Juillet comme banc M essai ou trois réactions et leurs suites - article ; n°28 ; vol.10, pg 257-278
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Description

Romantisme - Année 1980 - Volume 10 - Numéro 28 - Pages 257-278
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M Pierre Barberis
Juillet comme banc M'essai ou trois réactions et leurs suites
In: Romantisme, 1980, n°28-29. pp. 257-278.
Citer ce document / Cite this document :
Barberis Pierre. Juillet comme banc M'essai ou trois réactions et leurs suites. In: Romantisme, 1980, n°28-29. pp. 257-278.
doi : 10.3406/roman.1980.5354
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1980_num_10_28_5354Pierre В ARBÊRIS
Juillet comme banc d'essai
ou trois réactions et leurs suites
Les Trois Journées ; les trois couleurs ;le soleil de Juillet ; la France
aperçue, dit-il, par Michelet ; la Liberté de Delacroix, au sommet d'un
nouveau triangle d'ordres, non de classes (l'ouvrier, le bourgeois, la Li
berté) : 1830 ne peut plus exister et signifier, aujourd'hui, que comme
exemple d'Histoire refroidie, c'est-ànlire ayant été chaude, échauffée,
réchauffée, maintenue idéologiquement au chaud. Evidemment par
quelqu'un. Par qui ? Qui a joué ? Qui continue, à l'occasion, à jouer la
carte Juillet ? Qui y a vu du valablement fondateur ? Qui, à l'occasion,
continue, et pour quoi, et pourquoi ? Juillet, ses trois couleurs et ses
Trois Jours, est l'une des images repères à l'origine de toute la mystifi
cation « démocratique » et « républicaine » du XIXème et du XXème
siècles. Il y a longtemps, pourtant que la colonne de la Bastille ne sert
plus guère que d'élément de décor pour chansonniers. Jean-Louis Bory,
avec son cœur immense, a rendu hommage aux martyrs, à ceux qui se
sont naïvement fait tuer. Mais, au coin de l'Arsenal, Mimi peau-de-
chien, à qui le génie de la Bastille fait les yeux doux que l'on sait, rap
pelle que si la courtisane, avec Balzac est essentiellement monarchique
(ou monarchiste), elle peut être, avec Bruant, parfaitement « patriote »
et « populaire ». Plus exactement : tricolore. Et le cent-sixième qui
passe, bon Dieu quel régiment, c'est sous le drapeau tricolore, sous les
couleurs de Juillet, conservées par les régimes réactionnaires subsé
quents, qu'il ira mourir au nom de l'union sacrée, tous, c'est bien con
nu, ouvriers et bourgeois, égaux devant la caserne comme devant l'école
et devant la légende. Et revoilà Delacroix, dont les fraternités ont
quand même un autre sens que la solitude et le regard du cuirassier
blessé de Géricault. Peinture politique et peinture politique. Plus d'un
démocrate, et plus d'un «marxiste» a déliré sur les barricades de Delacroix,
et il a fallu attendre La Semaine sainte pour que l'on comprenne le sens
du cuirassier et ce regard sur un siècle faux, donné à lire faux. L'Hist
oire, certes, ou plutôt l'HISTOIRE, avance (toujours ?) par le mauvais
côté. Depuis que l'on ne peut plus accepter l'idée d'une Histoire-Evang
ile, Juillet a pris un coup de vieux, et les divers lyrismes auxquels il a
donné naissance. Une fois encore, la littérature, une certaine littérature,
l'avait dit contre les idéologies : ici, Balzac, Stendhal, Chateaubriand,
contre Michelet, contre un certain Hugo (celui de Dicté, non celui de
Ce qu'on entend sur la montagne). Mais comment ? Dans le langage du
journaliste, de l'homme public ? Ou dans le langage du romancier, du
mythurge ? Chateaubriand, lui, n'aura plus le temps ni l'occasion, vra
iment, d'écrire (à moins que Rancéi...) le nouveau R ené qui s'imposait ; 258 Pierre BARBERIS
d'où l'importance de ses textes explicites. Mais Balzac, Stendhal ? Ils
disposaient d'un autre moyen que la prise de position directe et polé
mique : que seraient Juillet, le tricolore et les Trois jours dans la réécri
ture critique du siècle ?
Petite sémio tique du tricolore (1)
Lorsque Chateaubriand, retour de Dieppe, arrive à Paris le 28
juillet, de la barrière du Trocadero il voit le drapeau tricolore flotter
sur Paris et il en juge qu'il ne s'agit pas d'une émeute mais d'une révo
lution. Un an plus tard, Delacroix donnera à ce même drapeau tricolore
la place que l'on sait pour faire guider le Peuple par la Liberté. Plus d'un
roman de second rayon racontera, pendant les mêmes mois, l'émotion
illuminante, libératrice, causée par les trois couleurs sur le pavillon de
l'Horloge ou sur Notre-Dame. Par contre, en août 1831, on chercherait
en vain la moindre trace de tricolore dans La Peau de chagrin : il est vrai
qu'alors, il n'aurait pu flotter que sur une Loi, un Budget et un Palais
Royal parfaitement étrangers à l'imagerie révolutionnaire et patrioti
que, revenus à l'« éternel » de l'exploitation des passions publiques, et,
au numéro 36, c'est un vieillard, figure d'enfer et de continuité, qui est
donné à lire derrière une barricade, et le jeune homme, lui, seul, et qui
était- signifîcativement absent en Juillet, marche à la mort dans un mon
de qui n'a pas changé. Au bout du Pont des Arts (où il faut payer son
droit de passage, et que Raphaël ne passe jamais) le drapeau tricolore
flotte, n'en doutons pas, sur cet Institut qui, concurremment avec le
Louvre, le Palais et Notre Dame, présente au jeune homme qui veut
mourir les diverses figures du Pouvoir. Il est vrai qu'alors, dans le roman,
il fait nuit, et que le tricolore a quand même besoin d'un certain soleil.
A l'autre bout de toute une littérature, le tricolore, avec Juillet,
reparaît, au moins trois fois, et qui méritent d'être relevées.
I — Tout à la fin du siècle républicain, dans Jacquou le Croquant,
le procès de l'incendiaire commence le 29 juillet 1830. Le lendemain on
apprend « la victoire du peuple », ce qui n'empêche pas le procureur de
demander la tête de Jacquou. Puis l'avocat libéral et même un peu répu
blicain Fongrave commence sa plaidoirie. Il affirme que la propriété est
sacrée, qu'elle doit être défendue ; mais lorsque la fortune provient
d'une source impure (ici la rue Quincampois), elle perd toute sa valeur.
Les maîtres de l'Herm sont des bandits, des mauvais propriétaires. Il y
en a donc de bons. Comprenez : ceux qui viennent d'imposer leur loi à
Paris, ceux que menaçait la fameuse troisième ordonnance (exclusion
de la patente du cens électoral). D'où l'envolée attendue, et qui doit
être lue non tant comme texte sur 1830 que comme texte de 1830 :
« Si Ton consulte l'histoire, on voit que jusqu'à la Révolution, qui en fut
comme la synthèse, tous les soulèvements populaires ont été causés par la
tyrannie cruelle des puissants [...] Arrivez au déluge, Maître Fongrave, dit le
Président [...] J'y suis, Monsieur le Président. Ce déluge c'est le flot populaire
1. Ou de son homologue : les Trois Journées. Trois réactions et leurs suites 259
qui, dans ces trois jours de tempête, a submergé le Trône de Charles X, en ce
moment sur le chemin de l'exil [...] Ferrai et ses compagnons ont fait en petit
ce que les Parisiens on fait en grand : à défaut de la loi, messieurs, ils ont
appelé la force au service de la Justice. Acquittez les, Messieurs, la Révolut
ion, triomphante à Paris, ne peut être condamnée ici ! »
Le montage idéologique « républicain », le gommage des réalités
économiques profondes du siècle sont ici patents, l'idéalisme et la myst
ification d'une audace ou d'une naïveté quasiment sans bornes. Heu
reusement qu'avant Jacquou la littérature réaliste...
II - En remontant le temps, dans Dominique, en 1862,M.deBray,
nommé maire de son village par Badinguet après sa retraite, glisse furt
ivement dans sa poche son écharpe tricolore lorsqu'il se rend à la mairie
pour un mariage. Le descendant et le parent d'émigrés, le jeune France
un moment attiré par la démocratie voire le socialisme (?), sert, à sa
manière, l'Ordre, dont pourtant il n'est plus dupe. Mais on retient la
légère clandestinité des trois couleurs et surtout leur continuité. Le
drapeau tricolore, après avoir vaincu le drapeau rouge en juin 1848, et
de plus exploitant les souvenirs du premier Empire, a été conservé par
la dictature ; il est devenu le drapeau d'une nouvelle France bourgeoise,
féroce et surtout désormais sans autre idéal que l'argent. Delacroix
n'avait pas prévu cela, qui donne sinon tout son sens du moins du se

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