De la scène à l histoire : l antipolitique de Gustav Landauer - article ; n°87 ; vol.25, pg 13-28
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Description

Romantisme - Année 1995 - Volume 25 - Numéro 87 - Pages 13-28
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 25
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Philippe Despoix
De la scène à l'histoire : l'antipolitique de Gustav Landauer
In: Romantisme, 1995, n°87. pp. 13-28.
Citer ce document / Cite this document :
Despoix Philippe. De la scène à l'histoire : l'antipolitique de Gustav Landauer. In: Romantisme, 1995, n°87. pp. 13-28.
doi : 10.3406/roman.1995.2971
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1995_num_25_87_2971DESPOIX Philippe
De la scène à l'histoire : F antipolitique de Gustav Landauer
Gustav Landauer était en premier lieu un essayiste, mais c'est en qualité de « mart
yr » révolutionnaire qu'il fut haï ou vénéré. Son activité politique libertaire et son
assassinat lors de la défaite de la Commune de Bavière, ses liens avec Erich Mùhsam
ou Martin Buber sont plus connus que son engagement dans le domaine littéraire, ses
critiques dans Die Schaubiihne, son amitié avec les poètes Richard Dehmel et Hugo
von Hoffmannsthal, ou le fait qu'il ait introduit un auteur comme Georg Kaiser sur la
scène. Landauer s'est lui-même qualifié d'homme « antipolitique », mais en tant que
tel, en tant qu'écrivain et philosophe, en tant que traducteur en allemand de Maître
Eckhart, Oscar Wilde, Rabindranath Tagore et Walt Whitman, en tant que dramaturge
au Schauspielhaus de Dusseldorf, il reste méconnu.
Romantisme littéraire et mystique philosophique
Né en 1870, Gustav Landauer est le second enfant d'une famille juive de
Karlsruhe. Dès sa jeunesse il écrit des nouvelles et des contes ainsi que des poèmes.
Mais, profondément marqué par Ibsen et Wagner, il est avant tout attiré par la scène.
Son premier essai, qu'encore étudiant en philosophie, littérature et histoire de l'art, il
publie dans la revue littéraire Deutschland, traite déjà de l'art dramatique. Il y critique
les conceptions considérant le théâtre comme inférieur au genre épique. De l'impératif
esthétique de Gœthe : « Forme des images, artiste, au lieu de parler ! » il fait son pr
ogramme. Polémiquant contre Schiller et s 'appuyant sur le Laocoon de Lessing,
Landauer défend l'idée selon laquelle le théâtre fait partie du domaine des arts plas
tiques et non de la seule poésie ; car il atteint son effet propre plus par le biais de la
scène et de l'homme qui y agit et y parle, que par celui de la seule représentation
symbolique. Landauer aboutit à cette conception, nouvelle pour l'époque, en renver
sant l'autorité esthétique du créateur au profit de celle du récepteur de l'œuvre. Toute
réflexion sur l'art moderne - qu'il soit du domaine des arts plastiques ou de ceux du
langage - n'est désormais possible qu'en considérant l'effet produit par l'œuvre sur la
sensibilité physique du consommateur. Cette conception, première esquisse d'une « esthé
tique de la réception », provient d'une réflexion renouvelée à partir des auteurs de la
Friihromantik. C'est de l'effet plastique de la scène que le jeune Landauer attend un
renouveau du théâtre et, pendant quelques temps, il croit découvrir une telle évolution
chez le naturaliste Gerhard Hauptmann. Dans sa pièce « manifeste », Avant le lever
du soleil (1889), toute l'intensité dramatique tend en effet à la plasticité scénique.
Mais déjà, les pièces suivantes du même auteur déçoivent les attentes du critique, de
sorte qu'il peut écrire en 1892, dans le Neue Zeit, que la forme du roman serait plus
1. Version condensée d'un article paru en allemand sous le titre « Von der Biihne zur Geschichte :
Gustav Landauer » dans Internationales Archiv fiir Sozialgeschichte der deutschen Literatur (15,2), 1990
(traduction Valérie Séroussi).
ROMANTISME n°87 (1995-1) 14 Philippe Despoix
appropriée au naturalisme de Hauptmann, et que son art dramatique laisse même sup
poser que « le théâtre n'est pas en mesure de constituer le sommet de l'art moderne » 2.
En dépit de ses doutes vis-à-vis de l'art des années 1890 et parallèlement à ses
activités politiques, Landauer ne cesse pas de se consacrer au théâtre. Il fonde en
1892, avec Bruno Wille et Fritz Mauthner, la Neue Freie Volksbiihne de Berlin — une
scission de la Freie Volksbiihne fondée deux ans auparavant par Wille lui-même et
dirigée depuis dans un esprit social-démocrate. A l'instar de cette dernière, il s'agit,
conformément à la logique d'une « esthétique de la réception », de gagner au théâtre
un nouveau public de masse - avant tout prolétarien. Landauer s'oppose cependant
aux mots d'ordre d'un Franz Mehring contre « l'esthétisme vide » :
A la place du nouveau au sens naturaliste, écrit-il dans Die Schaubuhne, doit apparaître
cet autre type de nouveauté que l'on appelle tantôt mystique [...], tantôt décadence et
qui est tout simplement poésie et force créatrice, qui ne pratique pas la critique sociale
et dépeint seulement la misère mais qui fait naître, dans le rêve et l'image, une nouvelle
vie de l'âme 3.
C'est la raison pour laquelle la Neue Volksbiihne n'a pas seulement mis en scène
Hauptmann mais également Biichner et Kleist ; elle a fait découvrir des auteurs
comme Maeterlink et Hofmannsthal et a inscrit au programme de l'année 1911 la pre
mière du Songe de Strindberg.
Dans les années 90 également Landauer rédige ses premiers travaux littéraires
importants. Son premier roman, Le prédicateur de la mort (1893), qui traite des choix
existentiels, témoigne de la lecture décisive de Friedrich Nietzsche 4. Rétrospectivement,
il note à propos de ce maître de jeunesse : « II y avait du lyrisme, une langue riche et
haute en couleurs, une force imagée du discours, un rythme de marche et de danse, du
don de soi et de l'exubérance, des délices et de la torture - et toute cette activité ani
male et fougueuse était dédiée à l'idée » 5. Landauer forme son style à l'école de
Nietzsche et il confronte sa pensée à la sienne. Les « Prédicateurs de la mort » sont
chez Nietzsche, on s'en souvient, la cible des railleries de Zarathoustra. Le héros du
roman de Landauer, cependant, oscille entre nihilisme et socialisme, entre des visions
orgiaques apocalyptiques et des discours prêchant la vie comme utopie. On sent bien
que le jeune auteur ironise ici sur des détails autobiographiques. Après une période de
doute radical, le héros se tourne, à travers l'amour porté à sa femme et à son enfant,
vers une affirmation de la vie ; l'anarchisme acosmique se mue en une acratie prônant
la vie en communauté. Il professe une synthèse de culture bourgeoise raffinée et de
prolétarisme moderne et prêt à l'action. L'œuvre de Landauer se trouve là esquissée
dans ses grands traits.
On comprend ainsi que le jeune « nietzschéen » ait pu être également un activiste
politique et l'un des rédacteurs du Sozialist, l'organe des « Jeunes » qui va regrouper
sous son influence les libertaires. Sur le plan de la culture politique, Landauer partage
l'aversion de Nietzsche pour Luther. Dans un essai publié en 1895 dans Der Sozialist
2. Voir G. Hauptmann, Vor Sonnenaufgang, Berlin, 1889, et G. Landauer, « Gerhart Hauptmann » dans
Die Neue Zeit (X), 1898, p.618.
3. « Die Neue freie Volksbiihne », dans Die Schaubuhne (I), 1905, p. 192.
4. Voir Der Todesprediger, Dresde, 1893. L' antipolitique de Gustav Landauer 15
sur « l'époque de la Réforme », et qui dépasse par endroits la violence verbale de
Nietzsche, Luther est apostrophé comme un démagogue, et la misère allemande est
attribuée au protestantisme, ce « mauvais esprit de tutelle et d'asservissement spirituel » 6.
Il y découvre, à l'opposé des premières tentatives de Réforme en Bohème, les origines
de l'Etat moderne qui mènent à un Empire bismarckien qu'il exècre. La censure prus
sienne condamne à diverses reprises Landauer à des peines de prison.
Quoique l'intérêt pour l'art n'ait, dans cette période, jamais disparu de ses articles
politiques, il s'oriente à la fin des années 90 de plus en plus vers des thèmes litté
raires, puis philosophiques. Landauer fait organiser des séries de conférences sur l'his
toire de la littérature allemande pou

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