Connaissances et représentations du droit chez 11-17 ans en Pologne - article ; n°3 ; vol.21, pg 117-137

Maria Borucka-Arctowa, Maria Magoska, Urszula Mós, Grazyna Skapska

Description

Revue d’études comparatives Est-Ouest - Année 1990 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 117-137
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_D-ETUDES_COMPARATIVES_EST-OUEST
• Publié le: 01 janvier 1990
• Nombre de lectures: 24
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Maria Borucka-Arctowa
Maria Magoska
Urszula Mos
Grazyna Skapska
III. Connaissances et représentations du droit chez 11-17 ans en
Pologne
In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 21, 1990, N°3. pp. 117-137.
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Borucka-Arctowa Maria, Magoska Maria, Mos Urszula, Skapska Grazyna. III. Connaissances et représentations du droit chez
11-17 ans en Pologne. In: Revue d’études comparatives Est-Ouest. Volume 21, 1990, N°3. pp. 117-137.
doi : 10.3406/receo.1990.1466
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1990_num_21_3_1466— CONNAISSANCES ET REPRÉSENTATIONS Ill
DU DROIT CHEZ LES 11-17 ANS EN POLOGNE
Maria BORUCKA-ARCTOWA
Maria MAGOSKA
Urszula MÔS
Grazyna SKAPSKA*
1. L'enquête effectuée en 1987 par le groupe de recherche polonais a été
réalisée auprès de trois populations d'élèves de l'enseignement secondaire
correspondant aux âges de 11-12 ans, 13-14 ans et 16-17 ans. Les seconds
approchent aujourd'hui de l'âge de la majorité tandis que les troisièmes ont
atteint cet âge en 1989. Ils appartiennent donc à la jeune génération qui
participe (de façon plus ou moins active) au processus des changements
politiques, sociaux et juridiques actuellement en cours en Pologne. Cette
« expérience historique » consiste à passer du système centralisé et ant
idémocratique de commandements administratifs qui caractérisait les pays
du « bloc socialiste », à un modèle de démocratie, de pluralisme politique
et d'économie de marché. La mise en œuvre de ce nouveau modèle suppose
que l'on tienne compte de la persistance de certaines structures, de la
conscience sociale et de la conscience juridique qui en fait partie. Parmi les
changements en cours en Pologne, les plus importants concernent le
processus d'apprentissage de nouvelles formes de démocratie, de la
« primauté de la loi », de l'autonomie et de la libération des initiatives
économiques.
Dans quelle mesure cette conscience existante et « l'image du droit » qui
s'est formée contiennent-elles des éléments de la culture juridique et de la
démocratie européennes, et à quel degré demeurent-elles imprégnées de
l'influence de l'ancien système et de la circulation des informations et des
expériences qui en avaient résulté ? Avec quel bagage de connaissances et
de représentations à l'égard des institutions juridiques et des valeurs liées
au droit, cette nouvelle génération est-elle entrée dans l'époque « d'une
révolution tranquille » ?
* Maria Borucka-Arctowa est professeur à l'Université de Cracovie. Elle dirige le
Groupe de recherche sur la conscience juridique de la société polonaise de l'Institut de
l'État et du Droit de l'Académie Polonaise des Sciences qui a réalisé la recherche et dont
font partie les trois chercheurs dont les noms suivent.
117 M. Barucka-Arctowa, M. Magoska, U. Môs, G. Skçpska
II ne faut pas ignorer le fait que les jeunes en France et en Pologne
constituent la génération qui se trouvera face aux nouveaux devoirs que
l'Europe du XXème siècle devra affronter au seuil du XXIèmesiècle. Le
système politique et social, ainsi que les conditions qu'il crée pour un rôle
plus ou moins important du « sujet » et de son autonomie dans le processus
de socialisation, revêtent une grande importance pour la formation de
« l'image du droit ». Le modèle autoritaire et répressif exclut l'individu du
processus d'interactions et de la communication sociale définie chez
J. Habermas par le terme ôffentliche Kommunikation. Le problème du
pluralisme normatif et le rôle de renforcement ou au contraire de concur
rence que jouent à l'égard de la loi d'autres règles sociales (surtout les
règles morales) ont à cet égard une grande importance.
2. Le conditionnement culturel est lié au problème de la langue. Il est
évident qu'il nous faut prendre en considération — surtout pour une
analyse comparative dans le cadre de deux langues et de deux cultures
(française et polonaise) — les différences de signification des mots-clés
utilisés dans l'enquête comparative ainsi que la place qu'ils occupent dans
le langage quotidien. Il ne faut pas, non plus, ignorer certaines traditions
historiques qui peuvent doter les mots-clés d'une signification particulière
ou bien qui éveiller des attitudes émotionnelles.
Il est également question du problème plus théorique, plus fondamental,
du rôle de la langue dans la formation des structures cognitives.
L'intérêt que nous portons à l'émergence et au développement de
certaines notions juridiques est fondé sur l'idée que c'est grâce à la langue
que le monde prend des contours nets. Cela ne veut pas dire pour autant
que nous percevions le monde uniquement par le biais de la langue16. Là
thèse de Gadamer selon laquelle cet objet de connaissance et d'énoncé est
dès toujours compris dans l'horizon mondain de la langue17 paraît trop
forte. Nous considérons comme plus fondée l'opinion de Zycinski selon
laquelle : « Notre vision de la réalité est une résultante de la réalité
elle-même ainsi que des modèles linguistiques qui lui sont imposés et qui
sont relativisés par la culture, l'histoire et la société. Au lieu d'une vision
unilatérale de la langue-créatrice ou de la langue-miroir reflétant la réalité,
nous pensons que sous certains aspects, c'est la réalité qui modèle la
langue, et sous d'autres, c'est la langue qui modèle la réalité »18.
Parmi les notions particulièrement importantes du point de vue de nos
recherches, il faut distinguer celles dont le contexte est constitué par le
système juridique et son application. Il s'agit d'abord de notions communes
16. B. Skarga, Granice historycznosci (Les frontières de l'historicité), Warszawa 1989,
p. 100.
17. H.G. Gadamer, Vérité et méthode, Paris, 1976, p. 303.
18. J. Zycinski, Jezyk i metoda (Langage et méthode), Krakow, 1983, p. 71.
118 Les 11-17 ans en Pologne et le Droit
au langage juridique et au langage quotidien, ensuite de notions propres au — y compris les notions-définitions des rôles et des
institutions liées à l'application de la loi, ainsi que les notions politiques et
juridiques. Le développement chez l'individu des de ce type est,
selon les thèses de nos recherches, lié à l'accroissement du savoir et des
expériences concernant le système de droit, au sens large du terme, et ses
processus d'application. Il est important d'y introduire le concept de
« compétence à la communication », définie dans cette étude comme la
capacité d'un individu de participer au processus d'échange d'arguments
(discours) concernant les événements et les phénomènes liés au système
politique et juridique existant19.
Soulignons que le développement de la compétence à la communication
est étroitement lié au de l'individu ainsi qu'aux change
ments démocratiques du système social20.
Les théories contemporaines de la démocratie matérielle font référence
à la conception de la compétence à la communication. Elles mettent
particulièrement en relief les questions relatives à la déformation, à la
rationalisation du discours, à la capacité de participer au discours portant
sur les phénomènes politiques et sociaux et non uniquement sur les
problèmes subjectifs et individuels, ainsi que les problèmes de la capacité
de formuler des postulats concrets, de percevoir le droit sous l'aspect des
valeurs et des intérêts concrets qu'il devrait protéger21.
Le développement des notions juridiques constitue donc un indice de la
formation des compétences à la communication dans la sphère de la réalité
sociale créée grâce à l'existence du droit et des institutions liées à son
application.
L'avis présenté ci-dessus se réfère à la conception des faits institutionnels
de J.R. Searle, c'est-à-dire des faits traduits dans la langue par des notions
conditionnées par l'existence préalable des institutions politiques, culturel
les et juridiques22.