Cultures maghrébines et perspectives méditerranéennes - article ; n°73 ; vol.19, pg 186-200
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Description

Tiers-Monde - Année 1978 - Volume 19 - Numéro 73 - Pages 186-200
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Ahmed Moatassime
Cultures maghrébines et perspectives méditerranéennes
In: Tiers-Monde. 1978, tome 19 n°73. pp. 186-200.
Citer ce document / Cite this document :
Moatassime Ahmed. Cultures maghrébines et perspectives méditerranéennes. In: Tiers-Monde. 1978, tome 19 n°73. pp. 186-
200.
doi : 10.3406/tiers.1978.2789
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1978_num_19_73_27891 86 AHMED MOATASSIME
CULTURES MAGHRÉBINES
ET PERSPECTIVES MÉDITERRANÉENNES
par Ahmed Moatassime*
Aucune région de la Méditerranée ne semble présenter une unité culturelle
aussi profonde et aussi « contrastée » à la fois que celle du Maghreb. Ceci n'est
pas seulement un fait de civilisation propre à cette partie du monde. C'est
également une expression caractéristique de la culture méditerranéenne sous
ses multiples versants. Tour à tour dominant ou dominé, le Maghreb a beau
coup « reçu » tout comme il a « donné » sans compter, envers et contre les
avatars historiques.
Aussi, quelle que soit la diversité politique qui va souvent jusqu'au
paroxysme de la divergence, les trois pays maghrébins — Maroc, Algérie,
Tunisie — n'en présentent pas moins une profonde unité géographique, humaine
et historique constituant ainsi la base essentielle de leur culturelle. Celle-ci,
tout en puisant sa force dans le « contraste » des cultures populaires, plonge
également ses racines dans le passé proche et lointain du Bassin méditerranéen,
ce qui lui fournit une dimension dialectique garantissant ainsi son dynamisme
social.
L'unité géographique du Maghreb, avons-nous dit, apparaît horizontale
ment — malgré les tracés coloniaux verticaux séparant les trois pays — dans
une continuité de relief allant de l'océan Atlantique jusqu'à Tripoli : même
façade méditerranéenne, mêmes chaînes de l'Atlas, même désert...
Il en est de même sur le plan humain puisque le fond de la population est
arabo-berbère. Sans doute l'arabisation en Tunisie, qui compte environ 5 mil
lions d'habitants, est-elle beaucoup plus accentuée puisqu'il n'y aurait plus dans
ce pays que 2 % de berbérophones. Mais ces derniers représentent encore
quelque 30 % en Algérie qui compte plus de 17 millions d'habitants et 50 à
60 % au Maroc qui compte plus de 18 millions d'habitants.
Historiquement, avant de rencontrer les Arabes, les Berbères — qui sont les
premiers habitants des pays maghrébins — durent tout d'abord lutter avec
acharnement contre les dominations étrangères : phénicienne, carthaginoise
ou romaine. C'est finalement l'Islam — venu d'Arabie au vne siècle avec la
langue arabe, expression sacrée du Coran — qui allait les conquérir. Ils y
trouvèrent, contrairement à des idées répandues, une certaine liberté qui, plus
d'une fois dans leur histoire, devait les affranchir des Arabes eux-mêmes,
pourtant considérés comme les premiers porteurs du « message » coranique
de Mahomet. Et ce sont les Berbères, avec en particulier leurs deux grandes
dynasties — Almoravides (105 3-1 147) et Almohades (1 147-1272) — qui, après
* Professeur à Piedes. CULTURES MAGHRÉBINES ET PERSPECTIVES MÉDITERRANÉENNES 187
avoir consolidé la civilisation arabe andalouse en Espagne, ont donné déf
initivement au Maghreb son visage culturel arabo-islamique que nous lui
connaissons aujourd'hui. Mérinides, Saâdiens et Alaouites se succédèrent
ensuite, notamment au Maroc où cette culture atteindra son apogée, avant de
sombrer dans la désuétude. Le Maghreb subira en outre des transformations
substantielles avec la colonisation française qui, on le sait, a duré de 1830 à
1962 en Algérie, de 1881 à 1954 en Tunisie et de 1912 à 1955 au Maroc.
Ces péripéties historiques et humaines qui ont irréversiblement marqué le
Maghreb, trouvent leur prolongement dans une triple expression culturelle :
— Une culture berbère orale, toujours dynamique, notamment au Maroc
où elle se manifeste encore comme une expression populaire authentique.
— Une culture arabe, profonde, longtemps représentée par un enseigne
ment arabo-islamique spécifique dit « traditionnel ».
— Enfin, une culture française, qui tend à faire partie intégrante du
nouveau système maghrébin d'enseignement arabo-français dit « moderne ».
Toutes ces cultures paraissent former, malgré des chocs inévitables, une
certaine symbiose dont les Maghrébins espèrent tirer parti en vue d'une pers
pective plus large : méditerranéenne et universelle.
I. — Culture berbère et expression populaire
La culture berbère se comprend tout d'abord par rapport à la langue
berbère elle-même et à son expression populaire authentique.
a I Une langue essentiellement orale
Malgré un attachement quasi mystique à l'Islam et naturellement à l'arabe,
langue sacrée du Coran, les Berbères conservent jalousement leur idiome qui,
pour la plupart d'entre eux, reste le seul instrument d'expression intime.
C'est que la langue berbère — pourtant essentiellement orale — ne manque
ni de vigueur, ni de moyens propres pour se reproduire : aussi bien dans le
temps que dans l'espace.
Dans le temps, c'est à travers les contes que la langue berbère se reproduit
le mieux :
« Le conte, dit Taos Amrouche, est cette surprenante richesse de la litt
érature orale des Berbères qui a conservé, malgré l'influence arabe, sa forte
originalité (...), ces histoires si spécifiques du génie berbère où le réalisme le
plus cru et l'humour contrastent avec le fantastique et le merveilleux »x.
« Les Berbères, écrit le grand historien maghrébin Ibn Khaldoun, racontent
un si grand nombre d'histoires que si on prenait la peine de les mettre par écrit
on en remplirait des volumes »2.
Quant à la diffusion de cette culture dans l'espace, elle se fait par un méca
nisme permanent d'auto-information orale qui confère à la langue berbère un
rôle de premier plan, comme d'ailleurs à toute langue orale, tel l'arabe dialectal
par exemple* :
II y a d'abord les poètes populaires qui, dans n'importe quelle circonstance,
1. Taos Amrouche, Le grain magique, Paris, Maspero, 1975, p. 9.
2. Cité, in ibid.
3. Cf. A. MoATASsiME, Revue française d'Etudes politiques africaines, novembre 1972, n° 83,
pp. 74-86. 1 88 AHMED MOATASSIME
tiennent involontairement leur « public » informé en composant (ne sachant
pas écrire) des poèmes oraux appelés îta dans les plaines arabophones et i^lane
dans les montagnes berbérophones.
Cependant, ce sont surtout les shikhates (ou chanteuses publiques) d'une
part, les ârçayates et les âdadates (ou pleureuses à gages) d'autre part, qui
reprennent à leur compte ces compositions, leur donnent une forme chantée
et, à la première occasion, les communiquent à leur public populaire avec une
certaine amplification, en se servant les unes ou les autres de leur « tribune »
spécifique si l'on peut dire. Aux shikhates incombe naturellement la qualité
de répandre les bonnes nouvelles; ce qui peut se faire à l'occasion d'une noce
ou d'une fête populaire. Aux aboyâtes et âdadates revient la tâche de répandre
les mauvaises nouvelles ; ce qui peut se faire à l'issue d'une cérémonie funèbre
par exemple.
Tous néanmoins — poètes, shikhates, aboyâtes ou âdadates — jouent leur
rôle d'une manière remarquable bien qu'involontaire. Les sujets abordés
traitent — parallèlement à des thèmes traditionnels comme l'amour, la mort,
la prière, le mariage, l'argent, le bonheur, etc. — de « vrais » problèmes d'actual
ité : le prix élevé du sucre ou du thé à la menthe, les impôts, l'injustice sociale,
le despotisme du caïd, la faiblesse du pauvre, le bonheur des riches, les partis
politiques, le Roi, le général de Gaulle, l'Indochine, enfin la jeunesse, les
grèves scolaires, etc.
Tout y passe... mais dans un désordre qui dérouterait tout esprit cartésien.
On va d'un sujet à l'autre sans transition et sans préparation. Cependant, le
langage employé — simple, limité, sans aucune recherche esthétique — est
souvent mieux saisi, abondamment commenté et, en tout cas, m

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