De quelques faux dogmes en matière d organisation européenne - article ; n°5 ; vol.11, pg 673-704
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De quelques faux dogmes en matière d'organisation européenne - article ; n°5 ; vol.11, pg 673-704

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Description

Revue économique - Année 1960 - Volume 11 - Numéro 5 - Pages 673-704
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1960
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur André Marchal
De quelques faux dogmes en matière d'organisation
européenne
In: Revue économique. Volume 11, n°5, 1960. pp. 673-704.
Citer ce document / Cite this document :
Marchal André. De quelques faux dogmes en matière d'organisation européenne. In: Revue économique. Volume 11, n°5,
1960. pp. 673-704.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1960_num_11_5_407428en
DE QUELQUES FAUX DOGMES
EN MATIERE D'ORGANISATION EUROPEENNE
On a souvent dénoncé la difficulté, parfois insurmontable, qu'il y a,
pour le théoricien — dans quelque domaine que ce soit — à s'affranchir
des idées, concepts, notions et représentations, qui forment le cadre dans
lequel il a l'habitude de raisonner, même si ceux-ci ont cessé de corre
spondre à la réalité et s'ils apparaissent dès lors comme des survivances (1).
Combien d'économistes, formés par la statique de Walras et de Pareto,
s'obstinent à traiter les problèmes actuels de la dynamique en termes d'équi
libre général ? Bien peu se résignent à reconnaître que les instruments
d'analyse élaborés par la science classique « font un peu figure de pièces
de musée », alors que 1' « environnement » s'est profondément modifié sous
l'action des événements ou par la volonté des hommes. Sans doute, pour
un esprit formé aux disciplines classiques, il y faut du courage et seule,
semble-t-il, la persistante contradiction des faits peut l'inciter à faire l'effort
nécessaire. Gunnar Myrdal, pour sa part, y a été conduit, notamment par
l'accentuation progressive des inégalités économiques et sociales entre les
nations, qui lui était révélée par les statistiques. Aussi fut-il amené à opposer
à la vieille « théorie des vases communiquants », la théorie des « proces
sus cumulatifs ».
Or le problème de l'Europe fournit de nombreuses illustrations de « cet
attachement trop persistant ... à la science économique classique » (2). Ayant
eu la chance de bénéficier, comme étudiant, d'un enseignement « non clas
sique » (3) qui m'a préservé du danger que constitue toute orthodoxie,
1. Pierre Dieterlen, « Rationalité de l'investissement », Critique, mars
1960, n° 154.
2. Gunnar Myrdal, Une économie internationale, P.U.F., 1958.
3. Celui de Lucien Brocard, professeur à la Faculté de droit de Nancy,
auteur des Principes d'économie nationale et internationale et des Condit
ions générales de l'activité économique.
Revue Economique — No S. 1960 44 674 REVUE ÉCONOMIQUE
quelle qu'elle soit, je voudrais ici dénoncer quelques affirmations qui, pour
beaucoup, sont de véritables dogmes, et paraissent l'expression même du
bon sens et de la vérité scientifique. Pourtant, mis au contact de certains
faits, ces dogmes s'effritent, ces vérités deviennent « folles ». La réaction
du fervent déçu est alors de tout rejeter en bloc au lieu de s'en prendre
à lui-même pour avoir confondu la fin et les moyens et n'avoir pas cher
cher à créer ou à rétablir les conditions de valabilité des principes qui lui
tenaient à cœur. Nous allons voir comment, en matière d'organisation euro
péenne, les « faux dogmes » sont en fait des vérités mal comprises et
des principes mal appliqués.
I
L'EUROPE DOIT ETRE "LIBERALE"
Tel est le premier « dogme », d'où découlent, d'ailleurs, tous les autres.
Bien téméraire serait celui qui s'aviserait de le mettre directement en doute.
Non seulement l'Europe doit constituer, dit-on, un vaste marché — enten
dons un « vrai » marché, c'est-à-dire un marché de concurrence — , mais
elle doit aussi être libre-échangiste vis-à-vis des nations extra-européennes,
ce qui implique l'abandon de toute mesure protectionniste.
Examinons d'un peu près ces deux aspects, interne et externe, de cette
« Europe libérale ».
LIBRE-CONCURRENCE INTERNE
Le marché européen doit-il être un marché de libre-concurrence, où
toutes les entraves au commerce, à la libre circulation des biens, des
hommes et des capitaux, qu'elles soient d'origine privée (ententes, concent
rations...) ou publique (interventions des autorités nationales ou supra
nationales), doivent progressivement disparaître ?
A. — En l'affirmant, on omet, hélas, le plus souvent, de préciser de quelle
concurrence il s'agit. Or la question ne peut être éludée. Car il existe diffé
rents types de concurrence autres que la concurrence pure et parfaite
— l'émulation entre multiples petites unités individuelles et privées de DOGMES D'ORGANISATION EUROPÉENNE 675 FAUX
production — décrite par les économistes classiques. Ce type de concur
rence correspond peut-être à une réalité économique historique, en tout
cas à un stade du capitalisme qu'on ne peut guère espérer ressusciter.
Certains peuvent en ressentir encore la nostalgie, — la rédaction du Traité
de la Communauté économique européenne en est encore toute impré
gnée, — mais il est vain d'y voir autre chose qu'un passé révolu.
Il y a un concept de concurrence, à vrai dire moins économique que
politique, qui correspond au mythe de l'égalité des chances, à la méfiance
à l'égard de toute autorité centrale, à la conviction que « le gouvernement
le meilleur est celui qui gouverne le moins » : c'est la « free competition »,
l'esprit d'émulation sportive professé toujours par l'homme d'affaires amér
icain en dépit des servitudes du rendement et de la productivité. Pour
l'Américain, héritier des « pionniers », la libre-concurrence est une véri
table foi, une mystique, une sorte de religion. « Beaucoup plus qu'une
notion technique, écrit Galbraith, elle est le symbole de tout ce qui est
bien. Même si nous ne pouvions continuer à vivre en régime de concur
rence classiquement pur, il nous faudrait continuer à la vénérer sur son
trône. » Ainsi, la concurrence devient un état d'esprit : elle ne s'apprécie
pas en fonction d'une certaine structure des marchés, mais des résultats
qu'elle apporte. Or, il est banal de constater que la structure des marchés
contemporains — celle du marché américain notamment — est très diffé
rente du marché de l'économie classique. Son trait dominant est la con
centration de la production entre un nombre relativement réduit de ven
deurs. C'est que, observe Galbraith, les causes de la concentration sont
profondément organiques. Il ne craint même pas d'ajouter qu' « une indust
rie doit comporter un élément monopolistique si elle veut progresser».
En effet, il ne faut pas confondre le comportement d'un monopole, qui
peut être « malthusien », mettre en sommeil les brevets d'invention, etc.,
et le pouvoir monopolistique de quelques unités qui se partagent la pro
duction d'une industrie. Ententes, concentrations, pouvoirs de monopole,
ne signifient pas que la concurrence a disparu, mais seulement qu'elle a
changé de forme et qu'elle a des effets spécifiques. La concurrence se fait
entre groupes au lieu de se faire entre firmes individuelles. Les groupes
s'affrontent avec des forces inégales et fixent les prix en anticipant les
réactions de leurs concurrents. Aussi a-t-on parlé (Chamberlin) de « con
currence monopolistique ». Dans ce cas, la concurrence et le monopole sont
mêlés, soit par suite de la différenciation du produit (concurrence hétéro
gène), soit parce qu'il y a un petit nombre de vendeurs (oligopole). REVUE ÉCONOMIQUE 676
J.M. Clark a d'ailleurs dégagé une notion dynamique de concurrence
« effective » qui n'exclut pas l'inégalité des firmes ni l'influence asymét
rique des unités dominantes. Elle s'établit entre entreprises de tailles diffé
rentes, ayant des coûts et des horizons différents et pratiquant des poli
tiques différentes; elle tend au progrès par une amélioration des méthodes
de production, à une différenciation croissante des qualités et des types
de produits et au développement de nouveaux produits ; elle permet, enfin,

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