« Deux sœurs », début d une comédie d Ivan Turgenev - article ; n°1 ; vol.31, pg 88-100
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Description

Revue des études slaves - Année 1954 - Volume 31 - Numéro 1 - Pages 88-100
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 5
Langue Россию

Extrait

ANDRÉ MAZON
« Deux sœurs », début d'une comédie d'Ivan Turgenev
In: Revue des études slaves, Tome 31, fascicule 1-4, 1954. pp. 88-100.
Citer ce document / Cite this document :
MAZON ANDRÉ. « Deux sœurs », début d'une comédie d'Ivan Turgenev. In: Revue des études slaves, Tome 31, fascicule 1-4,
1954. pp. 88-100.
doi : 10.3406/slave.1954.1621
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1954_num_31_1_1621« DEUX SŒURS»
DÉBIT D'UNE COMÉDIE D'IVAN TURGENEV
PAR
ANDRÉ MAZON
La comédie en un acte des Deux sœurs nous est connue seulement par
son début (jui nous a été conservé à Paris, écrit de la main de l'auteur,
à peu près exempt de ratures et daté de juin iHh^i^1. Elle se rapporte
à ce séjour d'été dans une maison forestière de Pargolovo auquel se
rattachent aussi le poème du Pope (Поп) et celui de la Conversation
(Разговор]. Nous ne savons d'elle que le peu que nous apprennent les
quelques lignes de la préface et les deux premières scènes (la seconde
incomplète). Ce peu ne nous autorise pas à reconstruire la pièce entière,
si tant est qu'elle ait été achevée par Turgenev. Mais il nous permet du
moins de saisir certains de ses liens avec d'autres œuvres de l'auteur et
surtout nous laisse voir plus clair dans cette période d'ardeur facile et de
dispersion où l'écrivain, à la recherche de sa personnalité et dans la
fougue de sa jeunesse, se dépense en fantaisies «à ia manière» de Puškin
ou de Gogoľ, de Mérimée ou d'Alfred d(! Musset : poèmes (Sténo. Conver
sation), récit humoristique (Le sous-lieutenant Bubnov), scènes de drame
ou de comédie (La tentation de saint Antoine) , tous essais où transparaissent
les réminiscences de ses lectures, le reflet de son époque.
Cet auteur, tout fat qu'il soit alors, n'a pourtant pas d'illusion sur son
mérite propre, et l'aveu en deux vers, remaniés de Puškin, qui conclut,
sa préface aux Deux sœurs, semble fait pour servir d'épigraphe à une revue
de littérature comparée :
Car tous nous imitons, un peu ci, un peu là,
M'importe quoi, n'importe comment.
''' Manusaits parisiens d'Ivan Tourguènev : notices et extraits, Paris, 19З0, p. 68. SŒURS. DEUX
Et ne pousse-t-il pas la prévenance envers les comparatistes tout aussi
loin que Lamartine les informant par avance de l'une des sources, une
source serbe, de La chute d'un ange W ? C'est à la manière du Théâtre de
Clara Gazul qu'est écrite sa comédie : il tient à s'en confesser.
De cette comédie notre manuscrit, par malheur, ne nous livre que des
éléments, mais ces éléments sont énoncés, avec la précision habituelle à
Turgenev, dans la liste des personnages, et le début de la pièce les
complète. D'une part, deux sœurs qui se jalousent avec une fureur affe
ctueuse où le tu succède à vous : une grande aînée, tyrannique , Klara (2 3 ans),
l'amie d'un voisin riche et séducteur, Fabian, de douze ans plus âgé
qu'elle (35 ans), et la petite cadette Antonietta (17 ans), observatrice
espiègle aux propos d'enfant terrible tourmentant sa sœur par l'intérêt
qu'elle manifeste pour le beau Fabian et par l'indifférence qu'elle affecte
pour l'étudiant pauvre Nemorino. D'autre part, l'irrésistible Fabian, son
ami Valerij l'avantageux (un instant Lindor) qu'il tient et qui surtout se
tient lui-même, fier de ses 5o ans, pour l'arbitre du goût dans sa pro
vince, puis Nemorino, le jouvenceau sans fortune, que nous ne connais
sons que par son age ( 1 9 ans) et par la moue d'Antonietta au moment où
l'on parle de lui, --- enfin, pour complaire à la mode romantique, un
«nègre muet» et un «page» au service de Klara.
Il serait vain d'épiloguer sur l'origine de ces personnages, l'auteur
nous en avertit : il les avait d'abord affublés de noms espagnols, se sou
venant de l'Espagne, terre élue des aventures amoureuses, mais il a pré
féré ensuite leur attribuer des noms choisis au hasard, l'un de ses amis
espagnols l'ayant prévenu que ces personnages ressemblaient tout autant
à des Chinois qu'à des Espagnols. Mais c'est une compagnie bien étrange
qu'évoquent ces noms dont aucun n'est russe et qui presque tous éveillent
une réminiscence littéraire : Klara, qui fait songer à Clara Gazul, Anton
ietta à l'Italie, Fahian au futur Falio du Chant de l'amour triomphant^,
Valerij au Valerio de La tentation de saint Antoine (après avoir été Lindor-yb\
Nemorino à une bergerie de Florian. Le lecteur, il est vrai, n'est plus
transporté dans l'Espagne de Mérimée comme il l'était en 1 843 par les
personnages de L'Impnidence (Неосторожность), tous Espagnols, mais
il se sent pourtant encore un peu en Occident plutôt qu'en Russie.
Quant à l'action qui devait s'engager entre ces personnages, nous ne
pouvons que nous interroger sur les intentions de l'auteur, car le manus
crit s'arrête court au verso du feuillet IV. dont le dernier quart est
<i;' С Voir Manusoils ci-dessus rpa>istens l'étude d'Ivan de Nikola Tuui guénev, Banašević, p. i5o-i55. p. З1-З8.
"' Revue des Eludes slaves, XXX ŕ 1 9 5 3 ) , p. 1 1 , et ici-même, p. y'i : Lindor, raturé et
remplacé par Valeiij. ANDRÉ MAZON. 90
resté en blanc. Il est possible que l'œuvre n'ait pas été achevée et qu'il
s'agisse là d'un projet abandonné après un commencement d'exécution.
Que nous apprendra le texte qui nous a été conservé et comment devrons-
nous en interpréter les données?
Le thème initial est évident : la jalousie des deux sœurs et leur passion
amoureuse. Mais quel était le rôle de chacun des trois hommes : Fabian,
Nemorino, Valerij ? Seuls, les deux premiers sont évoqués dans la scène і :
Fabian, l'amant de Klara, et Nemorino «l'étudiant pauvre». Scène d'i
nquiétude ardente où les sœurs attendent la venue du beau Fabian et
guettent le bruit de son pas. La cadette taquine l'aînée sur ses amours
avec Fabian, vante les charmes du beau visiteur et lui chante la jolie
romance de sérénade où se retrouve l'impertinente réponse de la belle au
cavalier que nous connaissons par La tentation de saint Antoine : (1'
Amant discret de la femme d'un autre !
Et l'aînée, blessée au vif, somme sa cadette de lui révéler de qui elle
tient la romance : «De Nemorino?» — «De lui, allons donc! il en est
bien incapable!» répond Antonietta avec une grimace qui doit confirmer
le soupçon de sa sœur en même temps que le nôtre. Le ton de la dispute
est d'une vivacité charmante : une aînée despote toute prête à faire enfer
mer dans un couvent sa sœur trop malicieuse, ainsi qu'elle l'en menace;
une cadette passionnée et spirituelle qui se garde de laisser décider si
elle aime Fabian ou Nemorino et de qui des deux elle est aimée. Le sait-
elle bien elle-même? Savent-elles, l'une et l'autre, quel est leur préféré?
L'apparition du quinquagénaire important et vaniteux que Fabian intro
duit auprès de Klara semble offrir à ce badinage un dénouement que
l'auteur n'évoquera sans doute que pour le repousser allègrement : ce
nouveau venu, débordant de satisfaction comme un personnage de
Molière, Valerij, ne serait-il pas, entre l'amant nanti et le jouvenceau
sans fortune, le mari possible que l'on voudrait imposer à la petite sœur?
Ramenée à un acte unique et traitée en dialogues rapides, cette coméd
ie-là, comme Turgenev l'avait annoncé, aurait bien été une comédie à
la manière de xMérimée : soudaine, inattendue, cruelle. Mais aussi une
comédie à la manière d'Alfred de Musset, et la discrétion de l'auteur à
cet égard a de quoi nous surprendre, comme elle avait surpris
Ju. G. Oksman à propos du Caprice, joué pour la première fois à Saint-
Pétersbourg en 1 83 7-1 838, dix ans avant d'être joué à Paris, de même
qu'à propos des autres comédies et proverbes figurant au programme du
Théâtre Michel en 18Д2-18АЗ (2). Ivan Sergeevič n'avait-il pas lu au
(1) Voir plus loin, p. 96, e

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