Romantisme - Année 2006 - Volume 36 - Numéro 133 - Pages 70-80This article aims to give an account of the interest which French 19 th century economists took in the word wealth”. When interpreted scientifically”, the word wealth” gave rise to animated controversies (Part I). Understood according to its second meaning as the wealth of France” or that of the French, it posed the problem of their evaluation, a problem which increasingly interested economists after 1870 (Part II). With the creation of the income tax in France in 1916 and the multiplication and the improvement of fiscal data which resulted from it, the studies about •wealth” were progressively put aside in favour of those on the income of the French. L’objet de cet article est de rendre compte de l’intérêt que les économistes français du XIX e siècle ont porté au mot «richesse». Pris dans son sens «scientifique», le mot «richesse» a donné lieu à de vives controverses (I re partie) Entendu dans son second sens, c’est-à-dire comme la «richesse de la France» ou celle des Français, il a soulevé les problèmes d’évaluation, qui susciteront après 1870 un intérêt croissant de la part de ces économistes (II e partie). Avec la création d’un impôt sur le revenu en France en 1916 et la multiplication et l’amélioration des statistiques fiscales qui en résulteront, les études sur la «richesse seront progressivement délaissées au profit de celles sur les •revenus des Français”. 11 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
De la théorie des richesses à la « richesse de la France » : définitions et évaluations (1800-1918)
Le mot « richesse » désigne, dans le langage courant, l’état de fortune d’une personne ou d’une société. Ainsi, l’on dit: «la richesse de la France augmente depuis plusieurs années ». Mais ce mot a eu des sens e très différents dans la langue économique depuis leXVIsiècle. Certains mercantilistes français confondaient la « richesse » avec les métaux pré-cieux. Les richesses « réelles », les « véritables richesses », dit par contre en 1757 le chef de l’école physiocratique, Quesnay (1694-1774), dans ses Maximes de gouvernement économique, ce sont «les richesses toujours renaissantes, toujours recherchées et toujours payées, pour en avoir la jouissance, pour se procurer des commodités et pour satisfaire aux besoins de la vie ». Ce qu’il désigne ainsi, ce sont les « produits du cru », e c’est-à-dire les denrées agricoles. Dans le dernier quart duXVIIIsiècle et e au début duXIX, le mot « richesse » prend un nouveau sens. Il est réservé aux seuls biens matériels chez Adam Smith (1723-1790), Thomas Robert Malthus (1766-1834) et David Ricardo (1772-1823). Avec la remise en question de cette dernière conception par Jean-Baptiste Say (1767-1832) dans sonTraité(1803) s’ouvre une période de controverses qui fera l’objet de la première partie de cette étude. La question de la définition et de l’évaluation de la richesse du pays a donc été posée de longue date, mais on n’y a répondu de manière opératoire, comme nous le rappelle-rons plus loin, qu’à la fin des années 1870.