L aoriste (comme narratif) et l aspect perfectif - article ; n°1 ; vol.65, pg 41-56
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L'aoriste (comme narratif) et l'aspect perfectif - article ; n°1 ; vol.65, pg 41-56

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Description

Revue des études slaves - Année 1993 - Volume 65 - Numéro 1 - Pages 41-56
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 254
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Jean Durin
L'aoriste (comme narratif) et l'aspect perfectif
In: Revue des études slaves, Tome 65, fascicule 1, 1993. Communications de la délégation française au XIe
Congrès international des slavistes (Bratislava, septembre 1993). pp. 41-56.
Citer ce document / Cite this document :
Durin Jean. L'aoriste (comme narratif) et l'aspect perfectif. In: Revue des études slaves, Tome 65, fascicule 1, 1993.
Communications de la délégation française au XIe Congrès international des slavistes (Bratislava, septembre 1993). pp. 41-56.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/slave_0080-2557_1993_num_65_1_6101L'AORISTE (COMME NARRATIF)
ET L'ASPECT PERFECTIF
PAR
JEAN DURIN
Si l'on aborde les moyens d'exprimer une action unique, s émelf active, du
point de vue des trois « époques » passé, présent, futur, on voit qu'il n'existe
pas trente-six façons de parler de cette action.
A. — Ou bien elle est exprimée de telle sorte que l'allocutaire l'imagine
(au sens étymologique du terme) en train de se dérouler au moment T0 de
renonciation ; on a affaire à une forme verbale visualisante :
Elle dîne. Ona uzinaet.
Nous appellerons cette forme un imparfait du présent actuel (imperfekt
nastojaščego aktuaľnogo) ; l'action est en cours, elle est « grammaticalement »
encore imparfaite, elle n'a pas encore atteint le degré de perfection que lui
conférera le fait d'avoir atteint son point final.
B. — Ou bien elle est exprimée de telle sorte que l'allocutaire comprend
qu'elle a déjà eu lieu, qu'elle se situe donc dans l'époque passé. Mais le locuteur
peut la traiter de deux façons :
1) Ou bien il la présente comme en train de se dérouler (= d'évoluer
quantitativement du moins au plus) dans le passé, comme participant à titre actif
d'un « tableau du monde » actuel à un moment Tp antérieur à T0. C'est, là aussi,
une forme visualisante :
Elle dînait. Ona užinala.
Nous appellerons cette forme un imparfait du passé actuel (imperfekt prošedš
e go aktuaľnogo).
2) Ou bien il la présente comme révolue, comme ayant entraîné un certain
changement qualitatif dans un « tableau du monde » indexé sur un instant
postérieur à cette action. Et ce changement
a) ou bien a lui-même été remplacé par d'autres changements pour l'entité
envisagée et par rapport au paramètre choisi :
Elle avait dîné. Ona uže užinala/použinala.
b) ou bien perdure au moment T0 de renonciation :
Rev. Étud. slaves, Paris, LXV/1, 1993, p. 41-56. J. DURIN 42
Elle a dîné. Ona uže užinala/použinala.
Nous appellerons la forme à) un parfait du passé actuel (perfekt prošedšego
aktual'nogo) et la forme b) un du présent nastojaščego
aktual'nogo).
Toutes ces formes de parfait sont visualisantes, mais ce qu'elles permettent
de visualiser, ce n'est pas le « tableau du monde » existant au moment où
l'action est en cours, c'est un « tableau du monde » postérieur à cette action. Le
parfait détourne la visualisation de l'action elle-même au profit de ses effets, de
ses retombées, de ses conséquences.
C. — Ou bien elle est exprimée de telle sorte que l'allocutaire comprend
qu'elle va avoir lieu, qu'elle se situe dans l'époque futur, dans tel ou tel
« tableau du monde » futur ou, à l'image de ce que nous avons vu pour les
parfaits, avant tel ou tel « tableau du monde » futur pris pour référence, pour
repère.
a) Action unique se déroulant dans le futur.
Elle dînera, elle sera en train de dîner. Ona budet užinať.
Nous appellerons cette forme un imparfait du futur actuel (imperfekt
buduščego aktual'nogo).
b) Action unique révolue par rapport à un instant Tf de référence situé dans
le futur et sur lequel est indexé un certain « tableau du monde », de référence
également :
Elle aura dîné. Ona uže použinaet.
Nous appellerons cette forme un parfait du futur actuel (perfekt buduščego
aktual'nogo).
Imparfaits et parfaits sont des formes verbales de la description, du
statisme. Elles permettent de décrire de façon actuelle (par le moyen de tel ou tel
actus, ou action unique, singulière) des « tableaux du monde » dans le passé,
dans le présent ou dans le futur, soit à travers des actions qui y sont en cours, qui
s'y déroulent, soit à travers des actions qui, bien que révolues à l'instant
considéré, ont laissé des traces dans le « tableau du monde » envisagé, traces
soit concrètes, soit simplement mnémoniques (mais qui dit « traces mnémon
iques » veut de toute façon dire « traces concrètes » : même si la neurophys
iologie n'a pas encore élucidé tous les mystères de la mémoire, on ne peut
guère supposer qu'un souvenir naisse de rien, ne soit supporté par rien).
*
* *
On peut aligner à l'infini des énoncés sémelfactifs à l'imparfait et au
parfait (dans le sens que nous avons dit), jamais on n'obtiendra une narration.
On n'aura que la description d'un ou plusieurs « états du monde ». Pour qu'une
narration possède vraiment cette dynamique qui la caractérise, il faut bien
qu'interviennent des formes verbales capables ďinhiber la visualisation des
actions dont elles rendent compte. C'est la définition que nous donnerons de
Y aoriste (ou narratif) : un inhibiteur de visualisation. Il n'est pas étonnant de AORISTE ET ASPECT PERFECTIF 43
constater que l'aoriste s'exprime souvent au moyen de la racine verbale nue,
réduite parfois à une onomatopée.
Le chiot jouait (imparfait du passé actuel) sur une planche placée
au-dessus du ruisseau. Tout à coup, plouf! (aoriste) dans l'eau.
Kotënok igral na polu и moix nog, i vdrug šasť na kuxnju !
L'allemand suscite parfois une grande perplexité chez les linguistes qui en
étudient le système verbal tel qu'il existe concrètement dans les différentes
régions germanophones. Il nous semble que la cause de cette perplexité est
surtout l'absence de frontières entre les formes verbales qui expriment l'imparf
ait, celles qui expriment le parfait et celles qui expriment l'aoriste. Révélateur
est le rôle que joue dans cette langue l'indicateur temporel plotzlich (aufein-
mal) ; c'est lui qui sert de catalyseur pour l'effet ^inhibition de la visualisation.
Quand on trouve en français des imparfaits du présent actuel mis à la suite
les uns des autres, on a la description synchrone de l'état du monde à l'instant
Te de renonciation (énoncés du « guetteur » ou du « voyeur ») :
Elle commence le dîner avec du melon... Elle prend du jambon avec de
la salade... Maintenant qu'elle a expédié jambon et salade, elle
termine avec un yaourt...
Mais il peut s'agir aussi de la convention du « récit au présent », avec ce que
nous avons appelé une « réactualisation cursive » (Durin 1985) :
Elle commence le dîner avec du melon. Puis elle prend du jambon
avec de la salade. Et maintenant qu'elle a expédié jambon et salade,
elle termine avec un yaourt.
Il n'y a plus ici synchronie. Le « récit au présent » n'occupe pas le même
temps physique que les événements narrés. On peut considérer que le *présent
trouve ici un emploi nouveau, emploi que Weinrich appellerait une métaphore
temporelle (Weinrich 1973 : 200). Par métaphore, une forme ayant habituell
ement pour fonction la simple description devient ainsi un instrument de la
narration. Il faut cependant retenir que le *présent employé métaphoriquement
comme aoriste (ou narratif) conserve quelque chose de son caractère visualisant
originel. Dans une perspective narrative « normale » pour le français (quand
c'est Tê qui sert de repère fixé pour le décompte du temps), les quelques phrases
au *présent données plus haut deviennent
— quand on emploie l'aoriste littéraire du français, c'est-à-dire le *passé
simple :
Elle commença le dîner avec le melon. Puis elle prit du jambon avec
de la salade. Quand elle eut expédié jambon et salade, elle termina
avec un yaourt.
— quand on emploie l'aoriste parlé du français, c'est-à-dire le *passé
composé à valeur de passé simple :
Elle a commencé le d

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