Deux Cérémonies de travestissement en Thrace : le Jour de Babo et les Caloyeri - article ; n°2 ; vol.16, pg 69-101
34 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Deux Cérémonies de travestissement en Thrace : le Jour de Babo et les Caloyeri - article ; n°2 ; vol.16, pg 69-101

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
34 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1976 - Volume 16 - Numéro 2 - Pages 69-101
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Iphigénie Anastassiadou
Deux Cérémonies de travestissement en Thrace : le Jour de
Babo et les Caloyeri
In: L'Homme, 1976, tome 16 n°2-3. pp. 69-101.
Citer ce document / Cite this document :
Anastassiadou Iphigénie. Deux Cérémonies de travestissement en Thrace : le Jour de Babo et les Caloyeri. In: L'Homme, 1976,
tome 16 n°2-3. pp. 69-101.
doi : 10.3406/hom.1976.367648
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1976_num_16_2_367648DEUX CÉRÉMONIES DE TRAVESTISSEMENT EN THRACE
le Jour de Babo et les Caloyeri
par
IP HI GÉNIE ANASTASSIADOU
C'est à l'enseignement de Claude Lévi-Strauss au Collège de France que ce
travail doit le jour : les cérémonies de travestissement rituel qui se déroulaient
en Grèce, en Turquie et en Bulgarie pendant les Douze Jours et le Carnaval
présentent, en effet, des ressemblances frappantes avec celles qui ont été analysées
dans le cours de l'année 1974-75 (« Sur Certains aspects du rapport entre canni
balisme et travestissement rituel »), et il nous a paru utile de les faire connaître.
Nous avons choisi de décrire les cérémonies de travestissement telles qu'elles
se célébraient chez les Grecs de Thrace avant l'échange des populations (de 1913
à 1924) entre la Grèce, la Turquie et la Bulgarie et telles qu'elles se célèbrent
encore de nos jours (avec moins d'enthousiasme et plus d'innovations) dans
quelques-uns des villages de la Macédoine grecque où les réfugiés se sont installés.
La raison de ce choix est que la Thrace nous offre les deux types inverses de tra
vestissement : de femmes en hommes (le Jour de Babo) et d'hommes en femmes
(les Caloyeri).
Nous n'avons assisté à aucune des cérémonies dont nous rendrons compte
et dont la plupart sont aujourd'hui en voie d'extinction. Cet article est le fruit
de lectures dans différents ouvrages et revues. La liste de ces publications n'est
pas exhaustive ; il est, en effet, très difficile de trouver à Paris des séries complètes
de revues étrangères ; notre travail présentera donc des lacunes.
A part les travaux de G. A. Megas et de C. Romaios, il n'existe aucune œuvre
de synthèse concernant les cérémonies de travestissement. Le plus souvent, les
chercheurs donnent une description plus ou moins détaillée du rituel, en prenant
soin de noter le récit dans le dialecte de l'informateur (à moins qu'il ne s'agisse
d'une observation personnelle), de le comparer aux rituels des villages envi
ronnants et de remonter finalement aux cérémonies de l'Antiquité grecque ;
mais une enquête ethnologique n'est pas une recherche en paternité. Pour cerner
la fonction des cultes populaires en Grèce, il faudrait constituer un corpus
exhaustif des descriptions déjà recueillies, faire, si possible, de nouvelles enquêtes
et étudier l'organisation interne des localités où ces cultes sont célébrés.
L'Homme, avr.-sept. 1976, XVI (2-3), pp. 69-101. 70 IPHIGENIE ANASTASSIADOU
Les rites populaires ont été greffés sur les fêtes chrétiennes, et l'Église — bon
gré, mais surtout mal gré — s'est vue contrainte de les tolérer. On a tendance
aujourd'hui à les étudier en fonction du calendrier religieux, ce qui en cache le
caractère cyclique. Or, il n'est pas fortuit qu'il y ait des cérémonies de traves
tissement en hiver plutôt qu'en été, ni que ce soit la même gamme de thèmes et
le même arsenal de costumes qui soient chaque fois mis à contribution. En plus
— et nous le verrons après avoir présenté les ensembles cérémoniels des Douze
Jours et du Carnaval — , les croyances populaires auxquelles ces rituels de tra
vestissement sont associés possèdent nombre de caractères communs.
Les Douze Jours (immédiatement suivis du Jour de Babo) et surtout le
Carnaval (pendant lequel a lieu la fête des Caloyeri) sont de loin les occasions où
la propension à se travestir est la plus forte.
i) Les Douze Jours vont de la veille de Noël à l'Epiphanie. C'est la période
où les kalikândzari1, qui toute l'année essayent de couper l'arbre qui soutient la
terre, retournent au monde d'en haut et causent de graves ennuis à ceux qui ne
prennent pas de précautions. Ils ressemblent aux humains, mais sont noirs, laids,
poilus comme des boucs. Ils peuvent prendre la forme d'un âne ou d'un chameau.
Gare à celui qui les monterait ; ils atteindraient vite la taille d'une montagne et
précipiteraient de haut leur imprudent cavalier. D'après C. Romaios, les kal
ikândzari sont des démons funèbres, les nekydaimones des Anciens2. Une bûche
spéciale est brûlée pendant douze jours dans la cheminée3 ; ses cendres, conservées
1. Le système de transcription adopté ici est celui de l'Association phonétique interna
tionale ; on trouvera en annexe (infra, pp. 99-100) un tableau (sélectif) de correspondances entre
la graphie grecque et l'alphabet phonétique international. Toutefois, en ce qui concerne les
références bibliographiques (auteurs, revues...), nous avons conservé, par commodité, l'une
des transcriptions usuelles dans les bibliothèques françaises. Les noms géographiques ainsi
que les noms des deux fêtes analysées ici ont également reçu une orthographe francisée.
2. Les habitants de Farassa, localité d'Asie Mineure, « croyaient que, pendant les Douze
Jours, les mnitnordti ' morts ' visitaient de nuit les maisons ; on les appelait aussi [...] mahiir
' poilus '. Ils s'introduisaient par les cheminées [...] ; ils ressemblaient à des Maures et étaient
vêtus de haillons » (C. Romaios, « "EÔifza Ka7trox8ox£aç axé AwSsxarjfjiepo » [Coutumes de
Cappadoce pour les Douze Jours], Mélanges Octave et Melpo Merlier, Athènes, Institut
français d'Athènes, 1956, II : 305-310). Cf. aussi Id., « 01 xaXtxdcvTÇapot. » [Les kalikdndzarï],
Byzantinisch-Neugriechische fahrbùcher, Athènes, 1947, XIX : 49-78.
Sur les kalikdndzari et les rapports des croyances et rites des Douze Jours avec les Saturn
alia, Brumalia, etc., des Anciens, cf. N. Politis, MeXérai Trept tou Piouxoût7]çyXcÔ(kt7)çtoû'EXX7)-
vixoû Aaou. napa86<7£t,ç [Études sur la vie et la langue du peuple grec. Traditions], Athènes,
Sakellariou, 1904, I : 331-381 ; II : 1240-1345 ; et J. C. Lawson, Modem Greek Folklore and
Ancient Greek Religion. A Study in Survivals, New York, New York University Books, 1964 :
190-255. (ire éd. 1909.)
Sur l'étymologie du mot, cf. Ph. Koukotjlès, « KaXixàvTÇocpoi » [Les kalikândzari], Lao-
graphia (Athènes), 1923, VII : 314-328 et tableau.
3. A la place d'une bûche, on peut aussi brûler deux bois différents, qu'on « marie » :
c'est le « mariage du feu » (G. A. Megas, « ZrjTTjpiaTa 'EXXirjvtxyjç Aaoypacptaç. 'Eopxoa xou AwSe- TRAVESTISSEMENT EN THRACE 71
pour protéger hommes et bétail contre les kalikândzari, constituent également
l'un des ingrédients de plusieurs recettes magiques.
Les jours les plus propices aux travestissements sont la veille de Noël et du
Nouvel An, la veille et le jour de l'Epiphanie et la Sainte-Domna (8 janvier).
Les déguisements sont plus fréquents dans les régions de Macédoine, de Thessalie,
de Thrace, de l'Asie Mineure et du Pont-Euxin.
2) La date du Carnaval est fonction de celle de Pâques4. Le Carnaval dure trois
semaines dont chacune porte un nom différent : profonisimi (ou apoliti, de apolio
« libérer », car les âmes des morts, libérées, remontent sur la terre) ; kreatini,
de kréas « viande », car la consommation de la viande est permise ; tirini, de tiri
« fromage », car la des laitages est autorisée. Les deux derniers
samedis de cette période, ainsi que le premier samedi du Carême, sont appelés
psixosâvata « samedi des âmes ». On visite les cimetières et on distribue les kôliva,
gâteaux à base de graines de blé. Les morts, qui dans certaines régions ne
reviennent sur la terre que le Jeudi saint, regagnent le monde d'en bas à la
Pentecôte.
Les jours les plus propices aux travestissements sont le dimanche de kreatini,
le lundi et le dimanche de tirini, la kadarâ âeftéra « lundi pur », qui correspond
au Mardi gras des catholiques. Le Carnaval est fêté partou

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents