L Islam au miroir de son voile - article ; n°1 ; vol.56, pg 111-125
16 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

L'Islam au miroir de son voile - article ; n°1 ; vol.56, pg 111-125

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
16 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 1997 - Volume 56 - Numéro 1 - Pages 111-125
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maria Lafitte
L'Islam au miroir de son voile
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°56, 1997. pp. 111-125.
Citer ce document / Cite this document :
Lafitte Maria. L'Islam au miroir de son voile. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°56, 1997. pp. 111-125.
doi : 10.3406/chris.1997.2009
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_1997_num_56_1_2009ACTUELLES
L'Islam au miroir
de son voile1
Maria Lafîtte
Quel rapport existe-t-il entre le voile des femmes musulmanes ou la
barbe de leur époux d'une part, et l'interdit de l'inceste et le droit des
filiations d'autre part ? Formulée ainsi, la question peut paraître incon
grue. Elle fournit pourtant au sociologue algérien la trame d'une ré
flexion originale qu'il développe tout au long de son Essai sur la nor-
mativité en Islam. Mohammed Benkheira articule sa problématique
autour de l'idée que ritualité et filiation sont les deux modes d'action
d'une religion, la première comme expression d'un discours normatif,
la seconde en tant qu'outil de sa perpétuation. Partant de l'observation
des sociétés musulmanes contemporaines, dans lesquelles il constate
l'envahissement des signes de l'appartenance islamique, il cherche à
préciser leur signification non par le biais de l'étude des motivations
individuelles mais au travers des textes qui fondent le recours à ces
symboles. Autrement dit, il ne prétend nullement mener une enquête
de psychologie sociale mais choisit de privilégier la connaissance an
thropologique de l'islam comme religion du Livre.
Sa démonstration s'appuie sur une étude minutieuse - bien que non
exhaustive - tant des exégèses coraniques et interprétations de la Tradi
tion par les 'ulema médiévaux (appartenant aux quatre écoles juridiques
sunnites - hanafite, malikite, hanbalite, shafi'îte ; l'auteur délaisse vo
lontairement le courant chi'îte), élaborateurs du fiqh - le droit musul
man qui codifie aussi bien la relation du fidèle à Dieu Çibâdât : droit
cultuel) que les relations sociales (mu'âmalâf) - que sur l'analyse des
écrits fondamentalistes contemporains diffusés du Maghreb au Pakist
an. M. Benkheira met en évidence les nuances (voire divergences) et,
Maria Lafîtte est étudiante en thèse de sociologie.
111 plus souvent, les continuités entre les trois niveaux de discours : celui
du Qur'ân, celui de ses interprètes-juristes et celui de ses ré-interprètes
et partisans d'une islamisation totale de la normativité. La prééminence
accordée à la norme écrite par les fondamentalistes donne une légit
imité à ses choix épistémologiques. Sa démarche peut toutefois sembler
déroutante tant elle s'éloigne de la méthode sociologique dont l'auteur
se réclame, s'apparentant davantage à celle de l'islamologue.
Ritualité
Cependant, en reliant l'étude de la religion scripturaire à la compré
hension des sociétés actuelles, et en posant d'emblée le postulat selon
lequel la ritualité (religiosité apparente) constitue le fondement du lien
social, il se démarque du champ traditionnel de l'islamologie. Il veut
étudier la religion en tant que « système normatif parmi d'autres » ;
il cherche avant tout à démontrer l'importance du ritualisme comme
expression de la normativité dont l'enjeu est « l'institution du sujet » -
selon la théorie de P. Legendre dont l'auteur s'inspire largement :
la Loi contribue à instituer le sujet, à le différencier du Tout, à
construire sa subjectivité, exactement comme le rite que Benkheira dé
finit à la fois comme « un moment et une condition de la construction
de l'identité » (p. 18) et comme le milieu dans lequel les individus en
trent en contact et où émerge le lien social. Il serait d'ailleurs illusoire
de vouloir séparer rites - subjectivité - et règles juridiques - normativ
ité : qu'il soit formalisé ou non, le rapport à la Loi est une traduction
du « rapport à l'interdit » par lequel s'opère le processus de subjectiva-
tion : le droit comme le rite permettent au sujet d'accéder à l'identité.
A travers les différentes manifestations de la ritualité (symboles,
gestes) se joue donc le rapport des Musulmans à leur culture, c'est-à-
dire à Dieu et à la cosmogonie. Par l'accomplissement des rites, le
Musulman/la Musulmane veut se conformer à une image idéale, ca
ractérisée par le respect scrupuleux de la norme religieuse : par sa
tenue vestimentaire - le voile - ou son comportement - laisser pous
ser sa barbe, il/elle exprime son désir de soumission à Dieu et final
ement, son « amour de la Loi ». Le hijâb, nous dit l'auteur, c'est « la
Loi devenue habit » : le sujet « se vêtit de la Loi, s'unit à elle, fusionne
avec elle » (p.39). Dans le miroir de la Loi, le Musulman s'institue
comme sujet, mais comme sujet conforme à la fois à l'idée qu'il se fait
de son identité de Musulman et aux attentes de la société - ce que Le
gendre nomme le « Sujet monumental », au point de s'y dissoudre en
tant que sujet individuel.
112 S'interroger sur le sens et la fonction du hijâb - comme étudier la
symbolique de la pilosité - ne constitue en ce sens « qu'un mode d'ac
cès parmi d'autres aux soubassements de la culture islamique » (p. 5).
L'auteur justifie alors son intérêt plus particulier pour ces symboles de
l'appartenance islamique par l'importance qu'ils revêtent aux yeux des
doctrinaires du fondamentalisme depuis la seconde moitié du XIXe
siècle - alors qu'ils semblent dérisoires en regard des grands débats
théologiques qui animèrent les exégètes et penseurs de l'islam clas
sique. Il situe le travail de codification du hijâb par les 'ulema au mo
ment du déclin de l'institution de la claustration des femmes sous l'i
nfluence des mœurs occidentales : le voile (comme l'interdiction de la
mixité) est non seulement conçu comme un instrument visant à instau
rer une nouvelle ségrégation de l'espace public, mais plus encore,
comme un moyen de défense de l'identité islamique face à l'envahisse
ment culturel de l'Occident.
Ainsi, la profusion de ritualité que l'on observe aujourd'hui dans le
monde islamique, instrumentalisée par les fondamentalistes — ce en
quoi ils satisfont une demande du peuple, comme l'auteur le rappelle
justement - répond précisément à la nécessité de se différencier des
non-musulmans dans un contexte géopolitique de division — et donc
d'affaiblissement — de la communauté musulmane. Réglementer l'a
pparence et le comportement permet avant tout d'opposer une unifor
mité - « l'identité islamique » - aux modernistes et à l'Occident qui les
inspirent. En ce sens, barbe et hijâb sont des marqueurs d'identité
confessionnelle.
Si l'opposition entre les deux systèmes de représentation - occident
al et islamique - transparaît plus particulièrement à travers les modes
de « dressage des corps » et de « gestion des mœurs », c'est d'abord
parce que la différenciation, à défaut de s'opérer sur le terrain doctri
nal, domaine dans lequel les prédicateurs sont généralement ignorants
(et dont les arguments seraient de toutes façons peu opératoires face
aux mentalités occidentales sécularisées), est affirmée à travers la visi
bilité de l'appartenance et de la soumission à l'islam. Le critère dis-
tinctif du fondamentalisme est précisément la primauté qu'il accorde à
la religion exotérique au détriment de la spiritualité qu'il méprise : la
foi doit s'exprimer dans les paroles (shahada : témoignage de foi)
comme dans les actes.
L'importance des rites du corps s'explique ensuite en ce que le corps
est un média pour la ritualité (jeûne, prière, ablutions) en même temps
que le lieu où se cristallise le besoin de ritualité : « l'institution du sujet »
nécessite la mobilisation du corps. La sexualité est plus particulièrement
113 en cause dans le processus de construction et de préservatio

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents