L ethnographie de la communication a-t-elle un sens pour les linguistes - article ; n°1 ; vol.5, pg 45-52
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Description

Langage et société - Année 1978 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 45-52
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 36
Langue Français

Extrait

Jacqueline Lindenfeld
L'ethnographie de la communication a-t-elle un sens pour les
linguistes
In: Langage et société, n°5, 1978. Septembre 1978. pp. 45-52.
Citer ce document / Cite this document :
Lindenfeld Jacqueline. L'ethnographie de la communication a-t-elle un sens pour les linguistes. In: Langage et société, n°5,
1978. Septembre 1978. pp. 45-52.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1978_num_5_1_1080L'ETHNOGRAPHIE DE LA COMMUNICATION
A-T-ELLE UN SENS POUR LES LINGUISTES?
Jacqueline LINDENFELD
California State University, Northridge
Qu'est-ce que l'ethnographie de la communication? Elle se présente
au premier abord comme un hybride entre plusieurs domaines scientifiques
aux liens très complexes, en particulier l'ethnologie, la linguistique et
la sociologie. C'est ce qui fait parfois dire que l'ethnographie de la
communication manque d'unité et de cohérence. Le présent article voudrait
démontrer que, loin d'être un trait négatif, ce caractère hybride constitue
une source de richesse inépuisable puisque l'on peut se permettre, en tant
qu'ethnographe de la communication, d'emprunter à diverses disciplines des
méthodes et des concepts fort variés. Il s'agit également ici de montrer,
en réponse à certaines critiques, que la démarche essentiellement empi
rique de l'ethnographe de la communication n'exclut pas la rigueur scienti
fique à laquelle nous a habitués 1 a linguistique.
Prenons pour point de départ quelques réflexions sur ce que l'on
appelle parfois la 'sociologie du langage', qui est une partie essentielle
de l'ethnographie de la communication. Dans un article intitulé "Socio-
linguistique ou Sociologie du Langage?" (J. Boutet, P. Fiala et J. Simonin-
Grumbach, 1976), les auteurs distinguent soigneusement ces deux domaines
voisins :
"Par sociologie du langage nous voulons donc dire qu'il ne s'agit
plus de séparer-rapprocher deux domaines, mais bien de voir comment
le langagier est constitutif - à la fois enjeu et agent - d'une formation
sociale. (...) La tâche que nous assignons à la sociologie du langage
est donc de décrire la formation langagière dans une formation sociale
donnée, c'est-à-dire un ensemble de pratiques langagières liées entre
elles par des rapports de domination, donc contradictoires." - - 46
C'est là une conception de l'étude de la langue qui va encore plus loin
que la sociolinguistique corrélationniste dans l'exploration de ce que
certains linguistes appellent "1 'extra- linguistique", qui n'est autre que
le contexte pragmatique de la langue. Elle entraîne nécessairement une
remise en question de la démarche linguistique, d'autant plus qu'il s'agit
de travailler non pas sur des phrases isolées et parfois artificielles,
mais sur le discours recueilli dan s des situations naturelles.
Pour l'ethnographe de la communication, les faits de langue ne
représentent qu'une petite partie de la somme des comportements verbaux
ou non-verbaux à étudier. Les méthodes d'observation et de description sont
souvent celles de l'ethnologue plutôt qime du linguiste, alors que la
sociolinguistique corrélationniste est toujours restée plus proche de
l'optique linguistique (voir à ce sujet les remarques de S. Branca, 1977, et
<ie J. Lindenfeld, à paraître). L'ethnographie de la communication,
qui part de la réalité socio-culturelle des situations de
peut donc au premier abord paraître quelque peu étrangère à la probléma
tique de la linguistique dont l'objet principal est la structure de la
langue. Mon propos sera ici de démontrer que ce n'est là qu'apparence.
A une époque où de nombreux chercheurs remettent en question les frontières
de la linguistique, il semble qu'il y ait grand profit à tirer de l'ethno
graphie de la communication pour l'étude du contexte pragmatique de la
langue, dont l'importance ne fait plus aucun doute.
Essayons tout d'abord de caractériser brièvement l'ethnographie
de la communication et de la placer dans le contexte de la recherche en
France. D. Hymes , son chef de file aux Etats-Unis, la conçoit comme une
"théorie de l'interaction du langage et des pratiques sociales" (voir
D. Hymes 1972). Il s'agit, au niveau empirique, de partir de situations
de communication ' culturellement signifiantes' pour en décrire soigneu
sement les éléments et leur influence les uns sur les autres. Les données
verbales consistent souvent en conversations spontanées qui font l'objet
d'une analyse microscopique. Au niveau théorique, il s'agit de découvrir
le rôle du langage dans tel ou tel groupe de sujets parlants et de
dresser peu à peu un tableau comparatif des pratiques de communication
dans divers milieux socio-culturels. C'est là une approche encore peu
connue et surtout peu pratiquée en France, les exceptions les plus notoires
étant les travaux de C. Bachmann et de J. Simonin. Elle est par contre en
pleine expansion aux Etats-Unis, comme on pourra le constater en consultant - - 47
par exemple le recueil d'articles présenté par R. Bauman et J. Sherzer
(1974) qui a fait l'objet d'un compte-rendu dans L'Homme (M. P. Ferry, 1976).
Le peu de diffusion qu'a reçu cette recherche en France jusqu'à présent
est d'autant plus surprenant qu'il existe tout un courant fort intéressant
d'ethnolinguistique africaniste (voir en particulier D. Zahan, 1963,
ainsi que G. Calame-Griaule, 1965 et 1977) dont les buts et les méthodes
sont parfois assez proches de ceux des ethnographes de la communication.
D'autre part, il existe en France de nombreux travaux d'analyse du
discours qui, eux aussi, ont certains points communs avec l'ethnographie
de la communication. Comment, dans ce cas, expliquer le silence qui se
fait sur ce domaine dans certains ouvrages généraux qui pourtant ne se font
pas faute de mentionner R. Jakobson à côté de Z. Harris parmi les
précurseurs de l'analyse du discours? Ainsi L. Guespin (1975), après avoir
traité de l'approche distributionnaliste de Z. Harris, passe à l'apport
de E. Benveniste et de R. Jakobson à l'étude du discours par l'inter
médiaire de leurs travaux respectifs sur 1 'énonciation. Or, bien qu'il
évoque également les réflexions de R. Jakobson sur les "pôles" de la
communication et les fonctions du langage, il ne souffle pas mot du
modèle de D. Hymes qui est pourtant le prolongement le plus notoire de
cette trajectoire jakobsonienne aux Etats-Unis.
L'étude beaucoup plus complète de D. Maingueneau (1976) sur l'analyse
du discours nous éclaire quelque peu sur ce silence. Dans le chapitre qu'il
consacre à 1' énonciation, nous trouvons les remarques suivantes :
"II convient ici de faire allusion aux travaux de Jakobson sur les
différentes fonctions du langage, ne serait-ce que parce qu'un tel
modèle a connu une énorme diffusion et présente de fait un intérêt pour
l'analyse du discours, même si son exploitation pose des problèmes
sérieux. (...) Ce modèle très séduisant a été fécond essentiellement
dans le domaine de la poétique (...) Malheureusement un tel modèle
est loin d'être aisément exploitable tant il reste abstrait : comment
penser 1' interrelation de ces multiples fonctions dans un message?
Combien de fonctions peuvent-elles être à l'oeuvre simultanément? Etc.
Cela n'est pas fait pour faciliter l'utilisation d'un modèle qui a
l'immense mérite de chercher à penser le langage dans sa complexité."
Or l'ethnographie de la communication telle que la conçoit D. Hymes n'est
nullement un modèle abstrait; bien au contraire, on pourrait l'accuser
d'empirisme extrême, ce dont ne se font pas faute ceux des chercheurs qui
oublient que nous ne possédons pas encore de données suffisantes sur les
pratiques langagières pour tenter de passer au niveau des "explications"
et des généralisations. D'autre part, la notion confuse de "fonctions du - - 48
langage" qui a fait couler tant d'encre ne figure plus au premier plan
dans l'ethnographie de la communication. Alors que dans ses premiers
écrits sur la question D. Hymes suivait R. Jakobson d'assez près, reprenant
presque telle quelle sa liste d'éléments de la communication et des fonctions
soi-disant correspondantes (voir D. Hymes 19

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