêve manifeste produisant plutôt des
images visuelles que des notions et des mots 5. Cette « logique des » est en rêve la traduction de notre « langue d'idées », en tant
que les idées sont occultées sous les images, plus facilement que dans
les mots proprement dits. Il est intéressant de remarquer que, chez
Comte, la combinaison des images et des sentiments, surgie à la
phase polythéiste, représente essentiellement une élaboration sociale
qui interpose les images entre les sentiments et les premiers concepts,
tout comme, dans la « logique des signes » (selon l'expression de
Comte), les « signes artificiels » s'interposeront, selon Comte, entre les
images et les concepts abstraits. L'appel qu'il lance en faveur d'une
logique totale restituant ces trois paliers, et qui constitue sa « théorie
des milieux subjectifs », oppose Comte au nominalisme, qui reste au
niveau des signes artificiels conscients ; et sa revendication en faveur
de l'énergie sous-jacente des deux premières logiques permet à Comte
de se situer à une profondeur psychique inconnue des sensualistes,
auxquels maints indices le rattacheraient, et surtout sa recherche d'une
théorie des signes ; mais les sensualistes considèrent les notions de
sensation et d'image comme des notions de la plus grande clarté6.
Et Comte perçoit donc un processus rhétorique inhérent à la logique
originelle, c'est-à-dire à ce premier logos, qui n'est que couverture
métaphorique sans distanciation de l'objet, symbolisé par le fétiche7.
L'élaboration du langage et de l'art, dans leur développement
ultérieur, éloignera l'homme de ce contact direct avec le « réel » ;
aussi Comte souhaite-t-il, non pas de renouveler ce premier contact,
mais de relier, dans toute opération de pensée, les trois logiques : des
sentiments, des images et des « signes ». Aspirant à une fétichité
retrouvée par-delà le procès des images et des « signes » et contra
irement à une fausse idée du positivisme, Comte se retrouve ainsi sur
les voies d'un Nietzsche, qui exprimera cette même nostalgie, quand
il décrira cette « force en nous », « une force d'art », qui crée en
omettant, en tant que «le mot ne contient qu'une image, de là le Comte et le retour à une rhétorique originelle 95
concept » 8. Et cette force créatrice en nous, Nietzsche la voit obéir
au principe de plaisir et suivre des « raisonnements inconscients comme
étant le passage d'image à image » 9. Evoquant une genèse probable de
la pensée et de ses modes, Nietzsche y découvre le règne de la méta
phore, tout comme Comte, également Turgot, Rousseau, Herder10.
L'excitation, répétée en multiples métaphores, instaure, par son pro
cessus, langage et logique, sur la base d'une « logique des sentiments »
et d'une « logique des images », ainsi que Comte l'avait pressenti n.
Sans doute est-ce un juste retour des choses que Comte nous annonce
avec celui, inattendu, de l'activité esthétique pleine : « Quand la science
abstraite aura enfin construit suffisamment le fond général de la
sagesse humaine, les seuls exercices théoriques qui prévaudront habi
tuellement seront esthéti

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