Essai : « Fonder » la morale, ou comment légitimer la transcendance de la moralité sans le support du dogme ou de la foi (au travers du Mencius) - article ; n°6 ; vol.6, pg 23-81
60 pages
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Essai : « Fonder » la morale, ou comment légitimer la transcendance de la moralité sans le support du dogme ou de la foi (au travers du Mencius) - article ; n°6 ; vol.6, pg 23-81

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Description

Extrême-Orient, Extrême-Occident - Année 1985 - Volume 6 - Numéro 6 - Pages 23-81
59 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Mr François Jullien
Essai : « Fonder » la morale, ou comment légitimer la
transcendance de la moralité sans le support du dogme ou de la
foi (au travers du Mencius)
In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 1985, N°6, pp. 23-81.
Citer ce document / Cite this document :
Jullien François. Essai : « Fonder » la morale, ou comment légitimer la transcendance de la moralité sans le support du dogme
ou de la foi (au travers du Mencius). In: Extrême-Orient, Extrême-Occident. 1985, N°6, pp. 23-81.
doi : 10.3406/oroc.1985.918
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/oroc_0754-5010_1985_num_6_6_918ESSAI : «FONDER» LA MORALE, OU COMMENT LÉGITIMER
LA TRANSCENDANCE DE LA MORAUTÉ SANS LE SUPPORT
DU DOGME OU DE LA FOI (AU TRAVERS DU MENCIUS)
François JuUien
- Mencius lu du dehors.
- Quelle forme de conscience à Torigine du confucianisme ?
- L'évacuation de la représentation d'un dieu personnel au profit
d'une conception onto-cosmologico-m orale dans la tradition du
confucianisme ancien.
- Spontanéité de la réaction morale : de quel point de vue justi
fier que la morale soit innée en l'homme ?
-Conscience onto-cosmologique - conscience morale : le sens
moral prend son fondement dans l'intuition d'une solidarité
radicale des existences.
- Du caractère inexplicité de la catégorie de la volonté : le Mal
n'est pas diabolique.
-L'expérience axiologique d'une transcendance de la moralité
ne conduit pas à un dualisme métaphysique.
- Insistance de la thèse : la causalité nécessaire du bonheur comme
effet de la vertu dans ce (seul) monde-ci.
- Le repli «stoïcien» : la référence au Ciel comme détermination
transcendante.
- Ni révélation religieuse ni postulats métaphysiques : de la prati
que morale à l'appréhension directe de la transcendance.
23 Mencius lu du dehors
des Existe-t-U questions des de questions toujours «phUosophiques» et de partout qui dépassent soient générales, absolu
ment leur conditionnement linguistique, culturel, idéologique ?
Rien de si concis, de si abstrait, par exemple, qu'un to be or not
to be, de si pur et qui paraît si peu lié à la particularité d'une
langue ou d'une pensée, et néanmoins une teUe question, quintes
sence et symbole de toute question («la» question par excellence)
se révèle si profondément ancrée dans l'horizon culturel occident
al : cette «simple» possibilité que constitue le verbe être et dont
nous savons qu'eUe n'existe pas au sein de la tradition chinoise.
(Le fait est suffisamment connu, reste à en mesurer l'incidence).
Une question n'existe qu'au travers de sa formulation. Celle que
nous posons ici procède de l'esprit des Lumières, et de la problé
matique kantienne en particulier, et même si je la fais spontané
ment mienne aujourd'hui, que Ton se souvienne d'abord d'où elle
nous est venue. Car en explicitant ainsi son appartenance nous
serons aussi mieux en mesure d'en exporter la signification, voire
d'en «universaliser» l'enjeu. Ici, au travers du Mencius.
Il y a schématiquement deux façons de procéder à la lecture
d'un texte comme le Mencius. Soit en le lisant «du dedans» de la
tradition chinoise elle-même : à partir de ce qu'U dit, des positions
qui sont les siennes et en suivant l'enchaînement des commenta
ires qui le prolongent et l'explicitent. Soit en le lisant du dehors
de cette tradition, en l'interrogeant non seulement sur ce qu'il
dit (en épousant la logique des positions occupées) mais aussi
sur ce qu'U ne dit pas (comme représentations de base, comme
enjeux plus radicaux) et qui néanmoins le motive (ou au contraire
l'arrête) : c'est-à-dire en faisant travailler explicitement une
certaine extériorité du point de vue de façon à mieux mettre en
lumière la condition de possibUité théorique d'un tel texte. Or par
rapport à cette dualité de procédure (qui ne constitue d'ailleurs
en rien une alternative), le texte de Mencius se présente comme un
cas limite. Car le Mencius ne fait qu'expliciter une vision confu
céenne qui elle-même ne fait que «transmettre» une certaine
intuition de la civUisation plus ancienne encore et que le monde
chinois assimilera progressivement comme son idéologie domi
nante (du moins celle de la classe lettrée). Texte à ce point cité,
appris, mémorisé, qu'il s'identifie progressivement avec la civilisa-
24 tion chinoise elle-même (en se constituant en une sorte d'évidence
(surtout à partir des Song), en devenant comme le mode de
consensus de toute une culture). De Tintérieur de cette culture,
dans la clôture de ce consensus, le texte du Mencius à la limite
ne dit plus rien, perd son sens, perd tout sens (par différencia
tion) : Mencius se confond avec le moralisme chinois, or qu'est-
ce qui peut échapper au sein de la civilisation chinoise tradition
nelle à la «morale» ? D'où Tintérêt de doubler une lecture phUo
logique qui ici fatalement s'épuise par une lecture problématique
qui puisse enfin sortir ce texte hors de sa tautologie, en le confront
ant à une nouvelle extériorité toute extériorité chinoise ayant
tendu à s'y dissoudre, même le bouddhisme qui le fasse réagir
et lui serve de révélateur * .
Ce biais d'une extériorité commode permettant de mieux
mettre en valeur le sens de la position mencéenne, U me paraît
* Précisons encore le sens et le choix d'une teUe lecture problématique par
rapport à TéventaU des lectures possibles : à côté d'une lecture phUologique
qui vise à établir historiquement ce qu'à été le sens originel du texte (dans
une perspective critique dénonçant toute tendance naïve à l'accommodat
ion) ; ou d'une lecture phUosophique qui vise à rendre compte de l'articu
lation notionneUe du texte et du travaU conceptuel qui est le sien ; une lectu
re problématique vise plutôt à éclairer à partir de queUes catégories prégnan-
tes, de queUes représentations structurantes, le texte s'est écrit et queUes en
sont les conditions de possibiUté théorique. U est difficUe d'entreprendre
une lecture proprement phUosophique du Mencius (comme on peut lire
aujourd'hui philosophiquement Platon) parce que ce texte ne présente
guère d'élaboration ou de jeu conceptuels. Mais pauvre du point de
vue d'une lecture phUosophique, le Mencius est au contraire particulièrement
riche* du point de vue d'une lecture problématique, une fois mis en perspect
ive avec une autre tradition, dans la mesure où devient alors perceptible
non pas tant son jeu notionnel propre que la logique culturelle dont U pro
cède.
Précisons du même coup le sens que revêt ici le comparatisme. La ques
tion traditionneUe du comparatisme est de savoir comparer X et Y, quoi à
quoi. Mais ici U s'agit moins de comparer un certain ceci à un quelconque
cela que de «comparer» ceci à sa propre absence, au fait qu'aiUeurs ceci n'ait
pas pu advenir, ait été impossible. A partir du moment où U y a altérité du
point de vue de la tradition historique (ce qui n'implique d'aUleurs pas
qu'U y ait différence de figure, de type ou de procès), comme c'est le cas
entre traditions chinoise et occidentale, rien n'est a priori comparable ; et
c'est plutôt la mise en uvre même de toute comparaison, relevant nécessa
irement d'un choix stratégique et exigeant un travail de reformulation au sein
de l'un et Tautre champs, qui est par eUe-méme intéressante et peut servir
d'objet à la réflexion.
25 être précisément fourni dans la façon dont en Occident la phUo
sophie des Lumières a conçu de «fonder» la morale. Qu'U s'agisse
du Rousseau de la Profession de foi du vicaire savoyard (Emile,
livre IV) ou du Kant de la Raison pratique, la question revient
au fond, et même si les voies divergent, à tenter d'assurer la
légitimité de la morale (comme transcendance) sans le secours
d'une Révélation : dans le cadre d'une «religion naturelle» (Rous
seau) ou d'une «religion dans les limites de la simple raison» (Kant).
Position neuve en Occident après tant de siècles où la morale
était restée intégr

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