De Taine à Stendhal - article ; n°46 ; vol.14, pg 105-118
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Description

Romantisme - Année 1984 - Volume 14 - Numéro 46 - Pages 105-118
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 0
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Thomas Nordmann
De Taine à Stendhal
In: Romantisme, 1984, n°46. pp. 105-118.
Citer ce document / Cite this document :
Nordmann Jean-Thomas. De Taine à Stendhal. In: Romantisme, 1984, n°46. pp. 105-118.
doi : 10.3406/roman.1984.4796
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1984_num_14_46_4796Jean-Thomas NORDMANN
De Taine à Stendhal
C'est dans le Stendhal et le beylisme de Léon Blum que Ton trouve
sans doute le premier essai d'ensemble visant à dégager l'unité des orien
tations apparemment contradictoires de l'œuvre de Stendhal et à établir
la courbe raisonnée de son influence à raison de la diffusion respective
de chacun de ses éléments. Publié à la veille de la première guerre mond
iale, et fréquemment réédité depuis, l'essai conserve aujourd'hui sa for
ce démonstrative, par-delà les progrès de l'érudition et les renouvelle
ments de la critique. Sans tenir compte des distinctions ultérieurement
approfondies entre « stendhalien » et « beyliste », mais dans une opti
que unificatrice qui fait penser à la méthode de Taine par la recherche
d'une formule vers laquelle convergent et de laquelle puissent se déduire
les principales caractéristiques d'un auteur, Léon Blum s'efforce de dé
finir le beylisme comme l'application d'une méthode à certaines parties,
privilégiées, de la vie affective ; la méthode se fonde sur la croyance à la
toute puissance de la raison logique à la « conviction que la connaissan
ce exacte des faits, l'application rigoureuse de procédés logiques peu
vent mener à tout, même au bonheur » (1), même si la généralité de la
méthode est tempérée par un usage réservé à une élite ; héritée du siècle
des philosophes et des idéologues, cette méthode est moins neuve que
l'application qu'il s'agit d'en faire :
« L'originalité foncière du beylisme est de diriger cette stratégie vers un objet
entièrement nouveau : le bonheur ; c'est de proposer à des âmes passionnées
une logique qui ne fut conçue que pour des cœurs secs et des ambitions posi
tives. Une mécanique du bonheur et non du plaisir » (2).
De sorte que, rencontrant Rousseau, l'idéologie s'épanouirait dans
le beylisme comme une synthèse inattendue des idées forces antagonist
es du XVHIème siècle, la raison et le sentiment. Qu'entre l'application
de la méthode et l'exaltation du bonheur il puisse y avoir tension, c'est
ce qui n'échappe pas à Léon Blum :
« Les deux tendances que Stendhal s'efforce de combiner se placent en réalité
aux pôles opposés de l'action et de la pensée, et quand on énonce cette simple
formule : méthode du bonheur, mécanique du bonheur, la contradiction des
cend jusque dans les mots » (3).
(1) Léon Blum, et le beylisme, nelle éd., Albin Michel, 1947, p. 122.
(2) Ibid., p. 132
(3) p. 136-137. 1 06 Jean-Thomas Nordmann
Le beylisme apparaît donc comme une contradiction vécue, assu
mée, mais dépassée, le passage de la réflexion théorique à la création
effectuant ce miracle :
« la combinaison d'un cœur et d'un esprit qui se contredisent, d'une intelligen
ce qui croit à la nécessité de l'ordre et à l'efficacité de la logique, qui impose à
tout objet l'explication rationnelle et la vérification empirique, d'une sensibilité
qui ne quête et ne prise que l'exaltation désintéressée, le mouvement libre, l'
émotion inexplicable. Que cette opposition fondamentale compromette la soli
dité de sa doctrine, il se peut bien, mais c'est l'artiste, non le philosophe que
nous chercherons en Stendhal, et l'œuvre d'art, bien mieux que la dialectique,
peut concilier les contradictions » (4).
Armé de cette définition, le critique peut aisément passer au crible
l'œuvre de Stendhal et faire le départ entre ce qui relève de la rationali
té logique et ce qui est à imputer à l'exaltation lyrique. Une pareille
grille permet aussi, et peut-être surtout de situer Stendhal : elle rend
compte notamment, de sa position par rapport au romantisme et de la
manière dont, tout en partageant avec les romantiques certains thèmes
lyriques, il s'en éloigne par le recul critique. Elle permet enfin — et c'est
là l'un des apports essentiels du livre — d'esquisser une histoire du bey
lisme fondée sur l'évaluation des audiences connues successivement par
chacune des composantes de cette notion synthétique du beylisme.
Après avoir salué rapidement le rôle du fameux article de Balzac, Léon
Blum aborde l'épisode décisif de la découverte de Stendhal par l'Univers
ité et du rôle de Paul Jacquinet, maître de conférences à l'Ecole Nor
male, maître des fameuses promotions des années 1848, et notamment
de Taine :
« La semence était déposée dans un riche terreau ; elle germa avec une rapidité
et une force extraordinaire. Une trentaine de jeunes gens d'élite, vivant et pen
sant en commun, cristallisèrent à la fois, comme l'a dit joliment Sarcey, pour
ces chefs-d'œuvre méconnus qu'ils se jurèrent d'imposer au monde » (5).
Et de parler d'une « conspiration normalienne » pour qualifier les
sources vives de la gloire posthume de Stendhal.
L'intérêt de l'analyse de Léon Blum, c'est de rechercher, par-delà
la réalité des faits, le pourquoi d'une telle rencontre entre un isolé mé
connu et toute une génération. Une génération de jeunes gens « saturés
de lyrisme, excédés de ces vagues sentimentalités qui plus tard, par con
tre coup, devaient provoquer l'impassibilité parnassienne » (6). La ren
contre de Taine et de Stendhal aurait ainsi été celle de deux quasi posi
tivistes ; la substitution de l'observation des faits à une rhétorique de
l'effusion la rendrait possible ; car, selon Léon Blum, « Stendhal est si
personnel, si confidentiel qu'on ne peut pénétrer en lui que par la symp
athie, c'est-à-dire par la conscience de quelque similitude » (7), et la
(4) Ibid., p. 137.
(5)p. 203.
(6) Ibid., p. 205.
(1) p. 204. De Taine à Stendhal 107
haîne du verbalisme fonderait d'étroites connivences. Au passage, Léon
Blum nuance les enthousiasmes de Taine sur une prétendue transparen
ce stylistique de Stendhal, en rappelant ses scrupules et ses tourments
d'écrivain, et aussi en rappelant les qualité propres à l'expression sten-
dhalienne. Mais il accorde volontiers aux deux hommes un même refus
des fards, une même jouissance de la vérité contre tous les travestiss
ements. Mais, après avoir évoqué quelques unes des pages dans lesquelles
Taine a proclamé pour Stendhal une admiration qui confine à l'idolâtrie
il s'interroge sur son adhésion profonde à l'esprit et à la complexité du
beylisme :
« Mais à l'accord intellectuel et artistique, s'est-il adjoint comme il le fallait,
la parenté intime ? Taine et sa génération ont-ils pénétré cette sensibilité
stendhalienne qui est aux antipodes du système mental, ou même du procédé
artistique ? Au-dessous du rationalisme anti-romantique, ont-ils retrouvé ce
romantisme latent qui le baigne et que nous avons cherché tenacement à tirer
au jour ? » (8)
Le tour même de la question annonce des doutes. Ajoutant aux
données précédentes une perspective nouvelle et localisant « le drame
intime du beylisme » dans « le conflit d'un individu donné avec une
société donnée » (9), Léon Blum montre rapidement comment les ci
rconstances historiques, et notamment les ébranlements de 1848, prépa
raient à la génération de Taine les éléments d'un tel conflit et « sem
blaient ainsi composer le terrain le plus favorable à la culture de jeunes
Julien Sorel » (10). Tout cela pourtant serait resté à l'état de virtualité :
« un seul élément fît défaut : le contact effectif entre ces individus et
cette société » (11). Le goût de l'étude, le métier, le travail auraient
constitué des dérivatifs efficaces aux passions. En dépit des tracasseries
dont il f

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