De quelques obstacles épistémologiques dans la conceptualisation des comportements - article ; n°4 ; vol.29, pg 688-712
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Description

Revue économique - Année 1978 - Volume 29 - Numéro 4 - Pages 688-712
Cet article étudie la conceptualisation des comportements individuels dans la théorie économique d'un point de vue épistémologique et en se référant aux spéci­ficités du champ théorique français. La thèse centrale est que la domination du modèle néo-classique est moins liée à ses qualités intrinsèques qu'à l'immobilisme des autres théories en ce domaine. Cette passivité provient de l'existence d'obsta­cles épistémologiques majeurs. Pour la théorie marxiste, il s'agit d'une impossibilité à remettre en question les classes sociales de Marx. Pour l'école française, il s'agit d'une impossibilité à renoncer à l'individualisme méthodologique. Dans les deux cas, ce sont les thèmes les plus essentiels de l'idéologie qui seraient touchés. L'immobilisme de la théorie marxiste lui pose de graves difficultés dans l'étude des formations sociales concrètes par l'absence de liaisons claires entre des caté­gories empiriques telles les « couches moyennes » et les classes des schémas du
Epistemological point of view about
The conceptualisation of individuao behaviors
This paper examines the conceptualisation of individual behaviors in economic theory from an epistemological point of view with special reference to French economic literature. The central idea is that the domination of the neo-classical model is not a result of Us intrinsic qualifies but of the immobility of other theories on this subject. This immobility springs from major epistemological obstacles. In the case of marxist theory it results from the impossibility of challenging Marx's social class ; for the « French School», it occurs from the impossibility of parting with. individualist methodology. In both instances the most essential ideological roots would be severed.
The immobility of marxist theory has serious consequences for ths study of social formations owing to the disparity between empirical categories, such as « middle class layers », and thé dual-class schema as outlined in Capital. The research of the « French School » suffers from the lack of a clearent conceptual framework, a predicament which in turn anses from a lack of a conceptualisation of the individual.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Jean-Yves Caro
De quelques obstacles épistémologiques dans la
conceptualisation des comportements
In: Revue économique. Volume 29, n°4, 1978. pp. 688-712.
Résumé
Cet article étudie la conceptualisation des comportements individuels dans la théorie économique d'un point de vue
épistémologique et en se référant aux spéci-ficités du champ théorique français. La thèse centrale est que la domination du
modèle néo-classique est moins liée à ses qualités intrinsèques qu'à l'immobilisme des autres théories en ce domaine. Cette
passivité provient de l'existence d'obsta-cles épistémologiques majeurs. Pour la théorie marxiste, il s'agit d'une impossibilité à
remettre en question les classes sociales de Marx. Pour l'école française, il s'agit d'une impossibilité à renoncer à l'individualisme
méthodologique. Dans les deux cas, ce sont les thèmes les plus essentiels de l'idéologie qui seraient touchés. L'immobilisme de
la théorie marxiste lui pose de graves difficultés dans l'étude des formations sociales concrètes par l'absence de liaisons claires
entre des caté-gories empiriques telles les « couches moyennes » et les classes des schémas du
Abstract
Epistemological point of view about
The conceptualisation of individuao behaviors
This paper examines the conceptualisation of individual behaviors in economic theory from an epistemological point of view with
special reference to French economic literature. The central idea is that the domination of the neo-classical model is not a result
of Us intrinsic qualifies but of the immobility of other theories on this subject. This immobility springs from major epistemological
obstacles. In the case of marxist theory it results from the impossibility of challenging Marx's social class ; for the « French
School», it occurs from the impossibility of parting with. individualist methodology. In both instances the most essential ideological
roots would be severed.
The immobility of marxist theory has serious consequences for ths study of social formations owing to the disparity between
empirical categories, such as « middle class layers », and thé dual-class schema as outlined in Capital. The research of the «
French School » suffers from the lack of a clearent conceptual framework, a predicament which in turn anses from a lack of a
conceptualisation of the individual.
Citer ce document / Cite this document :
Caro Jean-Yves. De quelques obstacles épistémologiques dans la conceptualisation des comportements. In: Revue
économique. Volume 29, n°4, 1978. pp. 688-712.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1978_num_29_4_408405■
QUELQUES OBSTACLES DE
ÉPISTÉMOLOGIQUES
DANS LA CONCEPTUALISATION
DES COMPORTEMENTS *
« Et Homo Economicus pense être
satisfait de son sort, puisqu'il est
envié par ses parents pauvres. »
Paul Nizan, Aden-Arabie
Gunnar Myrdal, François Perroux, Joan Robinson, pour ne citer
que quelques noms parmi les plus célèbres, l'on dit et redit :
la neutralité axiologique est un mythe dont le chercheur
doit s'affranchir s'il ne veut pas être dupe de sa pratique instrument
ale, coupé de ses propres fins, c'est-à-dire aliéné. Par le regard qu'il
choisit de porter sur le monde, le scientifique produit des normes
qui, inévitablement, servent certaines fins, certains intérêts : il doit
en être conscient s'il se veut responsable. La leçon invite à une ascèse
difficile dont la figure principale est une tentative de saisir sa propre
démarche dans le moment d'une distenciation épistémologique. Effort
indispensable, même s'il est, par nature, condamné à un relatif échec.
Henri Bartoli, dans un récent ouvrage 2, offre un bel exemple de
rigueur dans la manière d'assumer cette exigence.
1. L'auteur remercie Mme le professeur Jeanne-Marie Parly, dont les encourage
ments et la critique tolérante ont été déterminants pour mener à terme ce travail,
ainsi que M. Robert Ferrandier, qui a suivi ses efforts avec une particulière atten
tion. Mmes Daniele Blondel, Monique Ducombs, Marie-Eve Joel, Annie Kawecki,
MM. Bernard Guibert, Bernard Guillochon, Hervé Hamon, Michel Herland, Claude
Meidinger, Marc Riglet et les membres du CREFED Font également aidé par leurs
remarques et des discussions sur nombre de points de désaccord dont certains,
il est vrai, subsistent.
2. H. BabtolI; Economie et création collective, Paris, Economica, 1977, pp. 143-
160.
688
Revue économique — - N° 4, juillet 1978. Jean-Yves Caro
L'absence de neutralité axiologique a pour conséquence que le
champ scientifique apparaît commme un lieu où, derrière les méthod
ologies et le choix des sujets, s'engagent, à travers des manipulat
ions sémiologiques revendiquant un statut scientifique, des praxis
conscientes ou inconscientes liées à diverses visions du monde. La
coexistence de praxis dont les enracinements idéologiques sont diffé
rents, voire antinomiques, y est rien moins que pacifique. Outre les
relations hostiles qui surgissent de l'affrontement idéologique, la struc
ture propre du champ scientifique, ses rapports avec les autres
tures sociales, ont pour effet de susciter des conflits, même entre cou
rants de pensée relativement proches. Ceci vient de ce que la préten
tion de la science à dire le vrai engendre l'intolérance de tout discours
qui se veut scientifique sans mesurer la relativité que ce statut impli
que, volens nolens. Aussi Bourdieu peut-il présenter le champ scien
tifique comme un lieu où se déroule « une lutte de concurrence qui
a pour enjeu spécifique le monopole de l'autorité scientifique insépa
rablement définie comme capacité technique et comme pouvoir social,
ou si l'on préfère, le monopole de la compétence scientifique, enten
due au sens de la capacité de parler et d'agir légitimement (c'est-à-dire
de manière autorisée et avec autorité) en matière de science, qui est
socialement reconnue à un agent déterminé » 3. Ceci veut dire que
dans le champ scientifique, des praxis rivales se disputent un pouvoir
non négligeable : celui de la production de normes sociales au nom de
la science. Keynes, dans la toute dernière page de la Théorie générale,
n'exprime rien d'autre que cette idée. Sans doute eût-il été d'accord,
en donnant à l'adjectif politique son sens le plus large, avec l'analyse
de Bourdieu, pour qui « les conflits épistémologiques sont toujours,
inséparablement, des conflits politiques » 4. Dès lors, l'âpreté du com
bat théorique ne doit pas surprendre.
L'affrontement idéologique étant une spécialité nationale, la divi
sion des économistes français en de multiples écoles s'explique fort
bien. Néo-classiques, néo-keynésiens, marxistes de diverses obédienc
es, cambridgiens, disciples de Perroux, économistes « en liberté » :
les groupes identifiables ne manquent pas qui ferraillent entre eux,
s'engagent dans des stratégies exigeant de subtiles alliances, défen
dent leur territoire ou essaient d'envahir celui des voisins. Il y a aussi
tous ceux qui essaient simplement d'éviter les coups dans un espace
3. P. Bourdieu, « Le champ scientifique », Actes de la recherche en sciences
sociales, juin 1976, n° 2-3, p. 89.
4. Ibid., p. 90.
689 Revue économique
où la neutralité est un art difficile et qui se réfugient dans des pra
tiques plus ou moins empiriques au statut théorique flou. Le tout
constitue un paysage fort animé qui eût réjoui Jevons, lequel écrivait :
« En matière de philosophie et de sciences, l'autorité a toujours été
le grand adversaire de la vérité. Un calme despotique est générale
ment le triomphe de l'erreur. Dans la république des sciences, la
sédition et même l'anarchie sont bénéficiaires dans le long terme. » 5
A tout le moins, peut-on penser que les critiques que s'adressent des
théories concurrentes sont un puissant aiguillon de la recherche. A
ce titre, il est peut-être plus instructif d'analyser la conjoncture théori
que dans un espace culturel où règne une certaine diversité que dans
un autre caractérisé par la domination quasi totale d'une idéologie.
Nous nous intéresserons donc dans ce qui suit, pour traiter du sujet
qui sera

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