La définition normative des résidents en maison de retraite et le travail de leurs personnels - article ; n°1 ; vol.40, pg 77-97
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Description

Sociétés contemporaines - Année 2000 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 77-97
NADÈGE PLANSON
The Normative Definition of Retirement Home Residents and Staff Work
Grounded on fieldwork, this research is focused on the ordinary life in two different old people's homes, and specially on norms enforced in their work by the employees. The first home presents itself like a model one, where the management insists on the strict enforcement of the norms inscribed on the semi-official Charte des droits et libertés de la personne âgée. In the second home, which is considered by public authorities as a kind of survival of former old people's homes, the organization follows a model inspired by hospital. Fieldwork leads beyond this primary opposition between these two homes: if norms inscribed on the Charte des droits et libertés de la personne âgée are unknown by the employees of the second home, they may in some cases accept claims from the residents that would not be accepted in the first home.
RÉSUMÉ: L’article, qui repose sur un travail d’observation prolongée, examine le traitement des personnes âgées dépendantes de deux maisons de retraite très différentes. Il s’intéresse plus particulièrement aux normes auxquelles se réfère dans son travail quotidien le personnel de ces maisons. Le premier établissement se présente comme une maison modèle où la direction met l’accent sur le respect des normes préconisées par la Charte des droits et libertés de la personne âgée. Dans le second établissement, considéré par sa tutelle comme une survivance des maisons de retraite de la période antérieure, prévaut un modèle inspiré de l’hôpital. Le travail de terrain permet cependant de dépasser cette première opposition. En effet, si les normes préconisées par la Charte de la personne âgée sont ignorées par le personnel de la seconde maison, celui-ci fait parfois preuve en pratique d’une tolérance à l’égard des demandes des résidants que l’on ne retrouve pas dans la première maison.
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Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 76
Langue Français

Extrait

      N A D  G E P L A N S O N       
LA DEFINITION NORMATIVE DES RESIDANTS EN MAISONS DE RETRAITE ET LE TRAVAIL DE LEURS PERSONNELS *
RÉSUMÉ :  L’article, qui repose sur un travail d’observation prolongée, examine le traitement des personnes âgées dépendantes de deux maisons de retraite très différentes. Il s’intéresse plus particulièrement aux normes auxquelles se réfère dans son travail quotidien le personnel de ces maisons. Le premier établissement se présente comme une maison modèle où la direc-tion met l’accent sur le respect des normes préconisées par la Charte des droits et libertés de la personne âgée. Dans le second établissement, considéré par sa tutelle comme une survi-vance des maisons de retraite de la période antérieure, prévaut un modèle inspiré de l’hôpital. Le travail de terrain permet cependant de dépasser cette première opposition. En effet, si les normes préconisées par la Charte de la personne âgée sont ignorées par le per-sonnel de la seconde maison, celui-ci fait parfois preuve en pratique d’une tolérance à l’égard des demandes des résidants que l’on ne retrouve pas dans la première maison.  Des associations où l’on trouve des médecins, des journalistes, des infirmières ont, depuis une quarantaine d’années, dénoncé comme dégradants et infantilisants les traitements auxquels étaient soumies les personnes âgées dans certains établis-sements. Dans une analyse appuyée sur des enquêtes auprès de clubs du troisième âge, A.-M. Guillemard a montré comment, au cours des années soixante-dix, la gé-rontologie sociale a influencé la politique de la vieillesse, en préconisant l’imposition aux personnes âgées d’un modèle qu’elle qualifie d’activiste et adulto-centrique : il s’agit de prolonger la « vie normale , c’est-à-dire « le modèle adulte , d’exclure l’oisiveté en substituant « à l’immobilisme et au silence auxquels étaient traditionnellement réduits les vieux ... « l’ère du mouvement et de la parole  1 . Cette politique était appliquée à ce qui est alors défini comme le troisième âge. A.-M. Guillemard remarquait en effet qu’il existait aussi un « âge de la dépendance, que la logique des découpages administratifs situe à soixante-quinze ans et dé- *  Cette recherche a été réalisée au Centre de Recherches Sociologiques et Historiques sur l’Éducation de l’ENS Fontenay Saint-Cloud. Je tiens à remercier tout particulièrement Jean-Michel Chapoulie qui a contribué à la rédaction finale de cet article, ainsi que Jean-Pierre Briand ; sans eux cet article n’aurait pu être achevé. Michèle Ferrand, du comité de rédaction de Sociétés Contemporaines , a fourni de nombreuses suggestions pour la version finale. 1. Guillemard (1980 : 84-87). Sociétés Contemporaines (2000) n° 40 (p.77-97)   
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N A D E G E P L A N S O N                  nomme le quatrième âge . Celui-ci, remarquait A.-M Guillemard, « fait l’objet d’une manipulation presque exclusivement médicale. Le nouveau territoire de cette vieillesse médicalisée est la maison de santé et de cure médicale, version modernisée (et médicalisée) de l’ancien hospice, lequel doit disparaître  2 . La Fondation Nationale de Gérontologie – une association déclarée d’utilité pu-blique, créée à l’initiative d’organismes publics comme la Caisse nationale d’assurance maladie, l’INSERM, l’Assistance publique, etc. – a publié une Charte des droits et libertés de la personne âgée dépendante en 1987. Cette charte définit les droits des résidants en institution : « La vieillesse, indique dans son introduction la Charte, est une étape de l’existence pendant laquelle chacun doit pouvoir poursuivre son épanouissement.[....] Même dépendantes, les personnes âgées doivent continuer à exercer leurs droits, leurs devoirs et leurs libertés de citoyens. Elles doivent aussi garder leur place dans la cité au contact des autres générations, dans le respect de leurs différences . Les articles de la Charte mentionnent notamment que « toute personne dépendante doit conserver la liberté de communiquer, de se déplacer et de participer à la vie de la société  (article III), et que « le maintien des relations fami-liales et des réseaux amicaux est indispensable aux personnes âgées dépendantes  (article IV). On assiste aujourd’hui dans certaines maisons de retraite à l’application d’une politique similaire à celle que A.-M. Guillemard a décrite pour le « troisième âge . On peut en effet y découvrir la mise en œuvre d’une définition du « bon vieillisse-ment , dans le respect de certaines normes 3 : la Charte des droits et libertés des personnes âgées dépendantes en donne implicitement une définition dans l’article III précédemment cité, et plus explicitement dans l’article VI, qui affirme : « Toute per-sonne âgée dépendante doit être encouragée à conserver des activités. [...] Dévelop-per des centres d’intérêt évite la sensation de dévalorisation et d’inutilité. La partici-pation volontaire à des réalisations diversifiées et valorisantes (familiales, mais aussi sociales, économiques, artistiques, culturelles, associatives, ludiques, etc.) doit être favorisée . On voit que la façon de vieillir qui est jugée convenable exige des inté-ressés la conservation de leur liberté et de leur autonomie, la poursuite de projets d’activités, le maintien d’une vie sociale et familiale. En dépit des changements qui ont accompagné les réflexions sur le statut des ré-sidants des maisons accueillant des personnes âgées, beaucoup de traits apparentent encore celles-ci au modèle des institutions totales, tel que Goffman le définissait dans Asiles : « un lieu de résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde extérieur pour une période relati-vement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités so x ment et minutieusement réglées  4 . La prise en charge totale des rénsti deanptlsi ciptaer- l’institution (logement, nourriture, alimentation, soins) est une caractéristique fon- 2. Ibidem : 97 ; la partie entre guillemets dans le texte d’A.-M Guillemard est une citation de la circu-laire n° 1575 du 24 septembre 1971 in Rapport des Commissions du IV e Plan. 3. On trouve ici des éléments homologues de ceux qu’avaient mis en évidence Glaser et Strauss (1965) dans leur analyse de la « bonne manière de mourir  qui tendait à s’imposer dans les servi-ces hospitaliers qu’ils avaient étudiés, notamment l’exigence que les personnes concernées conser-vent un comportement digne et une participation à la vie sociale. 4. Goffman (1975).
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               M A I S O N S D E R E T R A I T E damentale des maisons accueillant des personnes âgées et justifie un rapprochement entre celles-ci et le modèle dégagé par Goffman. Dans ces maisons, les liens sociaux avec l’extérieur ne sont certes en aucun cas interdits, mais ils sont très réduits pour la plupart des résidants. On y trouve également une autre caractéristique essentielle des institutions totales : l’absence de frontière entre différents champs d’activités (tels que dormir, se distraire, travailler) qui, d’ordinaire, sont séparés. Il en découle une promiscuité du résidant avec un grand nombre d’autres personnes et des activi-tés réglées par l’institution (emploi du temps, heure des repas, horaires du lever et du coucher pour les personnes les plus dépendantes). L’absence de sens de la responsa-bilité et l’atteinte à l’estime de soi des résidants sont deux conséquences bien connues de ces conditions de vie. Une approche inspirée par Goffman permet donc de saisir des aspects du fonctionnement des maisons de retraite qui tiennent à la dé-pendance des personnes qui y sont prises en charge 5 . On se propose ici d’examiner comment, dans des établissements que l’on est ten-ainsi de rapprocher des institutions totales, ont été appliquées les transformations dans le mode de traitement des personnes qui découlent des tendances à long terme d’évolution du statut des personnes âgées évoquées précédemment. Je m’appuierai sur l’observation de deux établissements très différents. L’un, Les Iris, est une mai-son qui se veut « modèle  en ce qui concerne le respect des droits de la personne des résidants. L’autre, Le Vallon, est encore si proche du modèle ancien qu’elle a été au contraire récemment qualifiée de « mouroir inhumain  par le directeur de la DDASS 6 . Les deux cas retenus illustrent l’opposition, au sein des maisons accueillant des personnes âgées, entre celles qui, comme les Iris, s’orientent vers une sorte de trai-tement social et tendent à minimiser l’aspect médical, et celles qui, comme la mai-son du Vallon, sont marquées par une prise en charge médicale des résidants 7 . C’est dans les premières que l’on peut repérer les indices d’une orientation adultocentri-que et activiste. Pour les directeurs, et le personnel en général, il s’agit de faire dis-paraître le plus possible l’aspect médical. LA MAISON DE RETRAITE DES IRIS La maison de retraite des Iris possède le statut de Maison d’Accueil pour Per-sonnes gées Dépendantes (MAPAD). Ce statut, défini au début des années quatre-vingt, concerne des maisons de retraite médicalisées placées dans des centres-villes et accueillant des personnes qui ne peuvent demeurer à domicile malgré le soutien d’organismes spécialisés. Il détermine le mode de financement (prêt locatif aidé) et prévoit l’accueil de personnes psychiquement dépendantes pour une fraction des ca-pacités d’accueil dans un « cantou . Il s’agit d’un établissement privé à but non lu-cratif, situé dans la petite couronne parisienne et agréé pour recevoir des personnes  5. Voir par exemple Ross (1977). 6. Propos rapportés dans un quotidien parisien, en février 1997 ; à la suite de ces propos, le bureau du directeur du Vallon fut occupé par le personnel. 7. Il existe différents statuts de résidences qui peuvent accueillir des personnes âgées. Le terme « maison de retraite  correspond à l’un de ces statuts, à côté des foyers logements, des maisons d’accueil etc. Le terme est utilisé ici dans son acception habituelle plus large mais un peu floue pour désigner un hébergement collectif pour personnes âgées.
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N A D E G E P L A N S O N                  bénéficiant de l’aide sociale. Créés il y a moins de cinq ans, Les Iris accueillent qua-tre-vingts résidants, tous en chambres individuelles, à l’exception de quatre cham-bres doubles destinées à des couples. Le cantou est une unité de treize chambres ac-cueillant des personnes âgées souffrant de troubles psychiques 8 . La maison appar-tient à une chaîne de maisons analogues gérées par un même organisme. Les Iris ont un taux d’occupation de 100%, et possèdent en permanence une liste d’attente de candidats à l’hébergement. L’établissement peut ainsi dans une certaine mesure sélectionner les résidants qu’il accueille et donc refuser les cas trop « lourds , c’est-à-dire les personnes qui présentent un état physique demandant une prise en charge médicale importante ou un état psychique très dégradé. Ainsi peu de personnes sont directement admises dans le cantou : celui-ci est utilisé principale-ment pour héberger les résidants des étages qui deviennent trop désorientés. La mai-son est peu médicalisée 9 : il n’y a pas de médecin salarié, mais un médecin vaca-taire qui vient régulièrement deux fois par semaine, et intervient également occa-sionnellement. Peu de personnes décèdent d’ailleurs dans l’enceinte de la résidence, car le recours à l’hospitalisation est très rapide en cas de problèmes de santé aigus. La majorité des personnes hébergées semble de classe moyenne 10 . La résidence des Iris se présente au visiteur comme une « maison modèle . Elle l’est d’abord d’un point de vue architectural : la brochure de présentation indique qu’elle respecte les normes actuellement en vigueur, notamment en ce qui concerne l’adaptation aux personnes handicapées ; les chambres des résidants sont distribuées autour d’un atrium et ont chacune un cabinet de toilette avec une douche. Les rési-dants apportent leurs propres meubles pour aménager leur chambre qui devient ainsi un espace personnel. Les parties communes de la résidence comportent de grandes baies vitrées, un mobilier confortable (fauteuils rembourrés et tapissés de tissus co-lorés, rideaux imprimés), des plantes vertes, etc. ; le hall d’entrée est chaleureux et aucun élément ne rappelle l’hôpital. En bref, l’aspect général est clair et agréable. La maison de retraite des Iris se veut également un établissement modèle en ce qui concerne le respect des droits des résidants. La brochure, standardisée pour tous les établissements de la chaîne à laquelle elle appartient, n’évoque pas cet aspect, mais la directrice insiste particulièrement sur le fait que le personnel doit traiter les résidants comme des adultes, préserver leur intimité et leur autonomie. Elle déploie de nombreux efforts pour contrôler l’image de l’établissement, en insistant notam-ment sur le vocabulaire : il est question de résidants et non de pensionnaires, de salle de restaurant et non de salle à manger, de studio et non de chambre. Une autre caractéristique mise en avant par la directrice des Iris concerne la place de l’animation. Parmi le personnel de la maison se trouve en effet un anima- 8. L’organisation des locaux d’un cantou doit permettre une surveillance constante des résidants et favoriser une vie communautaire. La vie s’y organise autour des activités domestiques quotidien-nes, coordonnées par une maîtresse de maison ; l’objectif assigné à ce type d’unité est de permettre à ses résidants de se repérer dans le temps et dans l espace. 9. Le degré de médicalisation d’une maison est défini administrativement par le pourcentage de lits en section de cure médicale. 10. Je conclus sur ce point à partir d’indices disparates, sans qu’il m’ait été possible de recueillir sys-tématiquement des données – par exemple sur les professions antérieurement exercées par les rési-dants.
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               M A I S O N S D E R E T R A I T E teur chargé d’organiser des activités régulières (divers « ateliers  hebdomadaires) ou plus exceptionnelles (sorties, fêtes, etc.) qu’il prend lui-même en charge (atelier mémoire, fêtes d’anniversaire) ou qu’il délègue soit à des bénévoles (atelier de pein-ture) soit à des intervenants rémunérés (musiciens, chanteurs, acteurs). L’animateur, salarié à mi-temps, est placé directement sous l’autorité de la directrice. Les activités d’animation sont mises en avant dans la publication mensuelle éditée par les Iris, envoyée notamment aux caisses de retraite réservataires et qui sert de lien avec l’extérieur et avec les clients potentiels. Dans le cadre de ces activités d’animation, pendant la période où j’ai réalisé mes observations, un peintre a ouvert bénévole-ment un atelier de peinture pour les résidants et, avec le concours de l’animateur, a organisé plusieurs expositions, dont une à Paris, dans un lieu d’exposition presti-gieux, qui a bénéficié de soutiens financiers, a donné lieu à un reportage sur une chaîne de télévision nationale (France 2) et à plusieurs articles dans Le Parisien . Ainsi l’impression d’ensemble que cherche à donner la résidence des Iris est plus proche de celle d’un établissement hôtelier confortable, chaleureux et animé que d’un hôpital. CONDITIONS D’OBSERVATION AUX IRIS J’ai accédé à la maison de retraite des Iris en m’intégrant au réseau des bénévo-les participant à l’animation. J’ai assisté l’animateur deux jours par semaine pendant près de sept mois. Je n’ai jamais assisté aux toilettes ou aux soins, c’est-à-dire aux interactions du personnel avec les résidants dans leur chambre. Mes observations ont porté principalement sur la partie de la maison qui accueille les personnes les moins dépendantes, les animations – le terme est utilisé – étant extrêmement restreintes au cantou et étant prises en charge par le personnel paramédical et non par l’animateur. L’essentiel de mon rôle a consisté à distribuer le courrier et faire la lecture : j’ai pu ainsi circuler dans la résidence et discuter avec les résidants. J’ai par ailleurs pris très souvent mes repas avec les aides-soignants et les auxiliaires de vie 11 , et je les ai parfois aidés dans diverses petites tâches (distribuer le goûter, faire manger les rési-dants au cantou, etc.). J’ai également participé à quelques réunions du personnel. J’ai complété mes observations par des entretiens formels avec les résidants et le personnel. Ils m’ont permis d’obtenir des informations auxquelles il m’était difficile, voire impossible, d’accéder par l’observation : des informations d’ordre biographi-que pour les résidants et, pour le personnel, des renseignements concernant des as-pects de leur travail que je n’ai pu observer directement. Introduite et aidée par l’animateur, j’ai été perçue comme proche de ce dernier par le personnel et par les résidants. En dépit de l’aide ponctuelle que j’ai donnée aux aides-soignantes et aux auxiliaires de vie, je crois n’avoir jamais été assimilée par les résidants à ces catégo-ries de personnel.
 11. Les auxiliaires de vie sont les personnels qui possèdent le statut le moins élevé, en dessous des ai-des-soignantes.
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N A D E G E P L A N S O N                  LA MAISON DE RETRAITE DU VALLON La maison de retraite du Vallon est un établissement intercommunal issu d’un ancien hospice transformé en 1985 en maison de retraite. Elle est située dans une commune limitrophe de celle où se trouve Les Iris, et à environ deux kilomètres de cette maison. L’établissement a une capacité de six cents lits, dont la DDASS préco-nise la réduction à quatre cents lits, ce qui impliquerait une réduction du personnel à laquelle celui-ci s’oppose. Le taux d’occupation des lits du Vallon est d’environ 80%. Ce faible taux impose l’accueil de personnes que d’autres établissements (comme Les Iris) sont en mesure de refuser, c’est-à-dire des personnes les plus han-dicapées physiquement ou mentalement. Les résidants relèvent donc plus du Long Séjour 12 que de la maison de retraite, ce que dénonce également la DDASS. Le taux de décès des résidants dans l’établissement est plus élevé qu’aux Iris, et l’établisse-ment dispose en son sein d’une morgue. Le personnel médical comprend plusieurs médecins salariés, et une psychologue à plein temps ; l’un des médecins fait une vi-site quotidienne dans le bâtiment étudié ici. Cette présence médicale renforce la dé-pendance hiérarchique des infirmières à l’égard des médecins. L’équipement médi-cal, qui comprend un cabinet dentaire, est également plus important qu’aux Iris.  état de santé comparable, les résidants sont en conséquence beaucoup moins souvent hospitalisés qu’ils ne le sont à la maison de retraite des Iris. Ce plus fort degré de médicalisation dans la maison de retraite du Vallon renforce, comme on le verra, le poids du point de vue médical dans les décisions concernant les résidants. L’établissement est divisé en plusieurs bâtiments qui peuvent accueillir environ quatre-vingts résidants chacun, dirigés par un surveillant général qui sert de relais à la direction dans chaque bâtiment. L’origine sociale des résidants est plus modeste qu’aux Iris avec une majorité de personnes de milieu populaire. Les résidants sont logés par chambres de deux ou quatre personnes munies de lavabos ; le mobilier n’appartient pas aux résidants et les salles de bains relèvent des parties communes. La façon dont se présente l’établissement du Vallon au visiteur donne la mesure de la distance qui le sépare des Iris. L’apparence générale est vétuste : grandes bâtis-ses grises, dont la plus ancienne a plus d’un siècle ; longs couloirs ; papiers peints délavés aux motifs démodés, etc. Nombreux sont les indices qui font penser à un hôpital : mobilier de type hospitalier, salles de soins très visibles, etc.. L’équipement hospitalier est d’ailleurs mis en avant par le personnel dans sa défense contre les projets de fermeture partielle : dans sa réponse à la mise en cause de la maison pré-cédemment citée, le personnel insistait sur « la qualité [des] installations que certai-nes cliniques privées [leur] envient . La direction ne cherche pas à présenter de l’établissement une image éloignée de l’hôpital : le livret édité lors de la célébration du centenaire de l’ouverture du Vallon comporte par exemple une photographie centrale sur une double page représentant,  12. Un centre de long séjour est un équipement fortement marqué par la référence hospitalière, tant au niveau de son statut juridique que de son fonctionnement. Ces centres sont d’ailleurs souvent im-plantés dans des établissements hospitaliers. Comme dans le cas des maisons de retraite publiques, ces unités résultent souvent de la transformation d’hospices. En principe, ces établissements ont vo-cation à accueillir des personnes âgées atteintes d’une ou plusieurs affections chroniques nécessi-tant une surveillance médicale permanente avec des moyens plus lourds que ceux des maisons de retraite médicalisées.
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               M A I S O N S D E R E T R A I T E dans une petite chambre, une femme assise dans un fauteuil regardant pensivement, voire tristement, une poupée posée sur un lit médical aux barrières relevées. Le livret d’accueil du Vallon, qui est remis aux familles des résidants avant l’entrée de ceux-ci, mentionne la question du respect du résidant et consacre une page à la Charte des droits et libertés des personnes âgées en institution. On verra que le personnel n’est pas soumis à un contrôle strict du respect de ces principes et qu’une partie de la Charte reste lettre morte. Il existe au Vallon un service d’anima-tion, mais celui-ci se limite à une seule animatrice, rarement consultée par le person-nel administratif et médical, et à des bénévoles. On voit que l’impression générale donnée par la maison de retraite du Vallon est celle d’un établissement proche du modèle hospitalier, mais vétuste. CONDITIONS DE RECUEIL DES DONNEES AU VALLON J’ai accédé à la maison de retraite du Vallon en tant que bénévole dans le cadre du service d’animation. L’animation y étant assez peu reconnue et très coupée de la vie des services, je n’ai pu ainsi recueillir que peu d’informations sur les relations entre personnel soignant et résidants. J’ai donc demandé à l’animatrice de m’intro-duire auprès du service de formation continue où j’ai négocié un stage d’un mois dans un service. J’ai obtenu celui-ci, et la responsable de la formation continue m’a assignée au bâtiment G. Pendant ce stage, j’ai suivi le travail du personnel soignant (infirmières, aides-soignantes et agents de service hospitalier) et j’ai adopté leurs horaires. Mon statut était avant tout celui d’une observatrice mais j’ai également participé régulièrement aux tâches des aides-soignantes et des agents de service hos-pitalier (aide à la toilette, réfection des lits, service des repas, etc.). L’ensemble du personnel connaissait la raison de ma présence dans l’établisse-ment. Les aides-soignantes et agents de service hospitalier m’ont parfois traitée comme une stagiaire aide-soignante. Aux yeux des résidants, du fait du port de la blouse, j’étais un membre du personnel parmi d’autres : peu d’entre eux faisant des distinctions entre les différentes fonctions. Ils s’adressaient à moi pour réclamer les services généralement demandés au personnel soignant, ce qui m’a permis de me rendre compte de la nature de ces demandes.  quelques exceptions près qui ne de-mandaient pas un savoir spécifique et ne posaient pas de problèmes au regard des normes de l’institution (par exemple aller remplir une carafe d’eau), je n’ai pas pu répondre à ces demandes et j’ai dû en référer au personnel soignant : j’ai ainsi eu la possibilité d’observer comment le personnel traitait telle ou telle demande, s’il y ré-pondait ou non, dans quel délai, etc. Seuls les deux résidants les plus lucides, avec qui j’ai effectué un entretien, ont eu connaissance de mon travail. Avec tous les autres, il était extrêmement difficile d’avoir une conversation cohérente et d’obtenir des renseignements fiables sur les conditions de leur arrivée ou sur la façon dont ils percevaient l’institution. 13  Comme le suggèrent ces descriptions, une différence immédiatement évidente sépare les Iris et le Vallon en ce qui concerne le mode de traitement des résidants  13. J’ai réalisé quatre entretiens avec des membres de la famille de résidants afin de les interroger sur les conditions d’arrivée du résidant et sur la façon dont ils percevaient l’institution.
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N A D E G E P L A N S O N                  (mais ceux-ci ne sont pas non plus les mêmes). J’examinerai d’abord différents as-pects de la relation entre personnel et résidants en examinant les normes de politesse et de respect de l’intimité du résidant, l’application des régimes alimentaires, la li-berté de circulation des résidants. J’examinerai séparément chacune des deux mai-sons. Ensuite je comparerai les formes de compromis entre deux logiques d’action auxquelles se réfèrent à des titres divers les personnels, qui correspondent l’une au souci de respecter la personne idéale du résidant, l’autre à celui de préserver sa santé et son existence. 1.  LA MAISON DE RETRAITE DES IRIS  la maison de retraite des Iris, le vouvoiement et les appellations « Monsieur  ou « Madame  sont appliqués aux résidants par le personnel. Chaque nouveau membre du personnel reçoit à son arrivée une feuille de recommandations qui sti-pule qu’il ne faut pas infantiliser le résidant, qu’il faut frapper aux portes des cham-bres avant d’entrer, etc. L’application des normes concernant le plein respect du sta-tut d’adulte responsable des résidants n’est cependant pas sans rencontrer de diffi-cultés et le personnel se trouve souvent confronté à l’éventualité de leur transgres-sion. Les relations entre membres du personnel et résidants sont en effet marquées par une contradiction fondamentale entre la volonté de respecter l’autonomie et l’indivi-dualité du résidant d’une part et, d’autre part, les impératifs de la prise en charge dans une structure collective d’une population partiellement dépendante. Le person-nel résout cette contradiction, au cas par cas, en fonction de la situation. Il est intéressant de comparer les attitudes du personnel vis-à-vis d’une part des résidants « des étages  (c’est-à-dire les résidants des deux premiers étages) et d’autre part des résidants du cantou. Le comportement du personnel envers ces der-niers ressemble à celui que décrit Goffman dans Asiles : le personnel se préoccupe peu du respect de l’autonomie et de la liberté du résidant. La façon dont le personnel traite les résidants dans cette unité permet de comprendre en quoi, dans le reste de la résidence, la volonté de respecter l’autonomie du résidant rend plus complexe une situation que l’on ne peut plus analyser en se référant à la notion d’institution totale. UN EXEMPLE DE CONTRADICTION : PRESCRIRE OU NON UN REGIME Au cantou, la prescription d’un régime est justifiée principalement par les pro-blèmes de manipulations engendrés par la prise de poids. Lors d’une réunion du personnel, une auxiliaire de vie travaillant au cantou demande à l’équipe de restauration de réduire l’apport calorique des repas pour plusieurs résidants qui ont pris du poids. Elle explique que quatre rési-dants sont devenus trop lourds : « Vous comprenez, on doit les soulever plu-sieurs fois par jour pour les lever, pour la toilette ; ça devient impossible... on va tous se retrouver avec des problèmes de dos tellement ils sont devenus lourds . Cette demande ne suscita pas de réactions particulières du reste du personnel, et le cuisinier lui promit d’essayer d’adapter les menus pour ces personnes.
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               M A I S O N S D E R E T R A I T E Au cantou, imposer un régime aux résidants ne pose donc pas de problèmes spé-cifiques dans la mesure où le personnel considère que les personnes qui y résident ont perdu toute autonomie : leur qualité d’assisté n’entre donc pas en contradiction avec la norme de respect de l’autonomie du résidant, car celle-ci ne s’applique plus. La contrainte qui pèse sur les résidants est beaucoup plus forte que dans les étages : on ne demande pas aux résidants leur avis, le menu est imposé et on les oblige le plus souvent à terminer leur assiette. La demande de l’auxiliaire de vie du cantou ne rencontre donc pas d’obstacles particuliers, car le résidant est surtout considéré ici du point de vue de la charge de travail, au sens concret du terme : c’est une masse qu’il faut soulever, porter 14 . Dans le reste de la résidence, la question des régimes est abordée différemment. Tout d’abord, la justification change de nature : il s’agit avant tout d’une décision médicale. Moins dépendants, les résidants des étages font, en effet, l’objet de moins de manipulations. Ce sont des problèmes de santé (douleurs au dos notamment) qui incitent les infirmières et les médecins à prescrire un régime. Ces problèmes risquent cependant de rendre les personnes plus dépendantes et donc d’alourdir le travail des aides-soignants. Mais la prescription d’un régime suscite ici un dilemme car le rési-dant n’est pas seulement un patient, mais également un consommateur. Satisfaire celui-ci implique notamment de lui laisser la possibilité de demander un plat de remplacement si le menu ne lui convient pas. La plupart des résidants choisissant systématiquement des féculents en remplacement des légumes verts, il s’ensuit une prise de poids et, dans certains cas, des problèmes médicaux. Par ailleurs, imposer un régime au résidant n’a que peu d’utilité si celui-ci achète ou se fait acheter par sa famille de la nourriture qu’il consomme en-dehors des repas. Là encore, la liberté du résidant entre en contradiction avec la volonté de le contrôler, notamment sur le plan médical. LA LIBERTE DE CIRCULATION DES RESIDANTS Le respect de la liberté de circulation des résidants pose des problèmes similaires à ceux soulevés par la prescription des régimes. Au cantou, l’entrée est contrôlée par un digicode connu du seul personnel. Les résidants peuvent donc circuler à l’inté-rieur de celui-ci mais ils ne peuvent pas en sortir seuls. Même à l’intérieur du can-tou, il n’est pas rare que les personnes soient rappelées à l’ordre par le personnel. Mme D. est assise dans la salle commune du cantou. Elle se lève et commence à s’éloigner en direction du hall d’entrée. Une auxiliaire de vie l’apostrophe : « Mme D., on s’assoit. Allez, retournez à votre place, dépêchez-vous . Mme D. hésite, puis finit pas obéir. Le résidant est ici, comme en d’autres matières, traité comme un assisté dont tous les gestes sont contrôlés par le personnel. Pour les résidants des étages, on peut distinguer plusieurs cas. Le petit nombre de ceux qui sont totalement autonomes peuvent sortir quand ils veulent. Ils sont cepen-dant soumis à certaines contraintes liées au fonctionnement de l’établissement : ils  14. Une situation similaire a été observée par Jean Peneff (1980) : celui-ci montre en effet comment le patient qui arrive aux urgences est tout d’abord évalué par le personnel comme une masse qu’il va falloir transporter.
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N A D E G E P L A N S O N                  doivent respecter les horaires des repas, sauf lorsqu’ils mangent en dehors de l’établissement et préviennent le personnel ; de plus, ils ne peuvent sortir librement qu’aux heures d’ouverture de l’accueil, les portes étant closes pour des raisons de sécurité, quand l’accueil est fermé. Vis-à-vis des résidants désorientés des étages, l’attitude du personnel est la même qu’envers les résidants du cantou : on cherche à leur interdire toute sortie non accompagnée, mais le dispositif matériel est moins adapté : la sortie de la résidence est libre même si toute sortie est visible par le personnel de l’accueil qui peut contrô-ler l’ouverture et la fermeture de la porte. Mme N. est désorientée : elle croit qu’elle habite toujours Paris et cherche par-fois à sortir de la résidence pour « rentrer chez elle . Le personnel de l’accueil lui interdit systématiquement de sortir seule. Elle a cependant échap-pé deux ou trois fois à cette surveillance et a été retrouvée dehors, cherchant à prendre le bus pour Paris. Lorsque le personnel parle de cet événement, il em-ploi le mot de « fugue  qui révèle qu’à ses yeux il est interdit à Mme N. de sortir de la résidence. Lorsque ce type de problème devient aigu, le personnel envisage généralement de transférer la personne au cantou ; c’est ce qui a été fait un peu plus tard avec Mme N, lorsqu’une place s’est libérée au cantou. Mais pour ceux des résidants qui, sans être totalement désorientés, perdent certains repères, le problème demeure en-tier : faut-il exercer un contrôle ? Si, oui, dans quelles circonstances ? La directrice F. et une auxiliaire de vie, Rosalie, sont à l’accueil et voient pas-ser deux résidantes, Mme G. et Mme C.T., qui s’apprêtent à sortir. Mme C.T. est à la résidence depuis environ deux semaines et a un peu de mal à marcher. Mme G. est un peu désorientée. F. : Oh, là, là si ces deux là sortent ensemble, je me demande ce que ça va donner. Rosalie : Et puis Mme G. a seulement mis des sandales, c’est la chute assurée. F. : Je me suis renseignée pour les histoires de responsabilité dans ces cas-là. Ici, c’est privé, elles peuvent sortir comme elles veulent, ce n’est pas comme dans un hôpital public, on ne peut pas les empêcher de sortir. S’il arrive quel-que chose, en tout cas nous n’y sommes pour rien.  Martine, qui travaille à l’accueil, voit Mme G. passer pour sortir. Elle ne porte pas de manteau, alors que la température extérieure est particulièrement basse. Martine ferme les portes pour l’empêcher de sortir et l’oblige à remonter cher-cher un manteau. Ces deux exemples montrent que les décisions sont prises au coup par coup par les personnes présentes à l’accueil. En principe, les sorties ne doivent pas faire l’objet d’un contrôle mais celui-ci peut s’exercer si la santé ou la sécurité de la per-sonne entrent en jeu. Les enjeux médicaux et les problèmes de sécurité entrent ici en contradiction avec les normes de respect de l’autonomie. Confronté à cette contra-diction, chaque membre du personnel prend des décisions qui révèlent l’inter-prétation des normes adoptées sur le moment, ainsi que les priorités qui sont établies entre elles. Les interprétations varient avec la place dans l’institution mais aussi en
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               M A I S O N S D E R E T R A I T E fonction des caractéristiques personnelles (l’origine sociale, ethnique, le sexe, l’an-cienneté dans l’établissement, etc.) 15 . Il faut noter également que l’évaluation par le personnel du degré de désorienta-tion repose sur des critères informels variables. Cette variabilité tient en particulier à la place occupée dans la division du travail et au fait que les différents personnels sont inégalement confrontés aux « troubles  induits par la désorientation des rési-dants. Ainsi, un résidant qui se lève sans cesse de table lors des repas affecte le tra-vail des aides-soignantes et des auxiliaires de vie qui s’occupent des repas. Ces der-nières sont moins sensibles à la désorientation d’une résidante qui, en raison de ses déambulations permanentes et des sollicitations incessantes adressées au personnel de l’accueil, perturbe le travail de celui-ci sans affecter particulièrement celui des aides-soignantes. A côté de normes précises et connues par tous, mais en partie contradictoires, le personnel met ainsi en œuvre des critères pratiques de décisions qui sont générale-ment fluctuants mais qui permettent de trouver des solutions concrètes aux problè-mes auxquels il est confronté. Pour les personnes invalides qui ont besoin d’une aide pour se déplacer, le pro-blème de la liberté de circulation se pose également à l’intérieur de la résidence. Les aides exercent un contrôle sur ces déplacements qui leur demandent un travail sup-plémentaire. Si certains déplacements sont jugés légitimes (pour aller aux toilettes, pour se rendre à une animation, etc.), d’autres ne leur paraissent pas indispensables. Mme W.L. a beaucoup de mal à marcher. Elle ne peut absolument pas se dé-placer seule et est donc dépendante d’une aide pour tout déplacement qui ex-cède le périmètre de son studio. Ses déplacements sont très lents, ce qui de-mande donc beaucoup de temps à l’aide qui la soutient. Elle aime bien des-cendre pour le goûter, vers 15h 15, mais n’aime pas rester au rez-de-chaussée jusqu’au dîner, à 18h 30. Or les aides ne jugent pas nécessaire de la remonter après le goûter, estimant que cela demande trop de travail de la remonter pour si peu de temps. Depuis quelques semaines, Mme W.L. préfère se passer du goûter. Cependant, contrairement à ce que la notion d’institution totale semble impli-quer, le fait de prendre en charge totalement les résidants ne conditionne pas entiè-rement les rapports entre personnel et résidant. Ces rapports dépendent aussi de l’interprétation que le personnel donne à la notion de respect de l’autonomie.
 15. C’est ce qu’illustre très clairement un entretien avec une aide-soignante d’origine camerounaise de trente ans, arrivée sept ans plus tôt en France et qui travaille au cantou de la maison de retraite des Iris depuis un an. Lors d’une rencontre hors du cadre de la maison de retraite, elle évoque son dé-saccord avec les directives de la directrice, en se référant à une autre conception de la vieillesse qui prévaut, selon elle, dans son pays. Elle s’oppose au fait qu’on veuille à tout prix, en dépit de la grande dépendance physique et/ou psychique des résidants du cantou, « animer  les résidants, les laisser la plupart du temps dans la salle centrale avec les autres personnes âgées pour maintenir une vie sociale, les obliger à manger, à marcher lorsqu’ils le peuvent, à se lever, etc. Elle se réfère à la manière dont les vieux sont traités dans son pays : « Chez moi on les laisse tranquilles. Si une vieille elle a pas envie de se lever ou de manger, tu la laisses dans son lit, tu l’embêtes pas. 
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