Dossier Gobineau - article ; n°37 ; vol.12, pg 81-100
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Description

Romantisme - Année 1982 - Volume 12 - Numéro 37 - Pages 81-100
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Gaulmier
Dossier Gobineau
In: Romantisme, 1982, n°37. pp. 81-100.
Citer ce document / Cite this document :
Gaulmier Jean. Dossier Gobineau. In: Romantisme, 1982, n°37. pp. 81-100.
doi : 10.3406/roman.1982.4557
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1982_num_12_37_4557Jean GAULMIER
Dossier Gobineau
L'histoire de la littérature ne manque pas d'auteurs, un Sade,
un Stendhal, un Nerval, qui n'ont trouvé audience que longtemps
après leur mort : le cas de Gobineau, en étrangeté, dépasse tous les
exemples de gloire posthume. Sa production littéraire n'a éveillé que
de dérisoires échos au long d'une carrière qui s'étend de 1 836 à 1 879.
L'Essai sur l'inégalité des Races humaines, malgré le soin que son auteur
a apporté à son lancement, à suscité peu d'attention en dehors du
cercle de ses amis personnels, qui d'ailleurs le plus souvent se montrèr
ent réticents, à l'égal de Tocqueville, et les érudits allemands dont
il escomptait l'approbation, Pott comme Ewald, ne lui ménagèrent
pas les critiques. Ses reportages sur l'Iran, Trois ans en Asie, Religions
et philosophies dans l'Asie Centrale, ne recueillirent pas plus de suf
frages que sa curieuse Histoire des Perses, leur complément romanesque.
Ses œuvres de fiction n'obtinrent guère plus de faveur : la presse,
silencieuse devant ses premiers romans, le demeura devant les Souvenirs
de Voyage en 1872, comme, en 1876, devant les admirables Nouvelles
asiatiques. Le roman des Pléiades, malgré quelques articles bienveillants,
celui d'Albert Sorel, (le Moniteur universel, 26 avril 1874), celui de
Barbey d'Aurevilly (Je Constitutionnel, 18 mai 1874), ne trouva en
quinze ans que 508 lecteurs. Nul ne perçut, en 1878, la grandeur
désolée de certaines pages de la Renaissance. Quant au dernier livre
de Gobineau, Y Histoire d'Ottar Jarl, pirate norvégien et de sa descen
dance, qui donc aurait pu s'intéresser à un ouvrage dont la compréhens
ion exigeait une connaissance profonde du psychisme de son auteur ?
Comment expliquer la longue indifférence à laquelle s'est heurté
Gobineau ? D'abord par une erreur de stratégie littéraire : écrivain
débutant, il donne à la Quotidienne une série d'études Sur quelques
critiques contemporains. Il y prend à partie, en traits mordants, Ville-
main et Gustave Planche, Jules Janin et Sainte-Beuve, Magnin et Saint-
Marc Girardin. Cette affirmation d'indépendance lancée aux régents
de l'opinion ne pouvait que les inciter au silence : « Arthur a par là
beaucoup d'ennemis littéraires, » note une lettre de sa femme d'octobre
1847.
D'ailleurs, le décousu apparent de son œuvre devait embarrasser
les critiques : où classer ce jeune ambitieux qui, tour à tour, s'essaye
dans les genres les plus divers, rime les Adieux de Don Juan, donne
à la presse légitimiste des articles de politique étrangère, publie dans
des revues sérieuses quelques études bien informées sur les affaires 82 Jean Gaulmier
d'Allemagne ? En même temps, on le voit, rival de Frédéric Soulié,
pratiquer la « littérature industrielle » : le Prisonnier chanceux, Nicolas
Belavoir, Ternové qui ne manquent certes pas de qualité, relèvent
d'une esthétique de second ordre, à laquelle il voudrait échapper
par une tragédie en cinq actes et en vers, Alexandre le Macédonien,
en décembre 1 847.
Et puis voilà qu'en 1853-1855 les quatre volumes de YEssai
sur l'inégalité des Races révèlent soudain chez lui une curiosité d'ethno
logue et de moraliste. Taries l'inspiration du poète et la verve du con
teur : un nouvel Isaïe promet au genre humain une décadence sans
remède. Nouvelle mutation, les ouvrages suivants de Gobineau le
présentent comme un spécialiste de l'Iran, puis comme un exégète
aventureux des textes cunéiformes !
Ajoutons que sa carrière de diplomate, entre 1849 et 1877,
retient Gobineau hors de France et lui fait perdre contact avec les
modes parisiens de penser et de sentir. Il prolonge ainsi, à travers l'épo
que positiviste, le byronisme de sa jeunesse. Admirateur d'Ivanhoé
et de Wilhelm Meister, il trouvera intolérable le réalisme de YEducation
sentimentale, roman « ignoble et inepte », déclare-t-il dans une lettre
à sa femme (1er février 1870). L'auteur des Pléiades, pour qui « il
n'y a réellement au monde que les romans de chevalerie » (à sa fille,
juil. 1863), écrit au temps de Zola, la Renaissance sort en librairie
la même année que Y Assommoir ! Ainsi, un anachronisme permanent
établit, entre les meilleures œuvres de Gobineau et le public qu'elles
visaient, une infranchissable distance. L'échec était inévitable et on
s'explique que Gobineau ait finalement sombré dans un pessimisme
de Titan indigné dont sa correspondance présente tant de témoignages,
comme celui-ci, assez poignant, du 5 février 1874, à sa sœur qui
l'appelle à revenir à la foi de son enfance :
« Toute la théologie du monde, déclare-t-il, n'empêchera pas que j'ai
aimé des gens qui me l'ont mal rendu ; que j'ai dix fois plus de talent et
de valeur que la plus grande partie des hommes considérables de ma géné
ration et que, malgré efforts, courage, patience, travail, je ne serai arrivé
à rien. »
Echec absolu, dont nous possédons, irréfutable, la preuve. En
juillet 1896, Mme de La Tour, légataire de Gobineau, voulant servir
sa mémoire par une réédition de ses ouvrages, chargea un homme de
loi d'enquêter auprès des maisons Didot, Hachette, Pion, Didier qui
les avaient publiés de 1853 à 1879 : inventaire navrant. Quatorze
ans après la mort de l'auteur et si mince qu'ait été leur tirage initial,
de nombreux invendus restaient en librairie et l'avoué Geyer conclut :
« Quel serait le résultat des réimpressions ? L'hésitation et le refus des
éditeurs le font bien prévoir [...] Une réimpression ne peut être qu'un pieux
hommage rendu à la mémoire de M. le comte de Gobineau, et non une
affaire lucrative. [...] » Gobineau 83 Dossier
A la date de ce rapport, 1896, la revanche de Gobineau commençait
pourtant à poindre, grâce aux efforts d'un Allemand enthousiaste,
Ludwig Schemann.
/. Etapes d'une résurrection
« Je ne serai donc apprécié que cent ans après ma mort... »
(à Mme de La Tour, 26 août 1873).
La résurrection de Gobineau mérite qu'on s'y arrête, car le rôle
capital qu'y jouèrent les Allemands, s'il rendait à la France un écrivain
qu'elle avait eu le tort d'ignorer, a contribué à la réputation dont
sa mémoire a longtemps pâti.
A la fin de novembre 1876, Gobineau passe quelques jours à
Rome. Il apprend que Richard Wagner est lui aussi de passage à Rome,
et il saisit l'occasion de le rencontrer. Simple contact dont nous ne
savons rien.
En octobre 1880, nouvelle rencontre des deux hommes à Venise :
Wagner, subjugué par le brillant causeur que sait être Gobineau, l'invite
à Bayreuth et en attendant, passe l'hiver à le Lire, se passionne pour
l'épopée ariane de YEssai sur les Races, retrouve dans Amadis, dont
les maladresses prosodiques ne le gênent pas, la grandeur qu'il attribue
lui-même à l'univers chevaleresque du Moyen Age. Et Cosima rend
compte à Gobineau de cet enthousiasme :
« ' Faut-il que j'aie rencontré si tard le seul écrivain original que je conn
aisse. Je ne dévore pas les nouvelles asiatiques parce que je les savoure. [...]
Foin des mille et une nuits ! '
Tels sont, cher Comte, les propos que j'entends tenir à mon mari depuis
le nouvel an, ceux-là et bien d'autres encore ! »
Flatté d'éloges, dont l'accent pour lui est nouveau, Gobineau se rend
à Bayreuth en mai 1881 ; l'atmosphère de Wahnfried lui a paru si
douce que, malgré sa fatigue croissante, il retourne chez les Wagner
l'année suivante, y reçoit de nouveau un touchant accueil. Gobineau,
qui va s'éteindre cinq mois plus tard, se trouve dans un état de déla
brement physique et de tristesse morale qui effraye ses hôtes. C'est
alors que, pris de pitié devant ce vaincu, Wagner recommande à son
jeune disciple, Scheman

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