Discours d outre-tombe : le langage du Miroloï - article ; n°1 ; vol.27, pg 33-54
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Discours d'outre-tombe : le langage du Miroloï - article ; n°1 ; vol.27, pg 33-54

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Description

Langage et société - Année 1984 - Volume 27 - Numéro 1 - Pages 33-54
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Margarita Xanthakou
Discours d'outre-tombe : le langage du Miroloï
In: Langage et société, n°27, 1984. pp. 33-54.
Citer ce document / Cite this document :
Xanthakou Margarita. Discours d'outre-tombe : le langage du Miroloï. In: Langage et société, n°27, 1984. pp. 33-54.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1984_num_27_1_1977Margarita XANTHAKOU
DISCOURS D1 OUTRE-TOMBE : LE LANGAGE DU MIROLOI
"Khar os (l) a voulu se faire un verger.
Il l'a sarclé, labouré, et il commence à planter :
Les jeunes filles sont ses citronniers, et les jeunes hommes ses
cyprès ,
Les petits enfants sont menthes et girofles,
Et les vieux, la haie de ronces tout autour".
"- C'est un miroloï, cela ?
- Oui, c'en est un.
- Et pour qui l'a-t-on chanté ?
- On peut le chanter pour n'importe qui... pour chacun de nous, qui som
mes tous mortels, hommes et femmes, jeunes et vieux, tout ce qui naît,
«eurt un jour."
Un miroloï : un "discours sur le destin" ( ytoî pot „mira : destin ;
JiOJftS, loghos : discours). Un de ces chants funèbres qu'interprètent et
"recréent" encore couramment des "pleureuses" (miroloyistrès) , au moins
dans le Magne (2) où j'ai recueilli une part du corpus évoqué dans le pré-
K haros : Caron, le passeur des Enfers.
(2) Le Magne (Manl) proprement dit est une "région culturelle" grecque re
couvrant la péninsule centrale qui s'avance, au Sud du Péloponèse, en
tre le Golfe de Messénie, à 1' Ouest, et le Golfe de Laconie, à lf Est,
Elle correspond grosso modo au quart Sud-Est du nomos (département) de
la Laconie. - - 34
article, et d'où provient le court dialogue cité en ouverture (on sent
trouvera les références des autres sources dans l'annexe bibliographique).
Les miroloyia accompagnent nécessairement toutes les cérémonies funéraires,
particulièrement fréquentes et formalisées dans le cycle des rituels manio-
tes. Ils sont souvent élaborés "sur mesure", pour le défunt dont on célè
bre la mémoire. Scandés par les événements marquants de sa vie, ils ren
voient la douleur qu'ils expriment avec ostentation aux traits - magnifiés
par diverses figures allégoriques - d'une personnalité singulière et d'une
mort toujours dramatisée.
Lorsque des "compétences" et des volontés suffisantes sont dispo
nibles, chaque décès implique donc la création - au moins partielle - de
nouveaux chants funèbres. Mais celle-ci est associée à d'autres procédés.
Ainsi la trame ou quelques éléments de miroloyia pré-existants sont-ils
souvent empruntés, ou réadaptés, au "coup par coup", en fonction des carac
téristiques des protagonistes qu'il s'agit d'honorer. Et de surcroît, on
va examiner ici une autre composante particulière de cette perpétuelle "re-
procuction" du stock de miroloyia par accumulation de recoupements mi
neurs : la récurrence dans quantité de chants de certaines formules et
strophes "toutes faites" , dont beaucoup appartiennent d'ailleurs, selon
toute vraisemblance, au fonds de la "culture orale" néo-hellénique géné
rale - ou même peut-être balkanique pour quelques-unes. Un exemple en a
été d'emblée fourni par le couplet introduisant ce texte, et par le commen
taire de la Maniote qui 1 ' interprète .
Mon hypothèse de travail est que de semblables formules, peuvent
être vues comme une sorte de langage.
Un langage : au sens large, et quelque peu métaphorique, s'entend.
Mais envisager le corpus sous cet angle en l'étape initiale d'une possible
ligne de recherche permet au moins d'expérimenter la pertinence, en la ma
tière - et sans prétendre à la rigueur technique, ou pas encore - d'un
questionnement bien classique : qui parle à qui, de quoi, et comment ?
SUJETS ET REFERENTS
Qui parle ? ces strophes stéréotypées s'inscrivent dans les miro
loyia chantés par des parents, des amis du défunt, et (ou) par des "pieu- - - 35
reuses" de leur communauté ou de villages voisins. La souffrance causée
par la mort d'un proche , d'un ami, d'un membre d'une famille estimée ou
dont le statut doit susciter le respect, voilà ce qui conditionne l'inter
prète et l'énonciation d'un miroloï et de ses formules traditionnelles...
souffrance dont parfois sont systématiquement recherchés les facteurs dé
clenchants (il faut répondre aux attentes) : le degré et l'authenticité de
cette souffrance , donc , sont censés constituer les critères de sélection
du "locuteur" et du "moment".
"- Improvise-moi un miroloï. . .
- Mais je ne peux pas ï il faudrait que Vie sec" (o xeros, "le mort")
soit devant moi, que je sois triste... ou quelquefois, chez moi, le
souvenir d'un proche disparu me revient en mémoire, les larmes arri
vent, et je "mirologise" (mirologho) , parfois toute seule. D'ailleurs,
quand je chante pour un défunt voisin, ou lors d'une cérémonie funérai
re (3) célébrée pour quelqu'un du village, je pense à mon père, qui est
mort, ou à mon frère, et la douleur, les larmes et le miroloï me vien
nent d'un seul coup..."
Et voilà mon informatrice qui, larmes aux yeux, accède à ma deman
de d'abord déclinée : elle se met à improviser...
En fait, tout Maniote - et spécialement les femmes : j'y revien
drai - se sent capable de "mirologiser", et l'est effectivement dès qu'il
se trouve - ou se met - "en situation" . Capable , donc , de "parler miro^
loi" ...
"- Le miroloï , tu comprends, ici, on l'a dans le sang (to ekhoume sto ema
mas)... comme notre langue maternelle".
Sur ce point, on peut d'ailleurs risquer un rapprochement intui
tif, mais en bonne mesure révélateur.
Rappelons d'abord que les miroloyia constituent probablement la
forme principale de la musique vocale et en sens, peut-être de la littéra-
(3) Au premier chef, les rituels de la veillée du corps et du premier en
terrement ; mais aussi, ceux que l'on célèbre en des moments détermi
nés de la période qui suit le décès : trimera ("trois jours" après), . - - 36
ture orale, proprement maniotes. S'ensuit, et le démontre, le fait de son
omniprésence : il imprime ici sa forme à des thèmes légendaires connus
ailleurs , mais narrés ou chantés autrement hors du Magne )
Et chaque miroloï comporte des versions, disons, profanes et sou
vent "condensées", qui peuvent être chantées hors des contextes cérémoni«-
els (dans les lieux de travail, ou le soir par des villageois prenant le
frais sur le seuil de leur porte) (5).
Or, on constate que le chant funèbre est la formulation "sponta
née" de cette sorte de "délectation morose" que semblent souvent ressentir
des Maniotes quelque peu troublés par les effets du vin consommé dans les
tavernes : comme s'ils revenaient alors au mode d'expression pour eux le
plus "naturel". Ainsi, par exemple, il y a deux ans, dans une gargote de
Kita (village du Magne intérieur), j'entends un vieillard un peu ivre - à
1* elocution déjà embarrassée - entonner soudain ces strophes :
"Un aigle posé dans le verger d' Hadès...
S'arrachait les plumes, ses ailes perdaient leur force
Les autres oiseaux lui parlent, ils lui demandent :
- Qu'as-tu donc, aigle, si triste que tu t'arraches les plumes ?
- J'ai mal des miens, je n'en peux plus...
Arrêtez, vents et vous, tramontane (6) et mauvais temps
Que j'aille chez moi voir qui me pleure...
Voir si me pleurent les amis, et si me pleure la maisonnée...
Gomme me pleure ma mère, nul ne me pleure !"
Il se lève. Je lui parle. Il me propose de l'accompagner au de
hors, dans sa promenade titubante - entrecoupée de fragments de miroloyia -
qui nous conduit au cimetière où, de nouveau, il chante d'une voix déchi*
rante :
(3) ( suite )..?niamera ("neuf" jours), sarada ("quarante" jours), trimlna
("trois mois"), 'xamina ("six" mois), khronos ("un an") ; enfin, l'ek-
tafi, l'exhumation et la mise en urne des restes, au bout de trois ans.
(^) Voir un exemple de l'analyse détaillée de cette donn&#

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