L ethnique et le local dans les luttes politiques contemporaines en Afrique australe - article ; n°141 ; vol.36, pg 103-127
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L'ethnique et le local dans les luttes politiques contemporaines en Afrique australe - article ; n°141 ; vol.36, pg 103-127

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Tiers-Monde - Année 1995 - Volume 36 - Numéro 141 - Pages 103-127
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Claude Fritz
L'ethnique et le local dans les luttes politiques contemporaines
en Afrique australe
In: Tiers-Monde. 1995, tome 36 n°141. pp. 103-127.
Citer ce document / Cite this document :
Fritz Jean-Claude. L'ethnique et le local dans les luttes politiques contemporaines en Afrique australe. In: Tiers-Monde. 1995,
tome 36 n°141. pp. 103-127.
doi : 10.3406/tiers.1995.4947
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1995_num_36_141_4947— LES REFERENCES IDENTITAIRES II
FRACTURES ET MANIPULATIONS
L'ETHNIQUE ET LE LOCAL
DANS LES LUTTES POLITIQUES
CONTEMPORAINES
EN AFRIQUE AUSTRALE1
par Jean-Claude Fritz*
Dans une période de forte contestation de PEtat-Nation où l'accent est mis
sur le rôle politique des sous-groupes2, l'Afrique australe offre un terrain de
réflexion particulièrement intéressant dans la mesure où les dimensions ethniques
et locales de la politique ont été depuis longtemps délibérément mises en scène par
le régime d'apartheid, obligeant ses opposants à les intégrer dans leur stratégies.
Si l'on considère l'Afrique du Sud, bien sûr, mais aussi la Namibie qu'elle a occu
pée, et de manière indirecte le Zimbabwe (ex-Rhodésie) qu'elle a influencé, on
observe que ces pays présentent un certain nombre de caractères communs, avec
toutefois des différences importantes dans leur évolution récente. Une réflexion
comparative serait féconde mais dépasserait notre propos, lequel se bornera à uti
liser des références à la Namibie et au Zimbabwe pour mieux situer la spécificité
de la situation sud-africaine, objet principal de notre analyse.
Cependant, il paraît indispensable de préciser préalablement en quelques
mots la signification qu'on retiendra ici de « l'ethnique » et du « local ».
L'ethnie est un groupe dont le fondement est historique et culturel ; la réfé
rence ethnique est un des éléments d'identité sociale, entraînant des sentiments
d'appartenance et d'identification d'une personne avec un certain groupe, en
même temps que des sentiments de différenciation vis-à-vis d'autres groupes.
Mais le groupe ethnique a des caractères qui sont variables dans l'espace, dans le
temps et dans les représentations qui en sont faites ; ses frontières sont de
* Professeur de sciences politiques, Université de Bourgogne (Dijon), CERPO.
1. Cette étude a bénéficié du soutien de l'iFRA-Harare sous forme d'une mission en Namibie en
août 1994.
2. Rosenau(1993).
Revue Tiers Monde, t. XXXVI, n° 141, janvier-mars 1995 104 Jean-Claude Fritz
nombreux cas non seulement variables dans l'histoire mais encore incertaines à
une époque déterminée. C'est aussi seulement un élément d'identité parmi d'aut
res, dont l'importance est très variable. Enfin, dans le contexte de l'Afrique aus
trale, cet élément fait l'objet d'une manipulation particulièrement forte par le pou
voir qui l'a figé arbitrairement dans un Code juridique créateur d'inégalités et de
conflits, en complément du cadre « social » de l'apartheid : il y a un processus déli
béré de politisation de l'ethnie et d'ethnicisation de la politique1.
Si « l'ethnique » renvoie à la population, le « local » renvoie d'abord au terri
toire. Le « local », c'est une unité territoriale de dimensions variables qui sert de
cadre à l'action aussi bien de l'administration que de ses habitants : dans ce sens,
on parlera principalement des districts, des villes et des villages, mais parfois de
manière plus large de régions, sans oublier que le local n'est lui aussi qu'un cadre
et que le lieu effectif de l'action est parfois plus délimité, par exemple l'usine ou
l'école. Or, en Afrique australe, et particulièrement en Afrique du Sud, ces deux
dimensions entretiennent des rapports particuliers pleins d'ambivalence et de
contradictions. En effet, ils reflètent une démarche apparemment paradoxale : la
« séparation » des populations et des territoires est d'abord l'instrument d'un Etat
autoritaire de caractère particulier, héritier direct du système colonial (§ 1) ; mais
cette fragmentation délibérée a entraîné des contradictions importantes au niveau
de l'identité sociale, entre la référence ethnique et la référence locale, ainsi que des
effets non anticipés par le pouvoir (§ 2). A partir de cette situation, diverses straté
gies s'affrontent pour redéfinir les acteurs du jeu politique de demain, à partir d'un
cadre institutionnel qui fait l'objet de vives discussions (§ 3).
1. LA SÉGRÉGATION COMME INSTRUMENT D'UN ÉTAT AUTORITAIRE :
« L'AUTONOMIE » IMPOSÉE
Les dirigeants sud-africains au pouvoir après la victoire électorale du Parti
national en 1948 ont adopté une politique de ségrégation, l'apartheid, ou, sui
vant leur conception officielle, le développement séparé. Pour eux, l'Afrique
1 . Pour le débat sur les définitions de l'ethnie, voir en particulier Amselle, M'Boloko (1985), Chrétien,
Prunier (1989), Balibar, Wallerstein (1988), et pour l'Afrique australe Vail (1988), Ranger (1985) sur le Zim
babwe, Van Diepen (1988) et surtout Boonzaier, Sharp (1988) et Mare (1993) pour l'Afrique du Sud. A titre
comparatif, outre les travaux sur l'Afrique francophone, il faut signaler les nombreuses recherches faites sur
l'Afrique orientale et en particulier le Kenya montrant la création des ethnies Mijikenda, Kalenjin, Luhya et
les transformations d'identités chez les Maasai et leurs voisins : parmi les plus récentes, citons Little (1992)
sur les Il-Chamus montrant l'influence Kalenjin sur ce groupe rattaché à l'ensemble Maasai et surtout Spear,
Waller (1993). Dans le débat entre « primordialistes » et « instrumentalistes » concernant l'ethnie, nous nous
situons comme Spear plutôt dans le deuxième groupe, avec quelques nuances. En Afrique du Sud, deux
contributions récentes ont remarquablement bien montré le processus de création coloniale de l'ethnie (Harr
ies dans Vail, 1988), et l'identification éclatée à l'intérieur du même groupe selon les sexes (D. Webster dans
Spiegel, Mac Allister (1991) montrant la tendance dans le Thongaland des hommes travailleurs migrants à
s'identifier aux Zoulous et des femmes à conserver une identité Thonga leur conférant une liberté plus
grande). Voir aussi les réflexions sur l'identité « indigène » dans des zones variées de l'ouvrage de Wilmsen
(1989). L'ethnique et le local en Afrique australe 105
du Sud est une « société de minorités » et chacune a ses caractéristiques pro
pres qui doivent servir de base à son évolution. Cet argument mis en avant
dans la période contemporaine dissimule une autre préoccupation : maintenir
la domination de la minorité blanche sur l'Etat qu'elle habite. La fragmentat
ion du pays était le prix à payer pour acheter « à l'homme blanc sa liberté et
le droit de maintenir sa domination sur ce qui est son pays » comme le disait
lucidement le Dr Verwoerd1, premier ministre. A la division de la population,
encore renforcée, allait s'ajouter une division du territoire, dans la perspective
d'obtenir un ordre réconciliant l'exploitation et l'exclusion de la majorité de la
population du pays.
La division de la population en catégories sociales et ethniques
Les lois de 1950 sur la classification de la population et la ségrégation spat
iale cristallisaient une politique amorcée dès l'Indépendance de l'Afrique du
Sud et poursuivie dans l'entre-deux-guerres2. Si l'aspect le plus visible et le plus
spectaculaire est bien l'accent mis sur la race, il ne faut pourtant pas oublier
que, en particulier dans les faubourgs noirs des grandes villes, dès 1954, un
effort fut fait pour séparer les groupes ethniques considérés comme composant
la population africaine : il était d'autant plus nécessaire que les études faites
montrent que la tendance à la ségrégation spontanée était moins prononcée
chez eux qu'entre les Afrikaners et les Anglais (chez les Blancs), pourtant censés
constituer un groupe unique3. Des administrations séparées furent mises en
place pour s'occuper des affaires « propres » des différentes ethnies, en particu

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