Jean Cocteau et Paris 1920 - article ; n°3 ; vol.22, pg 495-513
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 3 - Pages 495-513
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 30
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

André Fermigier
Jean Cocteau et Paris 1920
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 3, 1967. pp. 495-513.
Citer ce document / Cite this document :
Fermigier André. Jean Cocteau et Paris 1920. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 3, 1967. pp. 495-
513.
doi : 10.3406/ahess.1967.421546
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_3_421546Jean Cocteau et Paris 1920
L'histoire de Jean Cocteau, critique d'art, est un peu celle de ses
rencontres avec Erik Satie et Picasso. Rencontres qu'il sut provoquer
et, rapprochant des milieux jusque-là ignorés les uns des autres ou
réputés inconciliables, organiser ; dont les principaux résultats furent
le ballet de Parade monté par Serge de Diaghilev à Rome et présenté
à Paris en mai 1917, le Coq et l'Arlequin (Notes autour de la musique)
publié en 1918, en 1919 quelques articles parus dans Paris- Midi (Carte
Blanche), en 1920 une éphémère et charmante petite revue (Le Coq),
un ensemble de textes critiques, dont le plus important est un Picasso
(1923), que Cocteau rassembla en 1926 sous le titre significatif de
Rappel à Vordre. Tous ces essais, si disparates, elliptiques ou pointus
qu'ils puissent aujourd'hui paraître, représentent peut-être ce que
l'après-guerre nous a laissé heureusement ou malheureusement de plus
significatif dans le domaine critique. Non que celui qui les rédigea fût
un grand créateur, mais, remarquable témoin, exceptionnellement
doué en ce qui concerne l'œil, l'oreille et plus encore l'écho et le babil,
il sut presque convaincre ses amis et ses contemporains que, renvoyant
dos à dos les pâmoisons impressionnistes, l'orientalisme « fauve » et
passéiste du Sacre, l'austérité démocratique et terroriste du cubisme
de 1914, il allait créer pour eux les conditions d'une esthétique d'après-
guerre et victoire, nouvelle mais raisonnable, moderne mais sans moder
nisme traumatisant ou sottement révolutionnaire, parisienne en tout
cas, rapide, et essentiellement française. Couperin, en somme, et sur
tout sous la forme d'Auric, valait bien Schônberg, et comme disait un
peu plus tard Paul Morand {Éloge de la vitesse, 1929) : « Aimons la
vitesse qui est le merveilleux moderne mais vérifions toujours nos
freins. » Excellente définition de l'après-guerre, qui est toute à la
machine, au rag-time, à Ingres et au bal musette. Le malheur est que
les freins craquèrent (le surréalisme, Picasso 1925) et le dernier essai
critique d'importance qu'ait écrit Cocteau {Le mystère laie, 1928) est
consacré à Giorgio de Chirico au moment où celui-ci, abandonnant le
boulevard du Crime avec les délices de l'orthopédie, peint déjà des
chevaux au bord de la mer et entreprend de faire pour le strict usage
495 ANNALES
des collectionneurs italiens une carrière comparable à celle du Derain
néo-classique et « grand peintre de tradition française » accouché par
Paul Guillaume. C'est au Boulevard au sens le plus parisien du terme
que va se consacrer désormais pour assez longtemps Cocteau, et Le myst
ère laïc représente avec le film Le sang d'un 'poète (1931) à peu près sa
dernière tentative dans le domaine de l'avant-garde.
Mais prenons les choses à leur début : 1915. Cocteau a vingt-six ans.
Mobilisé dans les ambulances, il collabore à une revue que dirige Paul
Iribe : Le Mot, où il fait preuve d'un patriotisme digne et compré-
hensif. Le fameux « Coq », dont nous aurons à reparler par la suite,
apparaît pour la première fois sous sa plume dans le n° 5 de la revue
(janvier 1915) à l'occasion d'un poème que Cocteau adresse à « Fré
déric-Guillaume, kronprinz d'Allemagne, colonel des hussards de la
mort » :
« Monseigneur, vers mil neuf cent seize,
Appareille un nouveau destin ;
Écoutez notre chanson française,
Comme coq du matin. »
II est encore question de coqs dans un texte adressé peu après à
Maurice Barrés (n° 8) et dans le n° 12 (février 1915), Cocteau trace un
parallèle, déjà révélateur des ambitions esthétiques qu'il nourrit, entre
Stravinsky et Schônberg, « deux figures, qui parmi les musiciens se
haussent ». Mais si « le froid lucide aide Stravinsky à se délivrer d'une
poésie orientale », Schônberg « s'entête dans la glu allemande, se veut
d'avant-garde, se cogne contre les vieilles notes, s'en veut d'aimer
Tristan et Yseult, compose à la machine », etc.
Si l'on en juge par les premiers essais poétiques de Cocteau (Le
Prince frivole, la Danse de Sophocle) qu'il eut d'ailleurs la sagesse de
renier très rapidement, son premier maître semble avoir été Maurice
Rostand. A l'influence de ce dernier succède celle d'un des hommes
les plus merveilleusement ouverts, perspicaces et artistiquement épi
curiens de l'époque : Jacques Emile Blanche (avec à l'horizon la pré
sence vaguement tutélaire et prudemment charmée de Gide *, sous
« l'œil » duquel Cocteau dit avoir « terminé le Potomak 2 »). J. E.
Blanche n'eut sans doute pas grand peine à faire partager à Cocteau
son enthousiasme pour les Ballets russes 3, enthousiasme d'autant
1. Les rapports, si curieux, entre les deux hommes peuvent être étudiés à
travers leur correspondance, conservée à la Bibliothèque Jacques Doucet.
2. La Difficulté d'être, p. 81, Éditions Pion, « 10-18 ».
3. Cocteau composa pour Diaghilew l'argument d'un ballet, le Dieu Bleu, qui fut
créé au théâtre des Champs-Elysées en juin 1912. L'action se déroulait quelque part
« dans l'Inde fabuleuse » et mettait en scène au milieu d'un invraisemblable bric-à-
brac oriental, en dehors du Dieu Bleu, une Déesse du Lotus, des prêtres, « yoghis à
496 COCTEAU ET PARIS 1920
plus militant qu'en 1913 le public parisien se fâche et chahute le Stra
vinsky du Sacre du printemps x. Cocteau assiste à la première du Sacre 2,
dans lequel il voit, ou verra, une œuvre « encore fauve, une œuvre
fauve organisée », devant laquelle « Gauguin et Matisse » s'inclinent. Il
constate que le public qui hurle son indignation est un public « mond
ain, décolleté, harnaché de perles, d'aigrettes, de plumes d'autruches »
et qu' « il n'y a pratiquement pas dans la salle de représentants de la pein
ture moderne ». « II convient de noter ici une particularité de notre salle :
l'absence, sauf deux ou trois exceptions, des jeunes peintres et de leurs
maîtres. Absence motivée, je le sus beaucoup après, pour les uns par
leur ignorance de ces pompes où Diaghilev ne les invitait pas, pour les
autres, par le préjugé mondain. Ce blâme du luxe, que Picasso pro
fesse comme un culte, a du mauvais et du bon. Il saute sur ce culte
comme sur un antidote mais peut-être rétrécit-il l'horizon de certains
artistes qui évitent plus le contact du luxe par haine envieuse que par
apostolat. Toujours est-il que Montparnasse ignore le Sacre du prin
temps ; que le Sacre du printemps, joué à l'orchestre aux Concerts Mon-
teux, pâtit de la mauvaise presse gauche des Ballets russes, et que
Picasso entendit du Stravinsky pour la première fois, à Rome, avec
moi, en 1917 ? » 3
Cocteau comprend qu'il existe à Paris une droite et une gauche
artistique, qui s'ignorent ou se méprisent sans raison valable et qu'il
est parfaitement possible de rapprocher. Il s'agit de convertir Diaghilev
à la peinture moderne, les peintres modernes, et Picasso en particulier,
à l'esthétique somptueuse et décorative du ballet. De faire sortir les
cubistes de leur isolement, de les persuader d'abandonner leur folklore
montmartrois et hermétique de pipes, de paquets de tabac, de guitares
et de vieux journaux. De ne pas leur donner l'impression qu'on voulait
les ramener au clinquant facile d'un fauvisme qui a déjà fort mauvaise
réputation 4 et va devenir la peinture « costaud » du Vlaminck des
clochettes, bayaderes, porteuses d'offrandes, musiciennes, esclaves, monstres et
démons ». Quand on pense que Frédéric de Madrazo avait collaboré au livret et que
la musique était de Reynaldo Hahn, on voit assez bien d'o&#

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