L Anthropologue et le politique - article ; n°97 ; vol.26, pg 191-212
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Anthropologue et le politique - article ; n°97 ; vol.26, pg 191-212

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1986 - Volume 26 - Numéro 97 - Pages 191-212
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 19
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marc Abélès
L'Anthropologue et le politique
In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. pp. 191-212.
Citer ce document / Cite this document :
Abélès Marc. L'Anthropologue et le politique. In: L'Homme, 1986, tome 26 n°97-98. pp. 191-212.
doi : 10.3406/hom.1986.368683
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1986_num_26_97_368683Marc Abélés
L'Anthropologue et le politique
le mettre articulent L'auteur l'opposition moderne sociétés Marc centralisme Abélès, en « dans de l'organisation exotiques évidence entre cet une caractéristique L'Anthropologue article centre perspective d'une » a se politique privilégié et part propose périphérie. d'un analogue. les et les conditions d'analyser système administrative le concepts La politique. Il même montre qui de le de démarche reproduit production système — territoire de d'abord l'espace L'anthropologie politique permet à quels et chaque et de instaurent ensuite transmisprincipes pouvoir. français niveau des de
sion du pouvoir politique au sein des réseaux locaux, d'autre part les modes
d'articulation entre niveaux politiques locaux et administration étatique.
Porter sur la vie politique et administrative française un regard
d'anthropologue : étrange affaire... Quand j'enquête auprès d'élus locaux,
il n'est pas rare qu'on me fasse répéter : « Vous avez bien dit ethnologue ? »
Suit généralement une plaisanterie, du genre : « Mais on n'est pas des
sauvages ! » L'objection n'est pas dénuée de fondement. S'il est coutumier
pour les ethnologues d'analyser le fonctionnement politique des sociétés
exotiques, il peut paraître aventureux d'utiliser les mêmes méthodes pour
étudier un milieu fort complexe et qui englobe des activités très différen
ciées et cloisonnées. Il faut reconnaître que l'on identifie souvent l'anthro
pologie à un ensemble de procédures qui guident le recueil des données sur
le terrain. Autrement dit, on confond anthropologie et ethnographie. Les
ethnologues eux-mêmes semblent parfois plus pressés d'épiloguer sur les
méthodes de collecte des documents matériels et oraux, alors qu'il importe
aussi — et sans doute davantage — d'envisager la position épistémolo-
gique qui commande ce style de travail. Or il nous faut réfléchir sur les
conditions de possibilité de ce « regard éloigné » qu'évoque C. Lévi-
Strauss (1983) et sur l'efficacité heuristique de l'approche proposée.
C'est pourquoi j'éviterai de traiter la question méthodologique
préalablement à la problématique épistémologique. Il ne sert à rien, à mon
L'Homme 97-98, janv.-juin 1986, XXVI (1-2), pp. 191-212. 192 MARC ABÉLÈS
sens, d'affirmer qu'on peut appliquer les mêmes règles d'enquête aux
banlieues des grandes villes modernes et aux Mélanésiens des îles Tro-
briand, si l'on n'a pas montré que ces techniques d'observation pré
supposent l'existence de principes théoriques d'analyse dont l'application
peut d'ailleurs déterminer les modalités d'usage de ces techniques. Dans
le cas de l'anthropologie politique, cela équivaudrait à une extension
aveugle de l'objet traditionnel propre à cette discipline ; on peut aboutir
dans cette voie à des perspectives plaisantes : ainsi cet ethnologue améric
ain, J. Mclver Weatherford (1981), qui a étudié le Congrès américain
en le considérant comme une tribu primitive avec ses clans, ses « parrains »,
ses « chamanes ». La description ne manque pas de sel, mais la démarche
masque mal son caractère circulaire. En effet on postule au départ que
l'anthropologue se définit comme spécialiste des tribus exotiques. On isole
alors un groupe pour mieux le traiter comme une microsociété. On ne
s'étonnera donc pas au terme de l'entreprise d'obtenir une analogie
frappante entre les pratiques politiciennes des sénateurs américains et
celles des primitifs.
Cette acception de l'anthropologie qui la bornerait à la simple
circonscription, pour des besoins de méthode, d'un univers rigoureusement
clos et incarné dans une réalité empirique homogène, me semble contre
dire le projet essentiel de cette discipline qui vise à saisir des systèmes de
relations sociales. Si l'on se contente d'abstraire un élément du système
politique, sans restituer les liens qu'il entretient avec un ensemble plus
vaste de pratiques, il y a risque qu'on n'obtienne guère plus qu'une image
partielle de la réalité, quelle que soit la richesse des traits ethnographiques.
Les remarques précédentes indiquent que l'anthropologie politique
ne saurait se réduire à jouer les comparses auprès des autres approches
des sciences politiques et administratives et de la sociologie. Le piment
d'une fine ethnographie ne justifie pas à lui seul de recourir au corpus
anthropologique. Mais ce dernier présente certains apports qu'il convient
d'exposer afin de mettre en évidence l'intérêt intrinsèque de ce point de
vue. Laissant de côté la discussion des procédures techniques, je vais
tenter de faire apparaître les caractéristiques théoriques de l'anthro
pologie du politique en replaçant cette démarche dans le contexte plus
général des études consacrées aux systèmes politiques et étatiques dans
nos sociétés. L'examen successif de deux notions familières aux anthro
pologues — territoire et pouvoir — me servira de fil conducteur.
L'approche anthropologique du politique se distingue d'abord par
l'intérêt qu'elle accorde à la question du territoire. On a coutume de retenir L' Anthropologue et le politique 193
de la définition wéberienne de l'État une dimension bien précise qui se
résume en quelques mots : « monopole de la force légitime ». Il est vrai que
Weber lui-même analyse surtout les fondements de la légitimité en
s'interrogeant notamment sur les formes historiques de l'autorité. On ne
saurait cependant oublier que cette dernière s'exerce toujours dans un
espace donné. Cet ancrage territorial de l'organisation politique semble
sous-estimé par les sociologues postérieurs à Weber. Ainsi décrit-on géné
ralement le fonctionnement du système politique dans le contexte plus
restreint de la prise de décision. Le jeu et l'action administrative
occupent le premier plan dans cette perspective qui privilégie les relations
entre acteurs institutionnels sans se préoccuper d'étudier le rapport étroit
et complexe que le politique entretient avec le territoire.
L'anthropologie politique, quant à elle, présente une tradition analy
tique bien différente : si l'on se réfère aux travaux pionniers d'E. E. Evans-
Pritchard (1940 : 4) sur les tribus nuer du Soudan, on notera cette défini
tion des relations politiques comme « relations qui existent, dans les
limites d'un système territorial, entre des groupes de personnes qui
vivent sur des étendues bien définies et sont conscients de leur identité et
de leur exclusivité ». Le système politique nuer est vu comme un ensemble
de relations entre segments territoriaux ; celles-ci constituent un arrange
ment d'un certain type, en l'occurrence une « anarchie ordonnée » dans
cette société acéphale parcourue de mouvements contradictoires de fission
et de fusion lignagère. D'un point de vue méthodologique, cette sensibilité
à l'espace implique une connaissance extrêmement précise du terrain, ce
qui impose une immersion prolongée dans la vie sociale locale.
Il peut sembler paradoxal d'effectuer ce retour à Evans-Pritchard en
évoquant du même coup un contexte exotique qui ne présente aucune
analogie, même lointaine, avec la situation française. L'étude du mouve
ment de décentralisation entamé en 1982 incite pourtant à penser que
l'organisation politique de notre société suppose un ensemble de délimita
tions spatiales. La mise en place de divisions administratives comme le
département ou la commune correspond à la fondation du système poli
tique moderne. On peut montrer en effet d'une part que l'organisation
politique produit une territorialité spécifique, d'autre part

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents