La Musique et les mots - article ; n°5 ; vol.2, pg 37-51
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Description

Romantisme - Année 1972 - Volume 2 - Numéro 5 - Pages 37-51
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Eveline Andreani
La Musique et les mots
In: Romantisme, 1972, n°5. pp. 37-51.
Citer ce document / Cite this document :
Andreani Eveline. La Musique et les mots. In: Romantisme, 1972, n°5. pp. 37-51.
doi : 10.3406/roman.1972.6284
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1972_num_2_5_6284EVELINE ANDREANI
La Musique et les mots
M'interroger sur le rapport de l'évolution du discours musical à celle du
langage (rapport parallèle, ou bien temporellement dissocié? question à
laquelle je tenterai d'apporter des éléments de réponse dans les quelques pages
qui suivent) m'est apparu, depuis peu, indispensable. En effet, une recherche
dans ce sens permet de considérer la musique, à travers le cheminement des
inégales correspondances, entre son mode d'être et celui des autres activités
spirituelles de l'homme, comme fragment d'une épistemê générale.
Cependant, des difficultés ont surgi dès l'abord. L'ouvrage de Michel Fouc
ault, les Mots et les Choses, a servi de tête de pont à mes premières réflexions,
mais il m'a semblé pendant quelque temps hasardeux de prétendre que l'art,
de même que l'économie, le langage, l'histoire naturelle, s'insérait très exac
tement dans les grands champs temporels de connaissance délimités avec
rigueur par l'auteur. Pourtant, une structuration historique, comme celle de
cet ouvrage, serait incomplète, et, de ce fait, frappée d'invalidité comme
toute théorie scientifique non entièrement verifiable, si l'art n'y figurait pas.
Je me suis donc demandé si, en réalité, il n'y était pas implicitement inclus.
En effet, si Michel Foucault — à part quelques références plus philosophiques
qu'esthétiques à propos d'œuvres picturales — semble avoir laissé l'art
s'échouer sur les rives de ses trois grandes « époques » au gré du flux et du
reflux de celles-ci, ce n'est sans doute qu'une apparence ; cela tient peut-être
au statut ambigu et mouvant de l'art: sa place dans le champ ne peut être
que singulière et sa présence, en tant qu'élément constitutif d'une épistemê,
équivoque: souvent précurseur dans le domaine des techniques en même
temps que nostalgique d'une mystique passée (paradoxe que l'on retrouve
aussi bien pendant la Renaissance que dans la première moitié du XXe siècle),
l'art ne constitue donc pas une zone franche ; il emprunte à la fois au culturel,
au technique, au religieux, mais en transgressant toutes les limites, en entou
rant chaque secteur où il puise d'un halo, qui est non seulement la décision
compositionnelle de chaque auteur, mais aussi l'emprunt au hasard, autre
ment dit le non-déterminisme, qui constitue à toutes les époques une part
de « l'ouverture » indispensable à la vie de l'œuvre. (Cette ouverture est deve
nue actuellement, dans beaucoup de cas, systématique.) Pourtant, en ce qui
concerne la musique, quelque chose de constant, qui a la dureté de la cohé
rence, structure au cœur cette forme si malléable, si fuyante à l'analyse : les Eveline Andreani 38
différents systèmes d'intervalles qui, à travers l'historique de leurs modificat
ions, constituent sa nervure interne; en cela, elle est bien ressemblante au
langage, même si la communication qu'elle établit ne passe pas par l'image,
même si la deuxième articulation est, ici, absente. En considérant sous cet
angle les correspondances, il m'a paru voir la musique s'édifier par places sur
la grande géographie des Mots et des Choses, à quelques glissements près
dont je vais tenter d'esquisser l'analyse, ma référence prioritaire restant le
rapport de la musique au langage, c'est-à-dire le « mode d'être » de l'une
en relation ou en opposition temporelles au mode d'être de l'autre.
On voudra bien excuser la brièveté de cet exposé, l'espace qui m'est imparti
dans ce fascicule étant insuffisant pour une recherche approfondie.
LE MODE D'ÊTRE DE LA MUSIQUE
DANS LES TROIS GRANDS CHAMPS DE SAVOIR
Où Michel Foucault voit, à la fin du xvï* siècle, le passage d'un modus
vivendi des connaissances à un autre, c'est-à-dire de l'univers des ressem
blances à celui des identités et des différences, la musique aura déjà amorcé
depuis deux siècles une lente transhumance « linguistique » qui va la faire
passer d'un état modal soumis à des lois mathématiques traduisant, selon les
théories philosophiques grecques, l'équilibre des lois de la nature, mais où
nulle « articulation » polarisante ne se noue, à un état plus stable au plan de
l'échelle qui permettra peu à peu l'installation définitive de la tonique, et donc
l'organisation reflexive fermée sur elle-même qui est le propre du langage
représentatif au xvn* siècle. Mais les théories qui s'exercent sur le à
l'époque classique — théories édictées par les auteurs de la Logique de Port-
Royal — ne se retrouvent concrétisées dans l'organisation du discours musical
qu'un siècle plus tard, grosso modo, à partir des œuvres de Bach. Les raisons
de ce retard, nous allons les exposer. Par contre, les dates précises données
par Foucault pour ce qui représente selon lui la dernière mutation : 1775-1825,
semblent correspondre à peu près à celles d'une équivalente mutation music
ale, dont les signes se déchiffrent dans les œuvres de Schubert et de Schu
mann. Mais, pour ce qui est de la musique, au-delà de cette époque charnière,
une rupture se produit; si, jusqu'au xrx* siècle, on peut dessiner, bien que
souvent en diagonale, les rapport de la musique au langage, depuis une ci
nquantaine d'années ces rapports, tendus à l'extrême, se sont rompus. En effet
est venu le moment où la musique s'est disjointe radicalement du langage :
musique « d'événements », « sans discours », telle elle apparaît depuis
Varèse d'abord, Xénakis, Cage, Stockhausen, etc., ensuite. Cette ultime phase
de déstructuration, qui est celle que nous vivons, apparaît zébrée de signes
obscurs, où plusieurs prophéties peuvent se Иге :
1) Faut-il croire à une amorce de retour vers cette unité magique supposée
par Heidegger (et à sa suite Simondon), en même temps qu'à la préfiguration
d'une destruction de l'intelligence musicale conceptuelle? La Musique et les mots 39
2) Ou bien supposer que l'éclatement est dû à une trop forte concentration
de codes et qu'il ouvre demain sur des balbutiements collectifs d'où sortira
un nouveau, tout nouveau discours, établi par et pour les masses ?
Dans la première hypothèse, la musique se refondrait dans la Nature dont
elle serait primitivement issue ; dans la seconde, la musique se répandrait à
nouveau au creux de l'humain et redeviendrait discours, donc, comme le
langage, instrument de communication. Ce qui impliquerait, en réalité, la
restructuration intensive d'un système achevé, fonctionnant comme le langage
au xvii® siècle, comme lui soumis au jugement, à l'analyse et à la critique,
conçu par l'homme pour représenter sa pensée et s'enrouler sur elle *.
Nous voyons qu'ici, dans le rapport musique-langage, c'est bien d'à-coups
qu'il s'agit jusqu'au divorce final. Reste à savoir si la musique, après cet écart,
renouera ou non avec lui, et c'est le problème de la renaissance hypothétique
du discours musical qui alimente sans fin nos spéculations d'aujourd'hui,
qu'elles soient d'ordre philosophique ou bien politique (réflexions sur son sens
premier ou réflexions sur sa fonction).
Comme le langage, la musique s'inscrit bien dans trois grands champs, mis
à part le dernier qui, comme on l'a vu, échappe à l'unité de l'évolution musi
que-langage.
I. — Jusqu'au XIVe siècle, la musique puise sa signification à la source des
ressemblances, mais elles sont, ces ressemblances, ces correspondances, entre
vues différemment selon les sociétés. Dans les sociétés primitives, c'est rythme,
mélodie dans un espace sonore (ambitus) assez réduit, associés à paroles et
gestes, dont l'unité et la répétition rencontrent le magique.
La musique fa

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