L éducation en Tanzanie : une réforme de plus ou une révolution éducationnelle ? - article ; n°64 ; vol.16, pg 735-756
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L'éducation en Tanzanie : une réforme de plus ou une révolution éducationnelle ? - article ; n°64 ; vol.16, pg 735-756

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Tiers-Monde - Année 1975 - Volume 16 - Numéro 64 - Pages 735-756
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1975
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Arthur Gillette
L'éducation en Tanzanie : une réforme de plus ou une révolution
éducationnelle ?
In: Tiers-Monde. 1975, tome 16 n°64. pp. 735-756.
Citer ce document / Cite this document :
Gillette Arthur. L'éducation en Tanzanie : une réforme de plus ou une révolution éducationnelle ?. In: Tiers-Monde. 1975, tome
16 n°64. pp. 735-756.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1975_num_16_64_2584L'ÉDUCATION EN TANZANIE
une réforme de plus
ou une révolution éducationnelle ?
par Arthur Gillette*
« L'Etat... par ses programmes scolaires, incite la jeunesse à n'envi
sager d'emploi possible qu'au bureau. »
« Les politiques suivies (ainsi que) l'école fabriquent le chômage des
jeunes et la misère des adultes qu'ils deviendront. »
Telles ne sont que deux parmi les nombreuses conclusions d'une
surprenante réunion tenue récemment à Lomé (capitale du Togo). Cette
rencontre, qui traitait du rôle de l'éducation en Afrique noire, critiqua
sévèrement l'immobilisme des gouvernements africains — l'idée du
« changement impossible » et la « crainte des remous » — , qualifia
l'éducation scolaire de « tabou... chasse gardée », et s'acharna tout
particulièrement sur « la faiblesse des imaginations créatrices appli
quées » au problème de « l'impasse scolaire ».
Poursuivant leur logique jusqu'au bout, les participants n'hésitèrent
pas à recommander un moratoire en ce qui concerne l'extension du type
actuel d'enseignement en Afrique : « Changer l'école, et d'abord ne pas
la créer là où elle n'existe pas encore... se poser la question de savoir si
une limitation très stricte de l'ouverture de nouveaux C.E.S. et C.E.G.
ne serait pas une mesure dès maintenant nécessaire... » (i).
* Membre du Centre pour l'Education internationale, à l'Université du Massachusetts,
dont cet article ne reflète pas nécessairement les opinions.
(i) Conférence de home : Enfance, jeunesse, femmes et plans de développement, Bureau régional
de l'Unicef pour l'Afrique de l'Ouest et du Centre, B.P. 4443, Abidjan, 1972. Prix : 9 F.
Revue Tiers Monde, t. XVI, n° 64, octobre-décembre 75 735 ARTHUR GILLETTE
Surprenante, elle l'a été cette rencontre de techniciens africains de
l'éducation qui adressèrent une retentissante mise en garde politique aux
gouvernants : « Changer l'école... ne suffira pas, car l'ensemble du modèle
social offert aux jeunes » est irréaliste et doit subir un changement radical
en même temps que l'enseignement. Autrement dit, il semble que la
révolution éducationnelle doive passer par la révolution tout court.
Réunion d'autant plus surprenante que ceux qui y participaient
n'étaient ni éléments subversifs, ni frondeurs, voire boudeurs, mais de
très officiels fonctionnaires de huit pays africains (dont aucun n'est
connu pour des options progressistes) réunis sous le très officiel patronage
du Fonds des Nations Unies pour l'Enfance (cet Unicef dont on pense
habituellement qu'il fournit plus volontiers du lait en poudre aux régimes
« sûrs » que des arguments aux jeunes cadres partis pour « la longue
marche à travers les institutions »).
Quelque chose s'est donc passé pour que ceux-là mêmes qui créèrent
l'abcès (ou qui en tout cas n'en inhibèrent pas la création) cherchent
maintenant à le crever. L'inadéquation de l'éducation africaine était
devenue, en effet, trop flagrante ces dernières années pour que l'on puisse
continuer à la taire en haut Heu.
Au cours de la décennie écoulée depuis l'accession des pays africains
à l'indépendance formelle, des efforts ont bien sûr été déployés, mais dans
l'ensemble d'une façon trop fragmentaire, ou sans conviction, ou encore
sans imagination. D'après des statistiques de l'Unesco, entre un tiers et
un quart seulement de la population scolarisable en Afrique noire au
premier degré était effectivement inscrit en 1970 (1). Les chiffres par pays
concernant les abandons scolaires parmi les enfants entrés à l'école
primaire vers i960 s'échelonnent entre 26,2 % et 81,3 % des inscrits.
En 1968, il y avait un maître d'école pour 40 élèves en Afrique noire
(contre un pour 25 en Europe et un 26 en Amérique du Nord).
Enfin, en 1 970, l'on comptait 1 9 millions d'analphabètes adultes de plus
qu'en i960.
S 'ajoutant aux inadaptations qualitatives (dont la réunion de Lomé
n'a énuméré qu'une partie), ces données quantitatives expliquent le
désarroi qui se fait sentir chaque jour un peu plus chez les éducateurs
africains et au sein des instances internationales chargées de leur venir
(1) Voir D. Najman, Education en Afrique — Que faire ? Paris, Editions Deux Mille, 1972. L'ÉDUCATION EN TANZANIE
en aide. Elles posent aussi la troublante question de savoir dans quelle
mesure les dirigeants du continent noir sont réellement disposés à agir
en conséquence de cette nouvelle prise de conscience de l'inadéquation
des systèmes éducatifs.
Les congressistes de Lomé n'avaient-ils pas justement pris à leur
compte les affirmations de ceux qui contestent le pouvoir, à savoir que le
processus d'adéquation éducationnelle ne pourra se réaliser qu'en tandem
avec une profonde restructuration et réorientation aux niveaux écono
mique, social et... politique ?
Cette volonté de changement (condition nécessaire — si non suff
isante — d'un renouveau véritable de l'éducation en Afrique) n'existerait-
elle donc que dans le maquis des pays encore sous régime colonial
iste et raciste, ou dans des cafés parisiens où se réunissent les étudiants
africains ?
Dans un pays au moins on cherche à mettre en œuvre un modèle de
rechange du développement africain, qui comprend une éducation rad
icalement différente. Il s'agit de la Tanzanie : 12 millions et demi d'habi
tants, sous domination allemande puis britannique, indépendante
depuis 1961; capitale : Dar es-Salaam; caractéristique principale : une
action résolue en vue de ce que le Groupe de Travail Tiers Monde à
Zurich appelle « l'autre développement ». L'ignorance des francophones
en ce qui concerne ce pays est due sans doute en partie à son excentricité
géographique (il est situé en Afrique du Sud-Est face à Madagascar)
et au fait qu'on y parle l'anglais (qui est progressivement remplacé par
le Kiswahili), mais aussi au peu de décorum avec lequel travaillent ses
dirigeants (en brousse, les manches retroussées, plutôt que dans des
bureaux climatisés en ville).
L'importance que les Tanzaniens accordent à l'éducation se reflète
dans le surnom qu'ils ont donné à Julius Nyerere, l'instituteur devenu
Président de la République : Mwalimu (« sage » ou « professeur »).
Précisions : les Tanzaniens ne prétendent pas avoir trouvé la solution.
Mais leur self reliant socialism (socialisme basé sur « l'autodépendance », sur
leur propre effort) constitue une recherche active et — à mon sens —
positive, avec assez d'idéologie pour lui donner une colonne vertébrale
et assez de pragmatisme pour ne pas se pétrifier. Cette recherche puise
une bonne partie de sa force dans sa propre capacité de franche auto
critique; elle contraste donc nettement avec la suffisance creuse que Ton
rencontre trop souvent de nos jours dans les ministères africains.
737
T. M. 64 26 ARTHUR GILLETTE
En quoi consiste la particularité des efforts tanzaniens en vue d'un
renouveau éducationnel ? Et quels sont les obstacles auxquels ils se
trouvent confrontés ? Pour répondre à ces deux questions, examinons
tour à tour certains problèmes clefs et la réponse qu'ils trouvent en
Tanzanie dans les domaines critiques suivants : les objectifs de l'éducation,
son expansion quantitative, son amélioration qualitative, et les ressources
humaines et matérielles que l'on met à sa disposition, ainsi que la façon
dont celles-ci sont organisées.
I. — Les objectifs : savoir où l'on va et pourquoi
II est évident que l'existence d'objectifs nouveaux ne saurait garantir,
à elle seule,

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