Ironie et tragédie : le « Sardanapale » de Byron. - article ; n°7 ; vol.4, pg 16-31
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Description

Romantisme - Année 1974 - Volume 4 - Numéro 7 - Pages 16-31
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Richard R. Pemberton
Ironie et tragédie : le « Sardanapale » de Byron.
In: Romantisme, 1974, n°7. pp. 16-31.
Citer ce document / Cite this document :
Pemberton Richard R. Ironie et tragédie : le « Sardanapale » de Byron. In: Romantisme, 1974, n°7. pp. 16-31.
doi : 10.3406/roman.1974.4966
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1974_num_4_7_4966RICHARD R. PEMBERTON
Ironie et tragédie : le « Sardanapale » de Byron
I. Prolégomènes
L'absence de tragédie dans la littérature anglaise depuis Otway est essen
tiellement due, selon George Steiner, à l'influence de Rousseau et à sa critique
de la part de responsabilité qu'ont les hommes dans leurs propres souffrances \
La misère et l'injustice du sort humain ne sont pas le résultat d'une « faille
tragique et immuable », mais la conséquence d'une inégalité sociale qui peut
très bien être corrigée. L'origine du mal est dans la société et l'individu n'est
jamais entièrement responsable. La « croyance de Rousseau dans la perfect
ibilité de l'homme 2 » a profondément influencé la conception qu'avaient les
poètes romantiques de la responsabilité humaine et inhibé l'expression de la
vision tragique. Ce raisonnement amène Steiner a affirmer l'incompatibilité
entre romantisme et tragédie dans sa critique du titre de la Junfrau von
Orleans : Eine romantische Tragôdie : « Ceci est, je crois, la première fois que
les termes antithétiques de "romantisme" et "tragédie" ont été placés côte à
côte. Ils ne peuvent en toute honnêteté aller ensemble 3. »
L'objection de Steiner s'appuie sur ce que Morse Peckham appelle une
théorie attributive du romantisme 4, c'est-à-dire l'élaboration d'une théorie par
la recherche et la compilation des caractéristiques de la poésie au cours d'une
période arbitrairement délimitée que nous percevons a priori comme un él
ément unificateur. La meuleure de ces théories, celle de René Wellek, a larg
ement contribué à la conception du mouvement romantique en tant qu'unité.
Dans « Le concept du Romantisme dans l'Histoire littéraire » (1949), il établit
d'abord l'existence des trois principes cardinaux du Romantisme européen 5 :
imagination, nature et symbolisme. En 1962, après examen des publications
ultérieures sur le romantisme, Wellek réaffirme sa position : « Toutes ces
études s'accordent de façon convaincante à voir la portée de l'imagination, du
symbole, du mythe et du concept d'une nature organique et à les concevoir
1. The Death of Tragedy (New York, Knopf, 1961), p. 127 et suiv.
2. Steiner, p. 127.
3.p. 135.
4. a On Romanticism : Introduction », SIR, 9 (1970), p. 217-8.
55. Réimpression de Concepts of Criticism de Wellek (New Haven et Londres, Yale
Univ. Press, 1963), p. 160-1. et tragédie : le « Sardanapale » de Byron 17 Ironie
comme partie intégrante de la grande tentative de réconciliation entre le sujet
et l'objet, le moi et le monde, le conscient et l'inconscient Ceci est le fonde
ment de la pensée des poètes romantiques e. » Nous remarquons alors, dans la
position de Wellek, une légère déviation qui ouvre la voie à une autre méthode
pour définir le romantisme, ce que Peckham appelle une théorie problémat
ique : si le romantisme est conçu comme la conséquence d'une crise dans la
culture européenne, il peut alors être cerné en précisant les problèmes com
muns que ces auteurs ont affrontés. Earl Wasserman s'attache à un problème
en particulier, parmi ceux reconnus par Wellek : « L'héritage radical du début
du xixe siècle, entre autres, fournissait alors une grande quantité de spécul
ations épistémologiques révolutionnaires (Hobbes, Locke, Berkeley, Hume,
Hartley, Kant...) et une tradition littéraire qui aurait dû accorder de l'impor
tance à ces spéculations mais ne Га pas fait. Ce que Wordsworth, Coleridge,
Keats et Shelley ont préféré approfondir, et ceci à un degré sans précédent
dans la littérature anglaise, est un problème qui se répète de façon obsédante leur culture littéraire : Comment réunir sujet et objet en une relation
valable ? Comment arriver à une conscience cohérente du monde 7 ? La dualité
du problème posé par la relation sujet-objet peut nous fournir un moyen utile
de définir les diverses attitudes romantiques envers le monde extérieur. Elle
peut aussi nous faire entrevoir pourquoi, malgré Steiner, Lord Byron a pu être
à la fois poète romantique et auteur tragique.
Trois ouvrages, plus récents que ceux mentionnés ci-dessus, ont repris le
problème du dualisme et insisté sur son importance en tant qu'élément cul
turel de base pour la période s'étendant de la fin du xvnr9 siècle au début du
xix*. Ce sont * : Les Principes de la tragédie de Geoffrey Brereton, Le Domaine
de l'ironie de D.C. Muecke et Des Ecueils de la pensée dialectique, illustré
par des textes et des critiques de Blake, de Peter Thorslev 8. Un bref résumé
des passages qui, dans chacun de ces ouvrages, traitent cette idée, nous aidera
à éclaircir ce problème culturel.
Brereton définit son livre comme « une étude rationnelle du concept tragique
dans la vie et dans la littérature ». Nous pouvons utiliser cette définition de
la tragédie comme point de référence commun : « Une tragédie est un désastre
décisif et impressionnant dû à une défaillance imprévue concernant des per
sonnages qui inspirent le respect et suscitent la compassion. Elle implique
souvent un retournement ironique de la situation et laisse généralement une
forte impression de gâchis. Elle est toujours accompagnée de souffrances et
de détresse émotionnelle 9. » Du point de vue historique, la période roman-
* N. du T. : Geoffrey Brereton's, Principles of Tragedy ; D.C. Muecke's, The Compass
of Irony; Peter Thorslev's, Some Dangers of Dialectic Thinking, with Illustrations from
Blake and His Critics.
6. Wellek, Concepts of Criticism, p. 221.
7. a The English Romantics : The Grounds of Knowledge », réimpression chez Robert
F. Gleckner et Gerald E. Enscoe, Romanticism : Points of Viet), 2e éd. (Englewood Cliffs,
Prentice-Hall, 1970), p. 335.
8. Principles of Tragedy (Coral Gables, Univ. of Miami Press, 1968) ; The Compass
of Irony (Londres, Methuen, 1969) ; « Some Dangers of Dialectic Thinking », dans
Romantic and Victorian : Studies in Memory of WiUiam H. Marshall, éd. W. Paul Elledge
et Richard L. Hoffman (Rutherford, Farleigh Dickinson, 1971), p. 43-74.
9. Brereton, p. 20.
2 Richard R. Pemberton 18
tique est un tournant important pour le concept de la tragédie. C'est à ce
moment-là que, selon Brereton, est née la conscience du tragique de l'existence.
S'aidant de Del sentimiento tragico de la vida en los hombres y en los pue
blos (1913) de Miguel de Unamuno, Brereton définit la vision tragique comme
la perception par le personnage tragique de « Deux Mondes » entre lesquels
il est partagé et le conflit insoluble qui en résulte 10. De façon plus spécifique,
il tire de l'œuvre de Unamuno les éléments d'une définition de la conception
tragique du monde : elle est une « conscience aiguë (1) du gouffre infranchis
sable qui sépare le désir de sa réalisation et (2) du conflit entre l'ordre réel,
tangible, du monde et un ordre idéal qui lui est préféré " ». A travers l'analyse
d'oeuvres telles que Œdipus Tyrannus, Hamlet, Macbeth, Phèdre, Brereton
découvre que la conscience tragique, comme élément central du concept de
tragédie, n'apparaît pas avant le xix6 siècle ; il considère cette conscience d'un
dualisme au cœur de l'existence comme un phénomène relativement moderne.
C'est du xix6 siècle que nous vient cet intérêt pour la « vision tragique » et
non de la lecture des tragédies de la période classique ou de la Renaissance.
(Remarquons ici que la définition donnée par Murray Krieger de la vision tr
agique s'est élaborée, comme il le dit lui-même, de façon empirique, à partir de
la lecture de romans postérieurs à l'époque de Melville 12.) Il cite la conver
gence, pendant la Renaissance,

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