La Communauté anthropologique et l idéologie - article ; n°3 ; vol.18, pg 83-110
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Description

L'Homme - Année 1978 - Volume 18 - Numéro 3 - Pages 83-110
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Louis Dumont
La Communauté anthropologique et l'idéologie
In: L'Homme, 1978, tome 18 n°3-4. pp. 83-110.
Citer ce document / Cite this document :
Dumont Louis. La Communauté anthropologique et l'idéologie. In: L'Homme, 1978, tome 18 n°3-4. pp. 83-110.
doi : 10.3406/hom.1978.367881
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1978_num_18_3_367881LA COMMUNAUTÉ ANTHROPOLOGIQUE
ET L'IDÉOLOGIE
par
LOUIS DUMONT
On présente ici des vues générales qu'une série de circonstances a conduit
à préciser et à systématiser quelque peu. Quels que soient les succès, les progrès,
le développement récent de l'anthropologie, sa situation actuelle et son avenir
— particulièrement mais non exclusivement en France — ne laissent pas de
préoccuper, sans doute à des titres divers, nombre d'entre nous. On voudrait que
les réflexions qui suivent, en principe purement théoriques, contribuent à éclairer
cette situation et par là, si possible, à affermir l'unité de la discipline1.
I. — La discipline dans sa relation aux idéologies
Devant un tel problème, il est naturel de se tourner vers le passé, et vers
l'évolution récente de nos études en particulier. Si je pense à la perspective que
je crus pouvoir tirer de Mauss il y a vingt-cinq ans, je puis bien en maintenir
l'inspiration d'ensemble, mais je devrai tempérer mon optimisme quelque peu
i. Ce qui suit a d'abord été exposé dans mon séminaire à l'EHESS puis au Département
d'Anthropologie de l'Université de Chicago. Je remercie les auditeurs pour leurs observations,
souvent fort utiles. Depuis lors, la première partie a été développée, tout en demeurant à
certains égards fort sommaire. On a voulu présenter à la réflexion des anthropologues un prin
cipe suffisamment explicité et quelques indications sur ses conséquences. Hors de l'essentiel,
un langage approximatif a paru sans inconvénient. Ainsi on désigne tout système d'idées et
de valeurs, dans une acception plus stricte ou plus large, comme idéologie, ou à la manière
américaine comme culture, ou même comme société ; on ne distingue pas entre anthropologie
sociale et anthropologie culturelle. Mon intention étant constructive et non polémique, j'ai
supprimé dans la première partie les références sur les aspects controversés, et je ne donne
pas de bibliographie en forme. Je renvoie pour des compléments (individualisme/holisme,
comparaison, etc.) à Homo hierarchicus, Paris, Gallimard, 1966 (cité infra : H. H.), à Homo
aequalis I, Paris, Gallimard, 1977 (cité infra : H.AE. I), et à « On the Comparative Under
standing of Non-Modern Civilizations », Daedalus, Spring 1975 (cité infra : Daed.).
L'Homme, juil.-déc. 1978, XVIII (3-4), pp. 83-110. LOUIS DUMONT 84
juvénile d'alors et corriger l'affirmation d'une continuité sans problème par
rapport à l'idéal des Lumières2. Il y a bel et bien problème, un central
pour nous sur le plan théorique, qui correspond d'ailleurs à un problème majeur
de la civilisation moderne. Il suffira d'approfondir Mauss pour l'apercevoir.
Considérant l'anthropologie des trente dernières années, on peut se réjouir,
en première approximation, de la place croissante accordée dans l'ensemble aux
systèmes d'idées et de valeurs ou idéologies. Le fait suggère immédiatement, à
titre complémentaire, une réflexion sur l'idéologie propre de l'anthropologue au
double sens de celle de sa spécialité et de celle de la société ambiante — j'entends
la société moderne dont nous faisons partie en tant qu'anthropologues, quels
que puissent être par ailleurs notre nationalité, notre lieu ou culture d'origine,
etc. Ce sera mon premier thème.
J'ai dit à l'instant « en première approximation ». En effet, le développement
de l'anthropologie paraît souffrir d'une discontinuité chronique qui porte à se
demander si chaque pas en avant n'est pas accompagné d'un pas en arrière. J'en
donnerai un exemple dans la seconde partie de cet essai, à propos précisément de
l'étude des idéologies. Il semble qu'une impatience fiévreuse nous pousse à brûler
les étapes, à oublier ou à compromettre à bref délai nos acquisitions les plus
précieuses. Ce trait peut venir des États-Unis, où des modes passagères se succèdent
rapidement dans un climat idéologique et institutionnel de concurrence propice
à la surenchère (« Sur Mauss » : 21), mais le fait est fréquent dans la pensée moderne,
peut-être à l'intensité près. Il est vrai qu'on présente quelquefois la succession des
théories prédominantes, du fonctionnalisme au structuralisme et à « l'analyse
symbolique », comme une suite ordonnée de développements qui seraient éphé
mères parce qu'incomplets. Je soupçonne là de la complaisance, et au risque d'exa
gérer à mon tour je dirai que nous vivons, en apparence du moins, dans une
révolution permanente. De l'alternance de phases que Thomas Kuhn a trouvée
dans l'histoire des sciences, l'une, la « révolution structurale », semble constante
chez nous, tandis qu'il reste peu de place pour la phase moins ambitieuse et
plus calme vouée à la solution de problèmes limités (puzzle solving) dans un
cadre sur lequel tous sont d'accord entre deux révolutions.
On peut expliquer la faiblesse de la communauté scientifique dans les sciences
sociales comme procédant de leur caractère même. Il est de leur nature, en effet,
d'être le plus immédiatement exposées à l'idéologie ambiante. Or cette idéologie
est non seulement fondamentalement opposée — dans mon opinion, parce qu'indi
vidualiste — au principe de l'anthropologie et de toute sociologie saine ou appro
fondie, mais elle est aussi divisée en tendances diverses. Par suite, elle ne peut
qu'affaiblir le consensus qu'on attendrait de la communauté scientifique en période
de stabilité. Inversement, il est clair que plus faible est le consensus, moins la
2. Cf. « Une Science en devenir », L'Arc, 1972, 48 : 8-21 (cité infra : « Sur Mauss »). COMMUNAUTÉ ANTHROPOLOGIQUE ET IDÉOLOGIE 85
communauté est à même de se défendre devant les pressions, voire les incursions
de l'idéologie générale.
La faiblesse du consensus professionnel se voit le mieux à un autre trait : des
tendances plus ou moins opposées prolifèrent à l'intérieur de la discipline, qui
semble sur le point d'éclater en un nombre indéfini d'anthropologies portant
chacune un qualificatif particulier. Mais c'est là une vue grossière, et il faut pré
ciser. Je distinguerai trois niveaux : il y a d'abord (1) des spécialités, chacune
vouée à un champ plus ou moins bien défini à l'intérieur du domaine propre à
l'anthropologie ou dans les zones de contact avec d'autres disciplines ; il y a
ensuite (2) des orientations concurrentes portant sur le même domaine global,
et plus ou moins incompatibles entre elles — il y en a toujours eu et, s'il est vrai
que leur nombre s'accroît, elles relèvent en principe du même idéal et reconnaissent
les mêmes critères scientifiques ; enfin, il y a (3) des orientations ou velléités
d'orientation qui se multiplient depuis peu et qui, sous l'apparence d'une anthro
pologie particulière, proposent en réalité d'asservir l'anthropologie à des préoc
cupations non anthropologiques. Il y a lieu d'être attentif à la transition de
(1) et (2) à (3), qui conduit à substituer un dogmatisme importé aux canons de
la recherche anthropologique. En général, c'est ici, dans le cas (3), que la pression
de l'idéologie du milieu se fait sentir le plus directement sous la forme de divers
« activismes ».
La communauté des anthropologues est, institutionnellement au moins, plus
faible en France qu'ailleurs. Un colloque récent, destiné dans l'esprit de ses
organisateurs à remédier à une carence notoire en préparant la constitution d'une
association des anthropologues français, a laissé, à quelqu'un qui il est vrai n'a
pu en suivre qu'une partie, l'im

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