L idéologie de l école en Indochine (1890-1938) - article ; n°133 ; vol.34, pg 169-186
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L'idéologie de l'école en Indochine (1890-1938) - article ; n°133 ; vol.34, pg 169-186

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Tiers-Monde - Année 1993 - Volume 34 - Numéro 133 - Pages 169-186
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Trinh Van Thao
L'idéologie de l'école en Indochine (1890-1938)
In: Tiers-Monde. 1993, tome 34 n°133. pp. 169-186.
Citer ce document / Cite this document :
Van Thao Trinh. L'idéologie de l'école en Indochine (1890-1938). In: Tiers-Monde. 1993, tome 34 n°133. pp. 169-186.
doi : 10.3406/tiers.1993.4832
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1993_num_34_133_4832DE L'ÉCOLE L'IDÉOLOGIE
EN INDOCHINE (1890-1938)
par Trinh Van Thao*
Introduite dans le paysage scolaire vietnamien, et indochinois, comme un
corps étranger dans des pays ayant connu des traditions millénaires, l'Ecole
franco-indigène est condamnée dès ses premiers balbutiements à une désespé
rante course poursuite contre un adversaire d'autant plus insaisissable qu'il se
tient, par la force des choses, dans l'expectative : le système éducatif traditionnel
officiellement enterré (en 1915 au Vietnam) mais plus présent que jamais dans
la société vietnamienne par ses hommes (les lettrés), sa culture et son idéologie.
On comprend que l'action française en matière d'enseignement se déroule dans
un climat de passions exacerbées et sur un fond de crise permanente, tiraillée
entre des lobbies contradictoires aux contours par ailleurs mal définis. Le mé
lange d'arguments, la confusion terminologique, voire l'incompétence des ac
teurs (notamment des administrateurs coloniaux de la première génération) ne
sont pas faits pour faciliter la recherche du compromis relatif au rôle éducatif de
la puissance protectrice.
Le repérage thématique de ce qu'il convient d'appeler, pour simplifier,
l'Idéologie coloniale — définie ici comme système de représentation (d'argu
mentation) mettant en cause la fonction socialisatrice de l'institution scolaire
dans une société dominée — s'inscrit dans une double finalité : saisir la cohé
rence du (ou des) discours avec les conjonctures historiques de sa (ou leur)
formation ; en dévoiler, dans un deuxième temps, l'historicité et la logique in
terne. Il s'appuie, pour ce faire, sur l'analyse d'un corpus constitué de trois
dossiers d'enquête : l'enquête de 1890 du sous-secrétariat d'Etat des Colonies
auprès des fonctionnaires français en Indochine, la correspondance de 1906
entre le gouverneur Klobukowski et le directeur de l'Instruction publique
(H. Gourdon) sur l'état de l'Ecole confucéenne et sa réforme, l'enquête
de 1938 sur l'enfant indochinois auprès des enseignants des quatre « pays »
de l'Indochine française (c'est-à-dire sans le Cambodge) et dont certains tr
avaux et témoignages ont été publiés dans le Bulletin général de l'Instruction
publique des années 1938-19391.
* Université de Provence.
1 . Faute de place, je me contenterai d'en esquisser les grandes lignes dans ma conclusion.
n° 133, Janvier-Mars 1993 Revue Tiers Monde, t. XXXIV, Trinh Van Thao 170
LA THÉMATIQUE DE L'IDÉOLOGIE COLONIALE EN MATIÈRE SCOLAIRE
L'ENQUÊTE DE 1890
Contexte historique de l'enquête de 1890
Selon B. Gaudin1, cette enquête s'inscrit dans la politique du sous-secrétaire
d'Etat des Colonies de l'époque, Eugène Etienne2. Nouveau titulaire d'un mod
este sous-secrétariat dont la création est d'ailleurs fort contestée par le Quai
d'Orsay, ce dernier comptait se servir de l'enseignement pour affermir la pré
sence française dans les colonies et justifier du même coup sa raison d'être en
tant qu'institution.
Mais ces considérations d'opportunité ne sont pas les seules en cause. Le
transfert des pouvoirs des militaires aux civils exige la mise en place d'une poli
tique cohérente en matière d'enseignement. C'est dans ce contexte qu'une Comm
ission a été désignée pour faire le bilan et esquisser les principes organisateurs
d'une politique scolaire en Colonie. Conçu en principe pour l'ensemble des ter
ritoires d'outre-mer, le questionnaire ne s'applique finalement qu'aux fonction
naires indochinois.
Au-delà des péripéties bureaucratiques, ce premier bilan de l'œuvre scolaire de
la France en Indochine se déroule dans une double conjoncture (française et
ultra-marine) marquée par la victoire des républicains modérés : en France avec
la domination sans partage du trio constitué par Gambetta, J. Ferry et J. Grévy
et, en Indochine, celle des partisans convaincus du ferrysme tels que Paul Bert,
Dumoutier... Bref, une conjoncture au cours de laquelle la conquête de l'Esprit
fait une avec la conquête du pouvoir et où l'édification de l'Ecole coloniale n'est
rien d'autre que la continuation de la guerre par d'autres moyens (B. Gaudin, o.c).
Ceci d'autant plus que l'année 1890 fut marquée par des inondations catas
trophiques, que la résistance lettrée connut un net regain dans le Nord. Sous la
direction de Phan Dinh Phung, elle mena, durant l'hiver 1890-1891, des atta
ques coordonnées contre l'armée occupante jusqu'aux portes de Hanoi3.
Investir dans la longue durée, tabler sur la conquête des cœurs par l'ense
ignement alors que L'avenir, l'existence même du Tonkin est en jeu, comme l'a
avoué le général en chef du Corps expéditionnaire, exigent de la part des re
sponsables de la politique indochinoise une rare hardiesse d'esprit ou tout au
1. In Analyse du discours colonial indochinois de 1890, mémoire de maîtrise de Sociologie de
l'Université de Provence (1990).
2. Sur le rôle d'E. Etienne en Indochine, il faut se référer au livre de R. Girardet, L'idée coloniale
en France, La Table Ronde, 1972.
3. C. Fourniau, Annam-Tonkin, 1885-1896. Lettrés et paysans, Paris, L'Harmattan, 1989. De La-
nessan dira de cette époque que « Les derniers mois de l'année 1890 et les premiers de 1891 ont été,
à coup sûr et de l'aveu de tous, le moment où la situation s'est montrée la plus mauvaise et la plus
inquiétante ». Ideologie de l'Ecole en Indochine (1890-1938) 171
moins un bel optimisme qu'il convient de souligner. C'est dans ces conditions
qu'une Commission spéciale est nommée à la demande d'Etienne, et un ques
tionnaire dans lequel il sera demandé aux fonctionnaires coloniaux, d'une part,
quelle est la situation de l'enseignement franco-indigène sur le terrain et, d'autre
part, quelle politique scolaire ils souhaiteraient y voir s'établir, est rédigé.
Bien qu'initialement l'enquête s'adressa à l'ensemble de l'administration et,
en particulier, de l'Instruction publique, elle a en fait écarté les instituteurs vie
tnamiens ainsi que les agents auxiliaires européens. On s'est contenté de faire
parvenir le questionnaire à ceux qui, ayant un poste clé ou un contact profes
sionnel avec la population, seraient à même de donner un « témoignage avisé »,
souligne B. Gaudin qui dresse, à cet effet, l'organigramme de l'administration
coloniale ainsi que les strates qui composent sa hiérarchie tant dans le Nord
(semi-protectorat) que dans le Sud (colonie).
En clair, en Cochinchine, tout le corps enseignant français fut consulté, ainsi
que les directeurs d'établissement et le directeur de l'enseignement de la colonie.
Parmi le personnel administratif non enseignant, deux administrateurs princ
ipaux et les administrateurs d'arrondissement ont été sollicités, compte tenu de
leur rôle de relais du pouvoir central dans la mise en place effective de la poli
tique scolaire. Enfin, le chef du troisième Bureau, le commissaire principal de la
ville de Saigon, le directeur de la Prison centrale ainsi que le responsable au
Trésor complètent cette panoplie des piliers de l'Etat colonial.
Au Tonkin aussi, on interrogea la totalité du personnel enseignant, de même
que les directeurs d'établissement et le responsable du service de l'enseignement
(Dumoutier). Le personnel des Résidences fut aussi consulté. Seuls parmi les Viet
namiens, deux « élus » : un enseignant du 2e degré (eps)*, M. Kieu Cong Thien (un
partisan zélé de la francisation), et surtout Pétrus Truong Vinh Ky dont les avis
nuancés et judicieux sur des questions aussi délicates que les langues de diffusion
culturelle tranchent la plupart du temps avec des jugements à l'emporte-pièce de
la plupart de ses collègues fran

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