De la vie traditionelle à la vie tertiaire - article ; n°3 ; vol.14, pg 417-432
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De la vie traditionelle à la vie tertiaire - article ; n°3 ; vol.14, pg 417-432

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Population - Année 1959 - Volume 14 - Numéro 3 - Pages 417-432
Les progrès de la science et de la technique, notamment par l'hygiène, par la médecine et par l'élévation du niveau de vie, modifient sans cesse les conditions démographiques de la vie humaine, c'est-à-dire les délais, les dates, les durées et les nombres des faits démographiques, tels que la durée de la vie moyenne, l'âge de la mort, l'âge au mariage, la durée du mariage, le nombre des enfants, l'âge de la transmission héréditaire des patrimoines, le nombre des deuils, etc. Moins visibles que les changements techniques, ces modifications incessantes en sont déjà venues à faire de l'histoire démographique de l'homme moyen une réalité profondément différente de ce qu'elle était il y a deux ou trois siècles. Des normes remontant à une époque beaucoup plus ancienne ont également été modifiées. Dans cette étude, M. Jean Fourastié pose les premiers jalons qui pourront permettre de préciser les contrastes entre l'histoire démographique de l'homme moyen, au début du XVIIIe siècle et de nos jours.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1959
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Fourastié
De la vie traditionelle à la vie tertiaire
In: Population, 14e année, n°3, 1959 pp. 417-432.
Résumé
Les progrès de la science et de la technique, notamment par l'hygiène, par la médecine et par l'élévation du niveau de vie,
modifient sans cesse les conditions démographiques de la vie humaine, c'est-à-dire les délais, les dates, les durées et les
nombres des faits démographiques, tels que la durée de la vie moyenne, l'âge de la mort, l'âge au mariage, la durée du mariage,
le nombre des enfants, l'âge de la transmission héréditaire des patrimoines, le nombre des deuils, etc. Moins visibles que les
changements techniques, ces modifications incessantes en sont déjà venues à faire de l'histoire démographique de l'homme
moyen une réalité profondément différente de ce qu'elle était il y a deux ou trois siècles. Des normes remontant à une époque
beaucoup plus ancienne ont également été modifiées. Dans cette étude, M. Jean Fourastié pose les premiers jalons qui pourront
permettre de préciser les contrastes entre l'histoire démographique de l'homme moyen, au début du XVIIIe siècle et de nos jours.
Citer ce document / Cite this document :
Fourastié Jean. De la vie traditionelle à la vie tertiaire. In: Population, 14e année, n°3, 1959 pp. 417-432.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1959_num_14_3_6332LA VIE TRADITIONNELLE DE
A LA VIE "TERTIAIRE"
Recherches sur le calendrier démographique
de l'homme moyen
Les progrès de la science et de la technique, notamment par
l'hygiène, par la médecine et par l'élévation du niveau de vie,
modifient sans cesse les conditions démographiques de la vie
humaine, c'est-à-dire les délais, les dates, les durées et les nombres
des faits démographiques, tels que la durée de la vie moyenne,
l'âge de la mort, l'âge au mariage, la durée du mariage, le
nombre des enfants, de la transmission héréditaire des patri
moines, le nombre des deuils, etc.
Moins visibles que les changements techniques, ces modifica
tions incessantes en sont déjà venues à faire de /'histoire démo
graphique de l'homme moyen une réalité prof ondément différente
de ce qu'elle était il y a deux ou trois siècles. Des normes remon
tant à une époque beaucoup plus ancienne ont également été
modifiées.
Dans cette étude, M. Jean Fourastié pose les premiers jalons
qui pourront permettre de préciser les contrastes entre l'histoire
démographique de l'homme moyen, au début du XVIIIe siècle et
de nos jours.
I. — L'ALLONGEMENT DE LA VIE PHYSIQUE MOYENNE
ET SES CONSÉQUENCES DIRECTES
L'allongement de la vie physique moyenne permet à l'homme moyen de
vivre une vie biologiquement complète, c'est-à-dire comprenant une enfance,
une adolescence, un âge mûr et une vieillesse, alors que cette vie complète
n'était, à l'époque traditionnelle, donnée qu'à une très faible minorité. Une
humanité composée de membres qui, en majorité, atteignent l'âge de 75 ans,
est fort différente d'une humanité dans laquelle un homme sur deux meurt
avant 21 ans, ou même avant 16 ans (1). La vie intellectuelle consciente ne com
mence guère avant 12 ans, mais l'autonomie ne commence guère avant 20 ans,
Í1' Сез taux de mortalité correspondent respectivement aux tables eu = 73,0; e,, «= 27 -í
e0 = 25 (voir la note technique ci-après).
e0 désigne l'espérance de vie à la naissance. DE LA VIE TRADITIONNELLE À LA VIE TERTIAIRE 418
de sorte que la plupart des hommes de naguère ne vivaient que d'une vie
végétative, dont la masse même influençait fortement la petite minorité qui
se trouvait avoir à la soutenir et à l'orienter.
A la fin du xvne siècle, la vie d'un père de famille moyen, marié pour la pre
mière fois à 27 ans, pouvait être schématisée ainsi: né dans une famille de
cinq enfants, il n'en avait vu que la moitié parvenir à l'âge de 15 ans;
il avait eu lui-même cinq enfants, comme son père, dont deux ou trois
seulement étaient vivants à l'heure de sa rnort^2'.
Cet homme, vivant en moyenne jusqu'à 52 ans, ce qui encore une fois était
assez rare et le rangeait dans la catégorie vénérable des anciens ^3\
avait ainsi vu mourir, dans sa famille directe (sans parler des oncles, neveux
et cousins germains), une moyenne de neuf personnes, dont un seul de ses
grands-parents (les trois autres étant morts avant sa naissance), ses deux pa
rents et trois de ses enfants ^. II avait vécu deux ou trois famines et, en
outre, trois ou quatre périodes de grain cher, liées aux mauvaises récoltes,
qui revenaient en moyenne tous les dix ans ; il avait, en plus des morts, vécu
les maladies de ses frères, de ses enfants, de ses femmes, de ses parents et les
siennes propres, il avait connu deux ou trois épidémies de maladies infec
tieuses, sans parier des épidémies quasi-permanentes de coqueluche, scarla
tine, diphtérie..., qui faisaient chaque année des victimes; il avait souvent
souffert de maux physiques, tels que dentaires et de blessures longues à
guérir; les spectacles de la misère, de la malformation et de la souffrance
étaient constamment sous ses yeux.
Aujourd'hui, c'est l'homme moyen qui atteint non seulement 60, mais 65,
70 et même 75 ans selon les régions; tout indique que dans peu d'années ce
sera 80 ans ^5^. La situation de l'homme moyen ayant 50 ans, à la date où cet
article est publié, est dès lors facile à décrire : né dans une famille de trois en
fants, il a épousé à 26 ans une jeune fille de 24 ans; ils ont eu eux-mêmes
deux ou trois enfants ; les maladies ont été bénignes, presque aucune n'étant
même inquiétante; les seuls deuils ont été ceux des quatre grands-parents,
délivrance attendue plutôt que dramatique coupure. La douleur physique
a presque disparu. Et cet homme, âgé de 50 ans, a encore une chance sur
deux de vivre plus de 26 autres années.
Il suffit de connaître, même fort mal, la condition humaine pour comprendre
combien ces nouveaux ordres de grandeur de la durée de la vie doivent engend
rer, dans la pensée de l'homme moyen, un climat différent de l'ancien.
A l'époque traditionnelle, la mort était au centre de la vie, comme le cimetière
au centre du village. Depuis lors, la mort, la misère et la souffrance physique
M Voir note technique, e0 = 25.
О Avec e0 = 25, sur 1.000 garçons nés vivants, 205 seulement parviennent à l'âge de
52 ans.
(4) Voir en note technique le décompte exact des deuils frappant 1.000 personnes de 50 ans
avec e0 = 25.
(6) Selon la table Bourgeois-Pichat (voir note technique ci-après), sur 1.000 enfants nés
vivants, 500 atteignent 80 ans. RECHERCHES SUR LE CALENDRIER DÉMOGRAPHIQUE DE L'HOMME MOYEN 419
reculent. Elles ne sont donc plus considérées comme les rudes compagnes
de l'homme, faites pour le contraindre à la vie spirituelle et au progrès moral,
mais comme des accidents, des amputations, des hasards malchanceux,
contraires à la véritable nature de la vie humaine, et qu'il faut donc non seul
ement combattre, mais de plus minimiser et dissimuler.
Si l'on entre dans le détail, les disparités entre l'humanité traditionnelle
et l'humanité de demain n'en sont pas moins frappantes et souvent poignantes.
Hier, dans un cas sur deux, la mort des enfants en bas âge les faisait dispa
raître avant leur père, et la moitié des autres voyaient leur père mourir
avant d'avoir atteint leur majorité. L'âge moyen des enfants à la mort du pre
mier décédé de ses deux parents était de 14 ans^. Demain, le fils « moyen »
aura 55 à 60 ans, lorsque son père mourra; il l'aura vu auparavant atteint par
les déchéances de la sénescence; le fonds héréditaire du patrimoine familial
sera presque constamment la propriété d'hommes ou de femmes dépassant
60 ans; près de la moitié de la fortune privée d'une nation sera détenue par
les vieillards de plus de 70 ans.
La situation d'époux subit une mutation plus sérieuse encore. Hier, des
hommes de 25 à 30 ans, déjà fortement marqués par une rude e

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