Histoire ou feuilleton ? La Révolution française vue par Lamartine - article ; n°52 ; vol.16, pg 19-33
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Description

Romantisme - Année 1986 - Volume 16 - Numéro 52 - Pages 19-33
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Fabienne Reboul
Histoire ou feuilleton ? La Révolution française vue par
Lamartine
In: Romantisme, 1986, n°52. pp. 19-33.
Citer ce document / Cite this document :
Reboul Fabienne. Histoire ou feuilleton ? La Révolution française vue par Lamartine. In: Romantisme, 1986, n°52. pp. 19-33.
doi : 10.3406/roman.1986.4827
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1986_num_16_52_4827REBOUL Fabienne
Histoire ou feuilleton ? La Révolution française vue par Lamartine
Mythe fondateur, la Révolution française se trouve au cœur des
luttes politiques du XIXème siècle ; elle les cristallise, et les différentes
historiographies qu'elle suscite ne sont souvent que le produit d'un dé
placement du politique au littéraire, voire d'une interrogation portée
par les auteurs sur leurs propres allégeances.
Les contemporains ne s'y trompent pas, et George Sand écrit,
dans YHistoire de ma vie :
« Le temps n'est pas encore venu où les amis de l'humanité peuvent faire
le procès de la Montagne, car il est entre les mains des ennemis de l'humanité,
lesquels condamnent des passions coupables au nom de passions plus coupab
les encore » 1 .
C'est précisément la difficulté à laquelle sont confrontés, autant
que leurs prédécesseurs, les auteurs de trois textes qui commencent à
paraître en 1847 : Michelet et Louis Blanc dans leurs Histoires de la
Révolution, Lamartine dans YHistoire des Girondins qui, selon Alice
Gérard « eut le plus grand retentissement et le plus éphémère »2 .
Visiblement, George Sand, quand elle écrit YHistoire de ma vie,
n'a lu que Lamartine, d'autant plus prisonnier de ce dilemme qu'il écrit
là un livre d'humeur et de circonstance, destiné à transmettre une nouv
elle vision de la morale politique, à remettre à l'honneur les principes
de la Révolution parmi les masses auxquelles il faut faire connaître
« le sens caché de ces grands drames historiques, où les hommes ne
voient que les décorations et les acteurs, mais dont une main invisible
combine le plan »3 .
Il ne faut cependant pas croire que le peuple soit, chez Lamartine,
investi d'un rôle messianique : sa mission se borne à intervenir pour dé
signer judicieusement ceux de ses concitoyens auxquels il déléguera ses
pouvoirs. Si, cependant, l'histoire, et singulièrement l'histoire de la Ré
volution Française, est un domaine privilégié d'expression politique, on
peut à bon droit s'interroger sur sa capacité à atteindre le public le plus
populaire :
« Dans cette pensée, M. de Lamartine a popularisé les principes de la saine
Révolution. Il a dû se demander d'abord quels sont les moyens de se faire lire
en bas, en haut, au milieu, partout, longtemps. C'est de toucher le cœur hu
main en l'intéressant. De là ces drames, vies privées, études des hommes,
scènes de Shakespeare »4. 20 Fabienne Reboul
Un tel dessein s'accommoderait très bien cependant d'un support
plus souple que ne l'est théoriquement l'histoire. Un des collaborateurs
de la Revue Indépendante écrit, le 10 août 1846 :
« Lorsqu'un homme porte dans sa tête je ne sais combien de fragments de
systèmes politiques, religieux ou philosophiques ; lorsque la société semble
elle-même hésiter entre ces systèmes qui la .divisent et la fatiguent [...] la li
ttérature doit recourir à une forme moins concrète que celle du drame, mais
qui, plus large, plus complexe, et en même temps plus individuelle, satisfasse
le sentiment de la personnalité, développé extraordinairement dans de sem
blables crises [...] Le roman devient alors la forme privilégiée »5 .
N'est-il pas permis de considérer que le message dont le texte de
Lamartine est porteur aurait, lui aussi, trouvé, en raison de sa complexit
é, une forme privilégiée dans le roman ?
Rien de bien inédit, au reste, dans les prises de position de l'auteur,
au fil des pages de Y Histoire des Girondins : il y veut répéter ce que déjà
il professait dans Sur la politique rationnelle, paru au lendemain de la
révolution de 1830 : le machiavélisme est une approche caduque de la
politique, toute pratique moderne se fondant sur une morale stricte, et
sur l'acceptation réaliste d'évolutions inévitables, dans la mesure où elles
sont inscrites dans les phases successives d'un plan divin vers le mieux et
vers l'avenir. C'est dans le cadre d'une plus juste compréhension du
« mouvement de l'histoire universelle » qu'il faut comprendre les multi
ples infidélités politiques de Lamartine* : quatre âges se sont succédé
pour l'humanité : l'âge théocratique ; l'âge tyrannique ; l'âge monarchi
que ; enfin, dernière phase, celle qui est en train d'advenir, à travers les
vicissitudes politiques de la France, « l'époque du droit et de l'action de
tous », la plus juste, la plus morale et la plus libre. Elle pourrait s'appel
er l'époque évangélique, « car elle ne sera que la déduction logique, que
la réalisation sociale du sublime principe déposé dans le livre divin com
me dans la nature même de l'humanité, de l'égalité et de la dignité mor
ale de l'homme reconnues enfin dans le cadre des sociétés civiles ».
Les révolutions, dans une telle perspective, ne sont que des acci
dents destinés à hâter cette progression, et ce sont en 93 les hommes,
instruments impurs, véhicules d'une idée et d'un devenir historique qui
les dépassent, dont les imperfections retardent l'avènement de ce der
nier âge, dit aussi âge rationnel.
Cet ensemble de réflexions, Lamartine l'a, nous l'avons dit, déjà
communiqué au public, dans le pamphlet Sur la politique rationnelle,
petit livre qui ne rencontra aucun succès, et qui était très probablement
inaccessible, sinon rébarbatif, pour le public populaire que le poète
cherche plus à « élever » qu'à « instruire » dans la perspective de l'iné
vitable révolution à venir, qui, si ses voies sont préparées par une entre
prise pédagogique efficace, réussira. Il faut donc choisir un support plus
adéquat, et pour cette « histoire », un style frappant, facile, attrayant,
tel que l'ensemble du public ait envie de le lire, et en comprenne ais
ément le message politique et moral, et ce d'autant plus que cette volon
té de s'adresser aux masses comporte un autre aspect : le « gros tirage »,
à l'échelle de l'époque, est une condition indispensable à la conclusion
des successifs7 contrats . sans précéden que l'auteur signe avec plusieurs éditeurs La Révolu tion française vue par Lamartine 2 1
Aussi cette « histoire » qui n'en est pas une et dont la désignation
fluctue au gré des circonstances — car si Lamartine mentionne dans sa
correspondance son travail d'historien, il se montre plus réservé ailleurs—
est-elle précédée d'un Avertissement qui explique :
« Ce livre n'a pas les prétentions de l'histoire, il ne doit pas en affecter la
solennité : c'est une œuvre intermédiaire entre l'histoire et les mémoires. Les
événements y tiennent moins de place que les hommes et les idées. Les détails
caractéristiques y abondent. Les détails sont la physionomie des caractères ;
c'est par eux qu'ils se gravent dans l'imagination »8 .
L'intention avouée de l'auteur de YHistoire des Girondins n'est
donc pas tant de faire de l'histoire « historisante » que de produire le
récit heuristique d'événements récents, à des fins réconciliatrices et
œcuméniques : ce qu'il en dit montre assez clairement que ses méthod
es narratives ne sont pas celles de l'histoire, et il exprime la certitude
d'instruire le cœur humain en l'intéressant, et en colorant son « histoi
re » d'anecdotes. Là se trouve le germe des ambiguïtés profondes du
livre : ni histoire, ni roman, au sens strict, et la technique qu'emploie
l'auteur est davantage celle d'un feuilleton que de l'apologue moral
qu'il voulait écrire. Faute d'un choix générique précis, Lamartine se
trouve dans l'incapacité d'expliciter des objectifs politiques pourtant
cruciaux

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