La geste de Kasewat - article ; n°2 ; vol.3, pg 22-76
56 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

La geste de Kasewat - article ; n°2 ; vol.3, pg 22-76

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
56 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

L'Homme - Année 1963 - Volume 3 - Numéro 2 - Pages 22-76
55 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Lucien Sebag
La geste de Kasewat
In: L'Homme, 1963, tome 3 n°2. pp. 22-76.
Citer ce document / Cite this document :
Sebag Lucien. La geste de Kasewat. In: L'Homme, 1963, tome 3 n°2. pp. 22-76.
doi : 10.3406/hom.1963.366552
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1963_num_3_2_366552GESTE DE KASEWAT LA
Par
LUCIEN SEBAG
Les pages qui suivent sont extraites d'un livre sur les mythes Keresan à paraître
prochainement. L'analyse de ces mythes, conduite selon les méthodes préconisées
par le professeur Claude Lévi-Strauss, a été menée à bien avec la collaboration de
Mme Simone Dreyfus, de Mlles Judith Bataille et Jacqueline Bolens, et de M. Peter
Smith.
Parmi les extraits de la mythologie d'Acoma qu'a publiés Leslie White dans
« The Acoma Indians » se trouvent quelques pages consacrées à la manière dont
Kasewat, personnage qui a déjà fait une timide apparition dans le mythe d'émer
gence {cf. Stirling, LXXXIV), récupère sa femme enlevée par l'oiseau silex.
D'autre part, Ruth Benedict a recueilli dans le même pueblo une histoire similaire
dont le héros est non plus Kasewat mais Greasy Boy. Il s'agit de deux versions
très proches l'une de l'autre et qui s'ordonnent en fonction des mêmes oppositions.
Au surplus, les histoires de rapt sont très fréquentes chez les Pueblos, et l'oiseau
silex se retrouve aussi bien à Laguna qu'à Zuni. On peut donc se demander si ces
récits appartiennent tous à la même classe ou si, au delà de similitudes frappantes,
des différences importantes ne se font pas jour. Nos conclusions seront doubles ;
nous montrerons :
— d'une part, que les histoires Acoma diffèrent assez profondément de l'ensem
ble des contes qui mettent en jeu des êtres monstrueux enlevant les femmes ;
— d'autre part, que les récits publiés par White et Benedict s'intègrent à un
tout autre cycle, dont on peut suivre les ramifications chez tous les Pueblos. LA GESTE DE KASEWAT 23
I
Kasewat rescues his Wife from Flint Bird
Séquence n° I.
Alors que les Acoma vivent à Akohaitit (à l'est de Aako) au pied de la
mesa, le chef de guerre a une fille qui ne parle jamais aux hommes et ne
les laisse jamais lui faire la cour. (B. Benedict [i])1.
Commentaire :
I. 1.
Introduisant une localisation géographique très précise, ce mythe recueilli
comme une unité indépendante — il se suffit effectivement à lui-même — prend
cependant place dans le mythe d'émergence. Les Hommes ont déjà trouvé Aako
mais ils ne se sont pas encore installés définitivement au sommet de la mesa.
Le choix entre les œufs de perroquet et de corbeau a eu lieu et la dernière sépara
tion entre les hommes s'est produite. Le peuple touche donc au terme de son
périple ; il arrive au moment où l'ensemble de ses rapports avec les dieux, l'univers,
les autres sociétés, va se trouver équilibré.
I. 2.
La situation initiale met en scène un homme qui est un chef de guerre, qui est
associé à l'espace, à la brousse, aux activités fortement masculines, et sa fille
qui ne veut avoir aucun contact avec les hommes, ne leur parle pas et refuse de
se marier. Elle semble ainsi rejeter la condition féminine.
Séquence n° II.
La jeune fille pourtant finira par se marier ; elle épouse Kasewat, grand
guerrier et grand chasseur, qui a purgé les environs des géants qui y
rôdaient.
Kasewat l'emmène vivre dans sa maison qui se trouve à Mesa Encan-
tada. La mère de Kasewat est très heureuse de la venue de sa bru.
1. Il s'agit d'un simple résumé et non du mythe lui-même tel qu'il a été recueilli sur le
terrain. Le lecteur ne s'étonnera donc pas de voir parfois apparaître dans le commentaire
quelques détails qui n'ont pas été notés dans le résumé. LUCIEN SEBAG 24
Commentaire :
IL i.
La jeune fille fait donc une exception au profit du meilleur chasseur et guerrier
de la région. Fille du chef de guerre, elle épouse un guerrier, comme si son refus
initial de la condition féminine s'accompagnait d'une valorisation extrême des
activités les plus viriles, chasse et guerre.
Kasewat d'autre part emmène sa femme vivre chez sa mère ; un trio se cons
titue dont tous les termes sont liés par des relations positives.
{ V . au Vit village à Akohaitit Acoma ^ /
oN s. \
\ A =
I
en Vivent dehors à Mesa du village Encantada
Fig. i.
Cette cohabitation n'a pas en elle-même de signification, car à Acoma il
n'existe pas de règle fixe établissant nettement quelle doit être la résidence de
l'épouse et du mari après le mariage. Le mari peut aller dans la maison de sa
femme, la femme dans celle de son mari, ils peuvent aussi s'établir dans une
nouvelle demeure.
Cependant, dans la réalité, la résidence est, la plupart du temps, matrilocale
{cf. L. A. White [i]). En revanche, dans tous les mythes elle apparaît patrilocale :
dans ce récit et dans ceux concernant Basityamuti, le héros emmène chez lui la
femme qu'il a si difficilement conquise. Malgré l'absence de règles strictes, il est
probable que le passage du plan social au plan mythique s'accompagne d'une
inversion : la prédominance effective de la résidence matrilocale s'efface devant
le primat mythique de la patrilocalité.
Quoi qu'il en soit, le couple vit avec la mère de Kasewat et on peut se demander
quel est le rôle respectif des femmes dans la maison.
IL 2.
Un autre point mérite intérêt, à savoir le lieu où vit Kasewat, Mesa Encantada.
Ce nom est déjà apparu dans le mythe d'émergence. Après le conflit entre les. LA GESTE DE KASEWAT 25
jumeaux et les Katchinas et l'inondation provoquée par le serpent d'eau, les
hommes ont repris leur marche vers Aako {cf. Stirling, LXXVIII) ; la plupart
s'installent à Nyaptsiam mais certains préfèrent Mesa Encantada qui se trouve
un peu au sud ; ils y restent très peu de temps, le manque d'eau les obligeant à
rejoindre les autres.
Le séjour à Mesa Encantada est donc bien antérieur à l'installation à Ako-
haitit ; il n'est que plus frappant de voir Kasewat y résider encore.
D'autre part un conte de Lummis {cf. Stirling, LXXVIII) fait état d'une
rupture, due à une violente tempête entre le sommet et le bas de la falaise ;
les hommes travaillaient dans la plaine mais les femmes demeurées sur le
plateau ne purent redescendre et moururent de faim, l'escalier de pierre ayant
été détruit.
Séquence n° III.
Le chef de chasse ordonne une chasse au lapin à laquelle tout le monde
dans le pueblo doit participer ; la femme de Kasewat est fort excitée à
cette idée et prépare tout à l'avance. La mère de Kasewat veut aussi y
aller pour ne pas quitter sa bru, mais Kasewat préfère qu'elle reste à la
maison.
Commentaire :
III. 1
L'association entre la fille du chef de guerre et les activités guerrières et chas
seresses se trouve renforcée ; certes tout le monde dans le pueblo doit participer
à cette chasse, mais il est bien précisé que la femme de Kasewat manifeste une
ardeur tout à fait exceptionnelle.
Son désir de chasser est violent et Kasewat n'y met aucun obstacle. A ce
double point de vue d'ailleurs, la femme et la mère s'opposent, celle-ci veut aussi
participer à l'expédition mais c'est pour ne pas quitter sa bru ; Kasewat l'en
empêchera, sans qu'on sache exactement à quels mobiles il obéit. Il est clair
cependant que la passion de la mère pour la chasse est bien plus faible que celle
de la femme.
III. la.
La participation de la femme à la chasse au lapin varie suivant les cultures
kérésanes.
A Santa Anna (L. A. White [2], p. 295) la règle est que les femmes n'aillent 26 LUCIEN SEBAG
pas à la chasse au lapin, mais ce sont elles qui cuisent et servent à table les an
imaux tués.
A Santo Domingo (L. A. White [3], p. 144), seuls les hommes peuvent prendre
part aux chasses communes.
A Cochiti un conte narre comment les deux jumeaux ont institué une inter
diction à ce sujet : une sœur chassait des lapins pour entretenir un frère paresseux,
mais un jour elle faillit être dévorée par un géant et ne fut sauvée qu'à la dernière
minute par les deux frères qui tuèrent le ; ensuite ils chassèrent pour ell

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents