Contribution à la sociologie du chef d'entreprise. Le « Jeune Patron » tel qu'il se voit et tel qu'il voudrait être - article ; n°6 ; vol.9, pg 896-911

François Bourricaud

Description

Revue économique - Année 1958 - Volume 9 - Numéro 6 - Pages 896-911
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: REVUE_ECONOMIQUE
• Publié le: 01 janvier 1958
• Nombre de lectures: 37
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Monsieur François Bourricaud
Contribution à la sociologie du chef d'entreprise. Le « Jeune
Patron » tel qu'il se voit et tel qu'il voudrait être
In: Revue économique. Volume 9, n°6, 1958. pp. 896-911.
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Bourricaud François. Contribution à la sociologie du chef d'entreprise. Le « Jeune Patron » tel qu'il se voit et tel qu'il voudrait
être. In: Revue économique. Volume 9, n°6, 1958. pp. 896-911.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1958_num_9_6_407332CONTRIBUTION
LA SOCIOLOGIE DU CHEF ENTREPRISE
LE JEUNE PATRON
tel il se voit et tel il voudrait être
II est très difficile de se faire une idée de entrepreneur fran ais
aujourdhui qui ne sacrifie pas aux préjugés courants Dans les années
après guerre il été de bon ton de railler inertie archaïsme de nos
entreprises Si on se réfère aux analyses un excellent connaisseur étran
ger comme John Sawyer 1) le contraste est frappant entre entrepre
neur la fran aise et le type idéal de entrepreneur tel que Schumpeter
par exemple dessiné Sawyer souligne que les conditions propres la
société fran aise découragent les fortes volontés et les fortes intelligences
entrer dans les affaires La séduction qui attache aux grands corps
de Etat Inspection Conseil pour ne rien dire de la Car
rière détournerait les meilleurs de nos jeunes gens embrasser les
professions commerciales et industrielles autant plus que dans ces sec
teurs les places les plus avantageuses seraient soigneusement gardées pour
les fils de famille partir de ces observations Sawyer pas de
peine suggérer que la notion enrichissement personnel pour les
Fran ais un sens tout fait particulier ce qui importerait nos bourgeois
est autant que accumuler et de réinvestir de maintenir un certain
train un certain rang La production constituerait un objectif clai
rement subordonné Ces analyses étaient généralement admises ces
toutes dernières années et elles semblaient commodes on cherchait
des causes au fameux malthusianisme des entrepreneurs fran ais que ne
cessaient de dénoncer les plus sagaces de nos observateurs Mais il nous
semble hui que le portrait dont nous venons de rappeler les lignes
John SAWYER The entrepreneur and the social order in Men
in Business Cambridge Harvard university Press 1952) pp 7-23 LE JEUNE PATRON 897
principales besoin être retouché expansion rapide des années 50
nous amène rechercher si nos chefs entreprise étaient aussi insensibles
que nous le croyions aux exigences de la société industrielle moderne
Nous avons pas dans les pages qui suivent nous demander quelles
causes imputer la récente expansion de notre économie et si le mérite
doit en être rapporté la classe des entrepreneurs la sagacité des hauts
fonctionnaires qui contrôlent le crédit et des banquiers qui le distribuent
adresse de la main-d uvre intelligence et la bonne volonté des
syndicats ou des transformations structurelles plus profondes dans les
habitudes de consommation par exemple
Nous avons pensé que étude de la littérature professionnelle des
chefs entreprise nous permettrait de nous faire une idée de quelques-unes
de leurs préoccupations et plus généralement sur la manière dont il
envisagent leur rôle Bien entendu nous avons jamais confondu idéo
logie avec la réalité entre ce que le chef entreprise souhaite être et
ce il est aux yeux de ses ouvriers entre image idéale il souhaite
donner lui-même et aux autres et la manière dont il exerce ses droits
et acquitte de ses obligations il existe certainement un décalage peut-être
même une contradiction ou du moins certaines tensions qui reten
tissent sur toute économie de son rôle Disons un mot une deuxième
question pourquoi de toute la littérature professionnelle choisir celle qui
émane du Centre des jeunes patrons abord le lecteur le verra nous
avons fait quelques emprunts autres sources Mais il faut reconnaître
que essentiel de nos textes vient de la revue des jeunes patrons
Ceux-ci constituent il faut en convenir un groupe extrêmement particu
lier abord plus que leurs confrères ils sont sensibles aux problèmes
théoriques posés par le rôle ou comme ils préfèrent le dire par la mis
sion du chef entreprise Ils sont un peu les intellectuels de la
profession Ensuite par leur recrutement il est pas sûr ils soient
très représentatifs les chefs des petites et moyennes entreprises des
affaires familiales tiennent une place très importante très voyante Ensuite
la coloration spiritualiste la fois chrétienne et sociale du
mouvement accentue sa particularité Comment les autres chefs entre
prise voient-ils le mouvement des jeunes patrons Après quelques
conversations il est évidemment difficile de répondre cette question
Marquons cependant que souvent le personnage du jeune patron ne
va pas sans susciter ressentiment et railleries on insiste sur ses préten
tions intellectuelles même si on loue son goût du nouveau sa sensi-
Revue Economique N* 1958 S9 898 REVUE CONOMIQUE
bilité aiguë aux problèmes des temps nouveaux son goût des responsa
bilités et son souci de ne pas faillir ses devoirs Reste que le jeune
patron constitue un type social dont la description nous semblé tout
fait propre faire ressortir avec ses valeurs positives comme avec ses
valeurs négatives dans sa cohérence volontaire et conquérante comme avec
ses déchirements le personnage du chef entreprise fran ais aujourdhui
Nous avons lu et dépouillé la revue des jeunes patrons dont
le premier numéro parut le 1er février 1947 et nous avons essayé or
donner nos textes sous quelques grands thèmes qui pourraient constituer
des lignes de force et des points de tension dans le rôle que nous
avions entrepris de décrire
DE EMINENTE DIGNITE DU PATRON
Le numéro de la revue février 1947 ouvre sur une photo accom
pagnée une légende aussi significatives une que autre En se main
tenant son poste contre vents et marées en souhaitant accéder en
dépit des menaces il ignore pas le patron ou futur patron au
hui donne la mesure de son caractère Le jeune patron se voit
environné de périls mais face cette situation il trouve en lui-même
les forces et le recours nécessaire dans le sentiment de sa vocation et des
devoirs elle lui impose Puisque nous parlons de vocation quelles
incitations quels motifs appellent et retiennent ie jeune patron se
demande Jean Predseil article de cet auteur souligne les périls et
les menaces dont le chef entreprise se sent environné espèce de sus
picion qui pèserait sur chacune de ses initiatives Aux yeux un grand
nombre le patron personnifie réellement un monde étranger une classe
expirante séparée de ce que la nation comporte de dynamique et privé
de toutes promesses avenir Les meilleurs parmi eux-mêmes sentent très
cruellement le poids de cet ostracisme Le dernier mot de ce texte nous
apparaît très remarquable Sans doute faut-il en noter la date en février
1947 la mode était pas louer les mérites et les vertus de entrepreneur
Mais encore hui dans quelle mesure une bonne partie des patrons
ont-ils pas le sentiment être au banc de la nation être confinés
dans une sorte de ghetto exclus et re étés par la méfiance populaire
Ernest Coumet aide technique nous fort Intelligemment aidé
dans cette tâche LE JEUNE PATRON
privés de contact avec la partie intellectuelle de la nation et tenus
par les augures pour une classe condamnée terme et en même temps
jugés coupables des pires exactions On beaucoup insisté sur les sen
timents de frustration et isolement qui affligent le monde ouvrier le
patron lui aussi ne se per oit-il pas comme une sorte de bouc émissaire
ou de vache lait que des imprévoyants tirent sans discrétion
est sans doute un préjugé commun chaque groupe que exagérer
importance de sa contribution au produit national et de imaginer elle
est ignorée de tous les autres groupes les sens variables que recouvre
un mot comme producteur productif improductif sont cet
égard tout fait dignes être étudiés Ils apparaissent guère dans la
littérature des jeunes patrons Mais ce que on pourrait appeler le
ressentiment de entrepreneur décèle quoique une manière implicite
maîtrisée et pour ainsi dire sublimée
Pour opinion commune le patron apparaît trop souvent comme un
profiteur Predseil dans le même article proteste avec beau
coup de force aux yeux du plus grand nombre écrit-il le poste