De l intégration aux patries imaginaires - article ; n°1 ; vol.37, pg 71-88
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De l'intégration aux patries imaginaires - article ; n°1 ; vol.37, pg 71-88

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Description

Sociétés contemporaines - Année 2000 - Volume 37 - Numéro 1 - Pages 71-88
Integration of immigrants or ethnic minorities can inaugurate new identity searches and constructions, reactualizing scenes invested with imaginary elaborations. This article put forward an analysis of this reactualizing process, and some of its specifications according to whether it concerns populations linked to a colonial history (France, Great-Britain) or longstanding established in a pluri-cultural nation (United-States). It is suggested that this inventive and imaginary stage aims at redefining and reappropriating the formally achieved integration process.
RÉSUMÉ: L’intégration dans la société d’accueil, but à atteindre de certaines populations immigrées ou minoritaires, peut se révéler point de départ de nouvelles quêtes et constructions identitaires réactualisant des temps et des lieux investis d’élaborations imaginaires. Le présent article propose une analyse et une interprétation de ce processus de réactualisation, de certaines de ses formes et expressions selon qu’il s’agit de groupements reliés à un passé colonial (France, Grande-Bretagne) ou insérés, de longue date, dans une nation pluriculturelle (États-Unis). En prolongeant un processus d’intégration formellement achevé, cette étape, avec sa part d’invention imaginative, aurait pour fonction de permettre sa redéfinition et sa réappropriation.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 26
Langue Français

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      H A R O U N J A M O U S       
DE L’INTEGRATION AUX  PATRIES IMAGINAIRES
RÉSUMÉ :  L’intégration dans la société d’accueil, but à atteindre de certaines populations immigrées ou minoritaires, peut se révéler point de départ de nouvelles quêtes et construc-tions identitaires réactualisant des temps et des lieux investis d’élaborations imaginaires. Le présent article propose une analyse et une interprétation de ce processus de réactualisation,  de certaines de ses formes et expressions selon qu’il s’agit de groupements reliés à un passé colonial (France, Grande-Bretagne) ou insérés, de longue date, dans une nation pluricultu-relle (États-Unis). En prolongeant un processus d’intégration formellement achevé, cette étape, avec sa part d’invention imaginative, aurait pour fonction de permettre sa redéfinition et sa réappropriation.  Dans l’introduction de Patries imaginaires (1993), recueil d’articles publié après la célèbre fatwa le condamnant à mort, Salman Rushdie, livre en raccourci les condi-tions de sa « bonne  intégration en Grande-Bretagne puis décrit en ces termes les liens qui devraient unir les écrivains indiens d’Angleterre à la langue anglaise : Et j’espère que nous pensons tous que nous ne pouvons pas simplement utili-se aise comme le font les Britanniques ; que nous devons la ré-in r v  e la n  t l e a r n  g 1  upe oaunr gnlos besoins. Ceux dentre nous qui emploient la langue an-glaise le font malgré notre attitude ambiguë à son égard ou peut-être à cause d’elle, peut-être parce que nous pouvons trouver dans cette lutte linguistique un reflet des autres luttes qui se déroulent dans le monde réel, des luttes entre les cultures à l’intérieur de nous-mêmes et les influences à l’œuvre sur nos so-ciétés. La langue de la société d’accueil, dont la maîtrise est généralement considérée par les sciences sociales comme un des principaux indicateurs d’intégration, devient ainsi un champ de réinvention et de lutte. Et incite Salman Rushdie à attendre des membres de sa communauté « indo-britannique  des formes d’expression où réel et fiction se rencontrent dans une « autorégénération permanente , convoquant en un même présent la mémoire du passé et l’espoir du futur, associant les apports de la société d’accueil à ceux de la culture traditionnelle.
 1.  Souligné par nous. Sociétés Contemporaines (2000) n° 37 (p. 71-88)   
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H A R O U N J A M O U S                 Ce processus de reconstruction et de réinvention qui, symboliquement, subvertit la logique d’une intégration déjà faite, se situe au-delà de l’itinéraire d’un écrivain indien, « citoyen musulman du Royaume-Uni , à la recherche d’une nouvelle forme d’expression ou en quête d’une identité culturelle stable et cohérente. Convoquées en introduction à cet article, ces réflexions suggèrent, d’abord, qu’en dépit de sa condamnation, l’écrivain n’a rien renié de ses origines et continue à s’identifier aux problèmes de « sa communauté  jusqu’à en porter toutes les am-biguïtés. Figure emblématique, il ne correspond, en second lieu, à aucune représen-tation alimentant la polémique sur les oppositions et les mérites des divers modèles nationaux d’intégration. Enfin et surtout, les réponses ponctuant les quêtes et les re-compositions de ces « patries imaginaires  se trouvent de plus en plus présentes au sein de populations, elles aussi intégrées et censées être stabilisées dans leur nou-velle citoyenneté. On verra comment émergent et se diffusent chez elles des langa-ges, des récits, des constructions utopiques réinventées, qui les portent à transmuer leur réel en une réactualisation semi-imaginaire tenant lieu de nouvelle Terre pro-mise 2  . Ce phénomène qui renvoie, dans certains cas, à des prises de conscience collec-tives et à des réinventions symboliques, dans d’autres, à l’apparition de comporte-ments inédits, ébranle et met en discussion la pertinence des deux cadres d’analyse dans lesquels se débattent les questions d’intégration. LES MODELES D’INTEGRATION. UN DEBAT IDEOLOGIQUE Sur ce thème, d’ailleurs, le paysage intellectuel français découvre des ambiguïtés et des méconnaissances surprenantes. Tandis que les polémiques passionnelles am-plifient exagérément les oppositions entre modèle français et anglo-saxons – surtout américain –, les recherches en sciences sociales, faites d’observations et de travaux empiriques sur le terrain, concourent à montrer que les distinctions sont loin d’être aussi tranchées. Elles mettent même l’accent sur une convergence de régularités tou-chant la succession des générations, quel que soit le pays, suggérant ainsi une cer-taine capacité d’auto-reproduction des sociétés occidentales. Évoquant les continuelles tentatives de comparaison et d’opposition entre mo-dèles d’intégration, Lapeyronnie (1996) écrit : « Pourtant, depuis longtemps, par leurs investigations empiriques, les sciences sociales ont démontré l’inanité de cette “tyrannie des dualismes”. (...) D’un point de vue strictement sociologique, ces discussions (...) sont complètement déconnectées des études concrètes de la réalité sociale  (p. 253-254). Bien avant cela, un auteur d’une autre sensibilité politique et scientifique –  André Siegfried (1954) – faisait à peu près le même constat relatif à la convergence des modèles d’intégration. Décrivant les mécanismes d’assimila-tion en France et aux États-Unis, il notait : Il est intéressant de constater  2. Si le phénomène évoqué ici peut rappeler, par certains aspects, les idées développées autour des notions de mythe ethnique (Steinberg) ou d’ ethnicité inventée (Sollors), il s’en distingue par le sta-tut dévolu au travail de l’imaginaire. Dans cette littérature, la création imaginative est soit réduite à une forme de régression ou de fausseté, soit prétexte à élaborations rhétoriques visant l’imaginé. Ici, comme on le verra, c’est le processus de remontée à la conscience , induit par certains événe-ments historiques, qui est à la base des reconstructions imaginatives.
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         D E L ’ I N T É G R A T I O N A U X “ P A T R I E S I M A G I N A I R E S ” qu’en ce qui concerne l assimilation en France des immigrés étrangers, l’expérience est à peu près la même (qu’aux Etats-Unis....). On peut conclure qu’en Amérique comme en France l’adaptation se produit conformément aux mêmes rythmes et aux mêmes lois.(...) Ce rythme se retrouve curieusement partout où il y a immigration, en Argentine, au Brésil, en France, le processus ne pouvant davantage être accéléré que dans les expériences chimiques (p. 41). La tonalité déterministe de i au osi-tions particulières de lauteucre.s  3  exOtnr aritest rnouevset  pdaasn sd ulee s àr léséupltoaqtsu ed, en rechxe rpches plus récentes les mêmes allusions à des régularités récurrentes et à des simili-tudes touchant aussi bien les mécanismes d’intégration que les évolutions mi-gratoires (Noiriel, 1988 ; Lapeyronnie, 1993). Et au delà des phases histori-ques, des auteurs et des cas empiriques, on peut, en substance, résumer ainsi les régularités caractérisant ce phénomène de convergence : 1 – Généralement, le processus d’intégration est lié à une étape du mouvement migratoire, celui dit de la « stabilisation . 2 – Ce mouvement obéit à des régularités socio-historiques qui font dire que « L’immigration est un mouvement qui possède son énergie propre que les po-litiques ne peuvent véritablement infléchir . 3 – Cette évolution dans le temps comporterait des étapes, des phases réguliè-res qui, en gros, se retrouvent aussi bien dans les formes d’intégration com-munautaires qu’assimilationistes. 4 – Le nombre de phases peut varier, mais les régularités observées ne sont pas très différentes d’un cas à l’autre, et elles sont parfois rapprochées de cel-les mises à jour par les recherches sociologiques américaines sur l’intégration des immigrés au début du siècle (Thomas et Znaniecki, 1958 ; Ecole de Chi-cago ; Park, 1950). Mais si, d’un côté, le débat passionnel, ignorant les apports des recherches de terrain, amplifie à l’excès les distinctions nationales, de l’autre, l’insistance sur ces résultats faisant convergence, et touchant la succession des générations quelles que soient l’époque et la société d’accueil, a tendance à créditer les sociétés occidentales d’une certaine supériorité culturelle à même d’annihiler toute perpétuation du rap-port hégémonique originel. Par ailleurs et surtout, la vogue des évaluations comparatives se trouve de plus en plus distancée par la poussée de nouvelles exigences identitaires débordant les modèles nationaux d’intégration et émanant surtout de populations musulmanes déjà intégrées et dotées d’une citoyenneté. C’est le sens que prennent les conclusions de G. Kepel (1994) lorsqu’il associe l’émergence et le développement de revendica-tions de type communautaire, dans les pays d’Occident, à ce qu’il appelle un « déni de citoyenneté , ignorant les distinctions nationales. En tout état de cause, et que l’État soit jacobin et « assimilateur , ou libéral et « pluraliste , en France, en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, la revendica- 3. André Siegfried est un cas ambigu. Ce constat de convergence et de régularités quasi-mécaniques s’inscrit dans un darwinisme social qui, par exemple, le fait douter de la véritable et authentique in-tégration du Juif ou de l’Italien, supposés dénués tous deux de « l’esprit protestant  et du « renoncement puritain , fondements, d’après lui, des valeurs de la nation américaine.  Un autre aspect de l’ambiguïté de sa pensée peut se lire dans le chapitre que lui consacre Pierre Birnbaum (1993) dans « La France aux Français.  Histoire des haines nationalistes.
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H A R O U N J A M O U S                 tion communautaire se déploie d’autant plus dans le champ socio-politique que se propagent les mécanismes d’exclusion de la société post-industrielle. (Kepel, 1987, p. 321) Et si l’affaire du foulard, en France, a suscité tant de controverses, c’est qu’elle a remis en cause l’image d’un modèle d’intégration dont l’efficacité et la générosité étaient tenues pour supérieures, qu’elle s’est manifestée chez des jeunes filles, pour la plupart, instruites, déjà intégrées et françaises (Gaspard et Khosrokhavar, 1995). Signant le déclin d’une forme d’intégration de type « mimétique  et l’amorce d’une visée de réappropriation constructive, elle dissipait du même coup l’illusion « d’une définition de l’identité nationale comme cooptation du semblable par le semblable   (Bertaux, S. 1997, p. 51). Enfin, une composante historique majeure est généralement absente de ces dé-bats : l’héritage colonial et ce qu’il porte de récits occultés ou défigurés, de trauma-tismes refoulés ou inversés. En place de cela sont généralement rappelées les diffé-rences entre une Angleterre transférant, dans son système d’intégration, les règles de l’ indirect rule  coloniale – censée laisser les différents groupes ou ethnies assujettis se développer selon leurs rythmes et leurs valeurs propres – et une colonisation fran-çaise prolongeant, elle, ses visées assimilatrices. Or, qu’il s’agisse d’imposer une autonomie locale, comme dans le cas anglais, ou d’octroyer une identité « universelle  à la française, dans les deux cas, et quel que soit le type de colonisation, prévaut une forme d’ injonction de liberté dont tout dis-cours dominant omet généralement le premier terme. Au soyez vous-même !  de l’antienne anglaise, fait écho le soyez universel...comme nous ! de l’exceptionalité française. Dans les deux cas est érigé en principe national une exhortation en forme de « double contrainte  (Bateson, 1977) généralement inductrice de réponses im-possibles ou déviantes. C’est pourquoi, les distinctions retenues dans notre schéma d’analyse se démar-quent des clivages habituels opposant le cas français à ceux des deux pays anglo-saxons. La principale hypothèse privilégiée ici pose que l’existence d’un héritage colonial différencie significativement les deux sociétés anglo-saxonnes et incite à regrouper plutôt d’un même côté la France et la Grande-Bretagne. Pays à intégra-tion récente, conjoncturelle et issue majoritairement de pays anciennement coloni-sés, ils se distinguent sensiblement des États-Unis, nation construite et fondée, dès l’origine, par l’intégration successive de vagues migratoires d’Europe et du reste du monde, et où le mythe d’une intégration sans cesse renouvelée tient lieu de symbole et de référence pour la société dans son ensemble. 1. LE PHENOMENE DE REACTUALISATION Considéré dans sa généralité, le phénomène de réactualisation se manifeste prin-cipalement dans certains groupements minoritaires ou issus de l’immigration, pré-définis culturellement  par une société dominante. 4  Il se présente comme un méca- 4. Le fait d’être « pré-définis culturellement par une société dominante  nous paraît être une dimen-sion essentielle pour comprendre les rapports entre la société d’accueil et ses populations minoritai-res ou issues de l’immigration. Elle priviligie cette négation, souvent inconsciente, de l’autre qui permet de le gommer et de parler pour lui avec les plus louables intentions.
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         D E L ’ I N T É G R A T I O N A U X “ P A T R I E S I M A G I N A I R E S ” nisme de remontée à la conscience, de recomposition et de réappropriation d’un pas-sé omis ou accaparé, à travers lequel se reconstruit et se réinvente une identité et une réalité présentes et futures. Il s’agit là d’une proposition élargie pouvant s’appliquer à tout groupement mi-noritaire dont les dénominations culturelles échappent à sa propre emprise. On spé-cifiera progressivement ses différentes formes selon les situations envisagées. Ainsi, pour ce qui a trait aux cas empiriques retenus dans l’analyse, la définition peut s’appliquer aussi bien aux intégrés issus de l’immigration musulmane récente en France et en Grande-Bretagne qu’aux groupes minoritaires américains, immigrés de plus longue date, et dont certains seulement se réclament de cette origine religieuse. Mais la prise en compte de la dimension historique introduit une spécification supplémentaire. Dans le premier cas (France-Grande-Bretagne) la manifestation du phénomène est plutôt conjoncturelle. Elle est liée à l’intervention d’événements his-toriques externes, associés à la montée du mouvement de réislamisation qui, en réin-terprétant le sens de l’héritage colonial, favorise la prise de conscience et la réhabili-tation d’une identité occultée. Dans le second cas (États-Unis), l’idée de réactualisation relève d’un phénomène quasi-permanent, spécifiquement américain, où la quête identitaire est en perpétuelle reformulation et se trouve liée au mythe de la naissance de la nation elle-même. LA REACTUALISATION DANS SA VERSION FRANCO-ANGLAISE : LE POIDS DE LA COLONISATION C’est celle qui se noue à la rencontre du mouvement général de réislamisation, tel qu’il se développe depuis les années 1980, et des conditions de vie subies par les groupements issus de l’immigration, intégrées des années 70 – 80. (Etienne, 1986 ; Carré, 1991 ; Roy, 1992 ; Burgat, 1995a) Quoique moins pratiquante que ses parents, la majorité des populations concer-nées ici – deuxième et troisième génération – manifeste une religiosité faite d’atta-chement affectif à une culture et à un mode de vie qui devient d’autant plus pré-gnante que l’Arabe et le Musulman se trouvent stigmatisés dans les représentations collectives occidentales. De sorte qu’en inscrivant le religieux dans une remise en cause et une réinterprétation générale de l’héritage colonial, la réislamisation éveille des réactions où il est difficile de faire la part du renouveau religieux, d’un côté, celle d’une remontée à la conscience d’aspirations de type culturel et identitaire, de l’autre. 5  C’est dire que des populations n’ayant ni la même origine religieuse, ni un vécu colonial comparable peuvent, compte tenu de l’existence de conditions de vie simi-laires – chômage, désintégration sociale, exclusion et ghettoïsation face à des politi-ques d’intégration labiles et contradictoires – se trouver impliquées par ce processus  5. Dans cette perspective, les distinctions souvent faites entre des groupements extrémistes, d’un côté, et des « majorités silencieuses  qui les désavoueraient, de l’autre, nous paraissent quelque peu in-cantatoires et rapides. En tout état de cause, elles exigeraient l’usage de comparaisons et d’indicateurs plus subtils qu’une mesure de l’adhésion par des questions directes, voire des répon-ses préétablies, et sollicitées le plus souvent par des membres de la société dominante. Il faut même se demander si le questionnement verbal et direct constitue l’outil adéquat pour saisir ce genre de positions.
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H A R O U N J A M O U S                 de réactualisation. 6  Et voir les évocations de l’ancienne et actuelle domination « occidentale  se mettre en résonance avec un présent éveillant la mémoire et les impressions les plus prégnantes d’une certaine exclusion du monde. C’est que, quels que soient l’origine, le statut social et économique des nouveaux nationaux, la société d’accueil se présente généralement comme un ensemble hégé-monique ayant tendance à valoriser et à universaliser ses règles et ses valeurs, déve-loppant un processus d’intégration à vocation substitutive où l’adoption des acquis occidentaux est censé se faire par « déperdition  progressive – ou rejet – des formes culturelles et religieuses traditionnelles (Tribalat, 1995, 1996 ; Saint-Blancat, 1997). Face à cela, en miroir, se construisaient progressivement les premières réponses des intégrés et des candidats à l’intégration eux-mêmes. Anxieux de coïncider, le mieux et le plus vite, avec les images attendues des sociétés d’accueil, ils adoptaient, pour la plupart, des attitudes auto-dépréciatives visant à masquer les composantes dénigrées de leur identité culturelle, ou à les convertir en figures déchiffrables et re-cevables. C’est le masquage simultané et réciproquement entretenu de cette double néga-tion que la nouvelle conjoncture internationale, faite de la crise économique et de la montée des mouvements de réislamisation, ébranle et remet en cause. Elle constitue la principale convergence de conditions à partir de laquelle va s’amorcer l’abandon d’une intégration de type substitutif et l’émergence de doutes ressuscitant les ré-flexes communautaires des deux bords. 7  Et si du côté de la société d’accueil, la question, toujours présente dans les débats et les politiques d’intégration, demeure, en substance : sont-ils devenus des hommes comme nous ?, du côté des intégrés, interpellés et désillusionnés dans leurs efforts d’adaptation, se pose de plus en plus la question : que sommes-nous devenus au juste ? UNE DOUBLE REMONTEE A LA CONSCIENCE Cette variante du processus de réactualisation fait progressivement surface au point de convergence d’une double remontée à la conscience : l’une avivant le po-tentiel de conflits internes, de violence et de culpabilité mis en veilleuse dès les premiers désirs d’intégration ; l’autre, propre aux sociétés d’accueil elles-mêmes,
 6. la limite, et dans certains cas, les conditions de vie matérielle défavorables ne constituent pas un facteur nécessaire pour voir opérer un type de réactualisation investissant des formes de « patries imaginaires . Le cas de certaines communautés juives, très anciennement et solidement intégrées dans leurs nations respectives et sans être nécessairement croyantes ou religieuses, témoignent, dans leur rapport avec un Etat d’Israël, à la fois concret et mythique, d’une vision du monde et d’une identité en continuelle réactualisation (Jamous, 1982). 7. On évoque souvent la montée des réflexes et des revendications de type communautaire chez les populations issues de l’immigration sans prêter assez attention au fait qu’elle intervient aussi au sein des sociétés d’accueil. L’affaire du foulard, en France, a été, en la matière un détonateur signi-ficatif (voir infra .). Plus généralement, les clivages inattendus qui lézardent périodiquement les par-tis politiques, certaines communautés religieuses, les syndicats (notamment d’enseignants), lors-qu’il est question de problèmes liés à l’immigration et aux rapports avec l’étranger, ne se comprennent qu’en tenant compte de la résurgence en leur sein de réactions de type communau-taire.
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         D E L ’ I N T É G R A T I O N A U X “ P A T R I E S I M A G I N A I R E S ” reconstruisant et réinterprétant d’autant plus les nouveaux acquis des intégrés que ces derniers accèdent progressivement à la visibilité et à la comparabilité.  ce stade, ce n’est plus le souvenir du fait colonial qui importe, mais la perpé-tuation d’une relation où la domination et la violence symbolique, d’un côté, la dé-pendance et l’illusion mimétique, de l’autre, ont été pour un temps masqués et parlés dans le langage de l’illusion égalitaire. Où beaucoup ont cru en cette visée, univer-selle car dominante, et qui disait en substance : on efface tout et on recommence...on fait de vous des gens comme nous ! C’est ce recommencement qui, dans ce phénomène de réactualisation, est retour-né, revendiqué et réapproprié. Chiche on recommence ! semblent reprendre, quel-ques années et générations plus tard, des populations qui, si elles s’engagent peut-être à nouveau dans un autre faisceau d’illusions, croient tout de même pouvoir faire repartir une histoire et renaître une culture. Et comme la langue et les valeurs intégraient en même temps qu’elles dépossé-daient, la réactualisation se déploie en se référant à ce moment inaugural ayant im-posé une parole se voulant seule légitime. Début d’une colonisation fantasmée où ont été confisqués le privilège de la définition et de la transmission et, avec lui, l’histoire et le sens des mots. Aussi, ces ailleurs qui s’élaborent et s’inventent ne sont imaginaires que par les tensions qu’ils s’efforcent de lever aux points de rencontre du passé et du présent, du rêve et de la réalité, de la communauté propre et de la société d’accueil. Et par ces inventions réitérées, ils esquissent une forme spécifique de modernité (Burgat, 1995b ; Jamous, 1996 ; Luizard, 1998). LA REACTUALISATION DANS SA VERSION AMERICAINE : UN PROCESSUS PERMANENT La notion de syncrétisme fait partie des indicateurs discriminants permettant de situer la France et l’Angleterre d’un côté, les États-Unis de l’autre. Elle apparaît si-gnificativement plus souvent lorsqu’il est question d’intégration aux États-Unis que lorsque sont analysés les modes d’intégration dans les deux pays européens retenus dans la recherche. Elle connut une certaine vogue dans la littérature ethnologique, peu avant les an-nées qui virent naître les mouvements de décolonisation, notamment africains. On a associé cette forme de construction qui mêle les traits culturels, les croyances diver-ses, les divinités et les rites à la situation de dépendance que vivaient des popula-tions converties ou « opprimées  (Lanternari, 1983). Lesquelles, à travers ces nou-veaux agencements composites, inventaient une façon symbolique et détournée de se bâtir une liberté et une identité. Et, dans certains cas, ces élaborations favorisèrent des regroupements autour de mythes messianiques, d’actions et de chefs charismati-ques qui jouèrent un rôle majeur dans l’émergence de mouvements indépendantistes (Balandier 1953, 1957). La cohérence fusionnelle que permet la symbolique du my-the tenant lieu d’assise à divers peuples aspirant à bâtir une identité commune. Comment faire tenir et unir un mélange de peuples et de cultures d’une nation nouvellement indépendante et qui vient de naître ? Cette question, qui se pose en-core de façon dramatique à la majorité des pays nouvellement indépendants, est celle-là même qui occupait les Pères Fondateurs des États-Unis d’Amérique pour
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H A R O U N J A M O U S                 qui l’intégration a été une des principales conditions de naissance. Plus, immigration et intégration, loin d’être – comme en Europe – des épisodes additionnels et événe-mentiels, constituaient une donnée permanente, un des fondements de la construc-tion et du développement de la nation, de l’élaboration et du mûrissement de son identité. Et c’est sans doute parce que intégration et naissance étaient toutes deux inhéren-tes à l’acte fondateur, qu’à chaque vague d’immigration, qu’à chaque débat particu-lier qui lui est lié, se trouvent réactivés et remis à plat les problèmes et les principes qui ont régi le « vivre ensemble  de ces moments des origines. Le conflit interethnique, opposant une vague d’immigration à une autre, est bien une invention américaine qui n’a cessé d’évoluer au gré des migrations internes et externes. (...) Il y a bien une crise de l’identité américaine, mais elle n’est pas nou-velle. Elle est de fondation (Lacorne, 1997 p.133, 352). Ce diagnostic, qui esquisse les traits d’une autre façon de désigner une exceptionalité, suggère aussi sa forme de réactualisation. Y revenir, à partir de la définition générale posée plus haut, incite à ajouter ces deux points : 1 – Si depuis l’origine, les « groupements minoritaires  se sont multipliés et ont vu parfois s’atténuer les effets du nombre, ils restent pour la plupart sous l’emprise d’une hégémonie culturelle à dominante protestante et blanche qui se perpétue en-core. C’est l’éternel conflit entre les Américains de souche et les nouveaux immi- grants, les « bons  et les « mauvais  Américains, les exploiteurs et les exploités, les assimilés et les inassimilables (Lacorne, 1997, p.133). 2 – Parmi les intégrés de France et de Grande-Bretagne, le phénomène de réac-tualisation se trouve lié à une conjoncture historique et se manifeste à la rencontre des conditions d’intégration internes et du mouvement de réislamisation, externe. Pour ce qui concerne l’Amérique, le phénomène épouse des périodicités qui l’inscrivent dans une relation continue  entre la valorisation ambivalente de l’idée d’intégration, d’une part, l’intangibilité des principes qui ont présidé à la naissance de la nation, de l’autre. Aussi, la réalité américaine a tendance à induire l’illusion des groupes minoritai-res en encrant leur imaginaire dans toute l’histoire passée et future du pays. Le my-the de la « patrie imaginaire , celui de la Terre promise investissent déjà le point d’arrivée qu’est ce Nouveau Monde. Et l’on peut voir entrer en jeu le processus de réactualisation avant même toute acquisition d’une citoyenneté, dès lors ou en même temps que se conçoit et s’envisage l’acte même d’immigrer. Version européenne comme version américaine de la réactualisation portent en eux un dessein, un projet impossible à réaliser dans le seul champ du réel : refaire ou inverser le temps. La version européenne de la réactualisation qu’éveille l’évocation de la mémoire de la domination coloniale fixe et mobilise l’imaginaire dans un temps qui cherche à retrouver et à recomposer ce qui a été interrompu, détruit ou nié. Et dans ce cas, l’identité rêvée aspire à recommencer . Dans le cas américain, elle ambitionne à renaître . Et sa variante offre à voir les évolutions d’une quête identitaire en perpétuelle reformulation où, à la limite, ce ne sont pas seulement les groupes minoritaires qui vivent la réactualisation. C’est la so-ciété américaine toute entière qui semble avoir fait de ce phénomène une forme de développement et d’évolution où se rejoue sans cesse le mythe de sa propre genèse.
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         D E L ’ I N T É G R A T I O N A U X “ P A T R I E S I M A G I N A I R E S ” Mais si toutes les « ethnies , tous les groupements sont conviés à être dans la course et invités à participer à une gigantesque compétition autour des biens maté-riels et symboliques d’une nation déjà rêvée, on verra comment certains, plutôt favo-risés, parviennent à vivre le processus dans les termes d’une efficacité symbolique (Lévi-Strauss, 1958), reformulant leur origine et leur propre naissance en des mythes et récits jouant sur l’invention d’un double registre. Pour ces groupements minoritai-res appelés « Américains à trait d’union , Hyphenated-Americans, (Italo-Améri-cain, Germano-Américain, etc.), l’origine se situe sans doute au moment où débar-que le plus grand nombre de leurs ancêtres (Allemands, Irlandais, Italiens...). Mais on verra que cette double allégeance ne constitue une réponse à leur dilemme que parce que, justement, elle se fonde sur une réinvention de leur forme d’adhésion et de leur origine. D’autres, en revanche – parmi les Noirs les plus défavorisés – investissent cet imaginaire dans une inversion de type mythico-utopique, reconstruisant et révisant complètement l’histoire du pays ainsi que leur propre itinéraire. Mais en dépit d’une élaboration imaginative poussée au paroxysme, l’idéal brandi par les Musulmans Noirs (Black Muslims)  reste circonscrit à une histoire « africaine  de l’Amérique aspirant, en final, à cette « communauté imaginaire  (Anderson, 1991) qu’incarnent les États-Unis d’Amérique. Quoique réapproprié et réécrit aux couleurs du noir et de l’islam, le mythe fondateur est présent et intervient comme une nécessité pour une autre naissance. 2. L’IMAGINATION DANS LES MOTS ET LES CHOSES Ce n’est pas sacrifier à la mode ou à la rhétorique que de retenir dans ce titre une distinction bien connue de Michel Foucault (1966). Sur le point d’entamer la partie consacrée à la traduction empirique des formes de réactualisation selon les groupe-ments retenus, il s’avère méthodologiquement adéquat de chercher à localiser les indicateurs qu’investit l’imaginaire des groupes américains dans la réinvention de mots ; lorsque les intégrés de France et d’Angleterre mobilisent le leur, ou plus exactement l’objectivent, dans la production de choses.  partir de la symbolique des mots, des récits et des mythes qu’elle permet de recomposer, se font et se refont des histoires. Sources de contestations et de distan-ciations tout en étant ancrées dans le mythe fondateur de la société américaines, leur fonctionnalité relève d’une certaine efficacité symbolique. Avec les objets concrets et visibles que sont le foulard islamique en France et le Parlement musulman en An-gleterre, sont exhibées des choses qui, bien que chargées elles aussi de symboles, visent à refaire le temps à travers une concrétisation imaginative. Par les normes ain-si conflictualisées, elle implique une efficacité politique . Fiction verbale, d’un côté ! Fiction objectivante, de l’autre ! Dans les deux cas, il y a fiction. C’est qu’on touche là à la phase de création imaginative nécessaire où, pour exister, les intégrés sem-blent devoir se donner l’illusion de réexister.
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H A R O U N J A M O U S                 LES MOTS DU MYTHE : MUSULMANS NOIRS ET DOUBLE ALLEGEANCE EN AMERIQUE — Les Black Muslims Les Musulmans Noirs se caractérisent d’abord par le fait qu’ils ne considèrent pas leur conflit comme assimilable à ces « éternels conflits  entre Américains de souche et nouveaux immigrants, constamment évoqués, et qui ne cessent d’évoluer au gré des migrations internes et externes. Kepel décrit leurs réactions au « déni de citoyenneté , qui se traduit chez eux en un déni d’identité, et situe leur quête dans un « ailleurs radical, dont l’altérité se veut à la fois spatiale et transcendante . La vision du monde des Black Muslims, telle que l’expriment Farrakhan et ses disciples, se veut négation totale de l’identité subie. Elle passe par un chan-gement de nom – celui des individus qui adoptent le X avant de porter un pa-tronyme musulman, ensuite celui du groupe qui se dépouille de l’appellation « nègre  pour devenir « noir  puis « musulman , enfin par la volonté de séparatisme, qui culmine dans le souhait d’édifier « une nation dans une na-tion  (Kepel, 1994, p. 321-322) Et pour comprendre le côté paroxysmique de ces réactions inversées singulari-sant leur position conflictuelle, au point d’inclure toute une rhétorique raciste et an-tisémite réactionnelle, faisons un court détour par l’autre cas américain, celui où triomphe la symbolique de la « double allégeance . Une trouvaille que l’Amérique a progressivement créée et bâtie dans le vécu et la mythologie des communautés. De multiples patries imaginaires qu’expriment des traits d’union composant des duali-tés. Elles ne concernent pas tout Américain mais elles sont l’image récurrente que lui renvoient ses questions et ses conflits. La double allégeance apportait une réponse au dilemme américain : elle légi-timait une forme particulière de bilinguisme. Chaque individu, en effet, pou-vait pratiquer le « langage de la citoyenneté , en exerçant son droit de vote et en participant aux affaires de la cité. Mais il gardait le droit de converser, tout en même temps, dans la langue de sa tradition, de sa culture ou de sa communauté d’origine. L’un n’excluait pas l’autre.    (Lacorne, 1997, p. 352-353) Revenir, alors, aux cas des Black Muslims, c’est reconnaître que, pour eux, il n’y a justement pas possibilité de se réclamer de deux langages. Que revendiquer des racines à travers un recours à la double allégeance, reviendrait à ne retenir, pour une des dimensions d’origine, que l’entité esclave et à se dire, à la limite : Esclavo-Américain. S’il ne peut y avoir pour eux de trait d’union salvateur, c’est qu’il ne peut lier des repères susceptibles d’être tous deux inscrits dans une histoire d’hommes libres. Même le vocable Afro-Américain, tenant lieu parfois d’appellation réparatrice, n’est qu’une euphémisation de la même dépossession. Ainsi, le changement progressif de « nom des individus qui adoptent le X avant de porter un patronyme musulman, en-suite celui du groupe qui se dépouille de l’appellation “nègre” pour devenir “noir” puis “musulman”, représente la quête vaine d’un mot qui effacerait et se substitue-rait non seulement à un stigmate mais à une identité parlée et définie par l’autre.  Dans une Amérique où l’on est aussi toujours d’un ailleurs, cette impossible recher-che porte au mythe toute tentative de réhabilitation de cette assignation d’origine, inverse le sens de l’histoire, crée une autre origine et fabrique une nouvelle nais-
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         D E L ’ I N T É G R A T I O N A U X “ P A T R I E S I M A G I N A I R E S ” sance. Elle fait du Noir que l’histoire nie et infériorise, un Noir potentiellement et mythiquement supérieur, du Noir maudit un Noir élu. Est-ce, en partie, pour cela qu’est voué à la haine et érigé en ennemi héréditaire le peuple juif qui, dans les représentations stéréotypées, fut à la fois maudit et élu et qui incarne, de surcroît, une certaine réussite américaine ? Les conflits réels qui op-posent Noirs et Juifs dans certains quartiers de New-York et des grandes villes – au-tour des problèmes d’éducation et de logement notamment – y sont certes pour beaucoup (Body-Gendrot, 1991). Mais il faut aussi faire la part du mythe s’alimentant de l’anti-mythe, ou de la tentation et de la force de mobilisation du pré-jugé. Faire aussi la part d’une identification-répulsion qui fait de l’autre à la fois un exemple et un objet de haine. C’est dire que même dans ses plus grands excès et retournements, dans ses plus paradoxales inversions et rejets, il y a dans les rêves des Musulmans Noirs une ob-session, un immense désir de reconnaissance et d’appartenance à l’imaginaire de la patrie américaine. Une tension vers une forme de dualité où valoriser, magnifier et mythifier la part « nègre  du vieil esclave, mènerait, inconsciemment peut-être, (et de plus en plus consciemment si l’on pense aux derniers rapprochements d’un Far-rakhan) à glorifier, tout en la maudissant, la composante américaine d’une irréalisa-ble fusion. — La double allégeance Face à une violente et pathétique exubérance, produit des mille pièges de l’Histoire et de la société blanche, la rhétorique pondérée de ceux qui se réclament de la double allégeance n’en comporte pas moins des traits où l’imagination verbale réinvente « efficacement  le mythe des origines. Pays de l’exubérance ethnique, écrit Denis Lacorne (1997), parlant des États-Unis, on y affiche son origine par fierté, par défiance aussi, comme pour dire : « Je ne suis pas seulement un Américain... J’ai des racines et je veux qu’on le sache.  (...) L’expression d’une double allégeance, politique ou culturelle, (...) ne traduit pas une faute de goût ni un manque de loyauté à l’égard du pays d’accueil, mais plutôt une bonne compréhension du « principe de tolérance  déjà analysé dans cet ouvrage. (p. 346) Comparer les analyses des immigrés d’origine allemande, irlandaise et italienne, faites par l’auteur, conduit à retenir trois régularités dans ces constructions symboli-ques où s’inventent les recompositions des histoires de chaque communautés : — L’usage fréquent, dans les descriptions, de la notion de syncrétisme qui prend ici valeur positive et dont est privilégié le côté construit, imaginatif et tenant lieu parfois de stratégie intégrative. — Le mélange, dans les déclarations et revendications auto-valorisantes, de parts de réel et d’imaginaire confinant à l’invention de nouvelles temporalités. — Et surtout, le fait que chaque récit, chaque construction symbolique, tend à s’inscrire dans – et parfois à remplacer – les valeurs et le mythe fondateur de l’Amérique des origines. Ainsi, par exemple, l’ Allemand-Américain  affirme contri-buer au développement de la « grande nation hybride du Nouveau Monde  ; les Ir-landais s’affichent plus républicains que les vrais patriotes américains et s’efforcent de montrer « que le nationalisme irlandais était pleinement compatible avec le pa-
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