Développement du développement durable, ou blocages conceptuels ? - article ; n°137 ; vol.35, pg 61-76
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Description

Tiers-Monde - Année 1994 - Volume 35 - Numéro 137 - Pages 61-76
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian Coméliau
Développement du développement durable, ou blocages
conceptuels ?
In: Tiers-Monde. 1994, tome 35 n°137. Après le Sommet de la Terre : Débats sur le développement durable (sous la
direction de Jean Masini). pp. 61-76.
Citer ce document / Cite this document :
Coméliau Christian. Développement du développement durable, ou blocages conceptuels ?. In: Tiers-Monde. 1994, tome 35
n°137. Après le Sommet de la Terre : Débats sur le développement durable (sous la direction de Jean Masini). pp. 61-76.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1994_num_35_137_4850MODES DE DEVELOPPEMENT
UN DÉBAT JAMAIS CLOS
DEVELOPPEMENT
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
OU BLOCAGES CONCEPTUELS ?
par Christian COMELIAU*
La pensée sur le développement se nourrit de modes successives : elle
s'est polarisée tour à tour sur une série de questions qui devenaient pour
quelque temps les thèmes obligés de tous les ouvrages, articles et collo
ques de la corporation, avant de disparaître pratiquement sans laisser de
trace. Parmi ces modes successives : la querelle entre la croissance équi
librée et la croissance déséquilibrée, l'industrialisation, la dépendance,
les besoins essentiels, l'interdépendance, le développement humain... Le
« développement durable » est la plus récente de ces modes.
Comme les précédentes, elle trouve son fondement dans la prise de
conscience d'un problème réel, important, celui des rapports entre le déve
loppement (tel qu'il est proposé) et l'équilibre des écosystèmes naturels
dans la longue durée, compte tenu du rythme et du mode exceptionnels de
l'exploitation des ressources. Comme les précédentes, elle est « incontour
nable » : on ne peut guère aujourd'hui s'aviser de prononcer le mot « déve
loppement » sans y adjoindre le mot « durable » ou « soutenable ».
Comme les précédentes, elle n'aura probablement droit à la reconnais
sance officielle que jusqu'à l'avènement de son héritière. Mais les lois de
succession ne sont pas bien connues, et nul ne sait encore quand cette héri
tière se présentera. La durée d'un règne ne semble liée ni à la légitimité, ni
à l'importance réelle de la notion concernée, mais peut-être à son adéquat
ion avec les intérêts dominants durant la période du règne, et à la rigueur
avec laquelle elle défend ces intérêts.
* iued, Genève.
n° 137, janvier-mars 1994 Revue Tiers Monde, t. XXXV, 62 Christian Comeliau
C'est ce dernier point que je voudrais soutenir ici. Je n'ai pas compét
ence pour apporter une contribution substantielle au débat sur le déve
loppement durable ; je voudrais seulement souligner les difficultés, voire
les blocages, que constituent, sur le plan conceptuel, l'ensemble des in
struments intellectuels et théoriques dont nous disposons pour appréhen
der ce phénomène, et plus largement pour construire une pensée
logique, cohérente, « soutenable » dans le long terme, concernant le
processus de développement en général.
Je présenterai l'argument de la manière suivante. J'évoquerai
d'abord rapidement l'état du débat sur le développement durable, avec
les principales controverses méthodologiques qu'il soulève et l'insuff
isance des réponses que peuvent y apporter les instruments des écono
mistes ; je suggérerai que ce constat d'incompréhension et d'impuissance
peut être étendu à bien d'autres thèmes de la pensée actuelle sur le déve
loppement (I). Je formulerai ensuite l'hypothèse d'une explication
— partielle, bien sûr — par le blocage conceptuel, et j'essaierai de l'i
llustrer par une série de questions qui en découlent : questions concept
uelles proprement dites, éthiques, questions politiques (II). Je
tenterai enfin, en conclusion, de définir ce que pourrait être le but d'un
renouveau de la réflexion systématique dans ce domaine, quel pourrait
être l'apport des chercheurs en sciences sociales, et à quelles conditions
cette réflexion pourrait se dégager du blocage actuel (III).
Je ne peux proposer en quelques lignes un état descriptif du débat
sur le développement durable, débat qui s'enrichit chaque jour de nouv
elles contributions. Je m'appuierai seulement sur un bilan récent, qui
n'est certainement déjà plus à jour, mais qui a le mérite (rare) de présent
er sous une forme systématique quelques-unes des principales contro
verses en présence (Hatem, 1990).
L'auteur de cette synthèse insiste d'emblée sur le flou des concepts :
dès 1989, dit-il, un auteur recensait plus de 60 définitions du développe
ment durable dans la littérature, et le seul Rapport Bruntland (World
Commission, 1987) en contiendrait six différentes. F. Hatem propose
alors la classification suivante : il divise les théories principales actuell
ement disponibles sur le développement durable en deux catégories,
« écocentrées » et « anthropocentrées », suivant qu'elles se donnent
pour objectif essentiel la protection de la vie en général (et donc de tous Développement durable ou blocages conceptuels? 63
les êtres vivants, tout au moins de ceux qui ne sont pas encore condamn
és) ou le bien-être de l'homme. Dans cette seconde catégorie, il distin
gue trois sous-groupes selon les approches adoptées :
a) une approche « économique », définissant le développement durable
comme celui qui vise à « préserver, d'une génération à l'autre, le
stock global de capital (naturel ou artificiel) nécessaire pour assurer
le bien-être » des générations futures et présentes ; cette approche
repose sur « l'hypothèse d'une forte substituabilité entre ressources
naturelles et capital artificiel », et se prête assez bien aux instruments
de l'analyse néo-classique des « dysfonctionnements du marché » ;
b) une approche « écologique » visant aussi à « maintenir un stock de
capital assurant la constance ou la croissance du niveau de bien-
être, mais sans que l'on puisse compter sur une parfaite substi
tuabilité du capital naturel et du capital artificiel : l'analyse néo-clas
sique ne convient donc guère, et il faut se préoccuper directement du
maintien du stock de ressources naturelles ;
c) enfin une approche « radicaliste » ou « socioculturelle » — on
notera le rapprochement inhabituel de ces deux termes — , fondée
sur une critique idéologique du modèle néo-classique et mettant en
valeur des thèmes tels que la différence entre la croissance et le déve
loppement, la dimension écologique des inégalités Nord-Sud et les
origines sociopolitiques du sous-développement.
F. Hatem passe en revue les instruments économiques proposés
pour la protection de l'environnement, mais il note ensuite la nécessité
d'une intégration de ces questions « dans les mécanismes d'élaboration
de la politique économique et sociale d'ensemble ».
Ce bref résumé suffit, me semble-t-il, à suggérer la difficulté des réfé
rences conceptuelles proposées. D'abord pour souligner la profondeur
des différences entre les diverses approches en présence : différences qui
sont plus philosophiques et éthiques que techniques, puisqu'elles met
tent en cause les rapports de l'homme avec la nature et le mode de
domination du premier sur la seconde. Ceci n'est évidemment pas une
critique de la classification proposée : c'est le propre de toute analyse
théorique de déboucher sur une réflexion de niveau supérieur. Mais les
problèmes éthiques de cette importance sont tout de même trop sérieux
pour être abandonnés au « flou des concepts ».
Plus grave, plus significative sans doute est la référence nécessaire à
des distinctions aussi imprécises que celle entre Г « économique » et le
« social », ou celle entre la croissance et le développement. La pre
mière distinction n'est jamais définie par les théoriciens ; les praticiens, 64 Christian Comeliau
eux — les politiques et les fonctionnaires, en particulier, et les respon
sables d'entreprises — , savent bien q

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