La mutation sémiotique - article ; n°6 ; vol.25, pg 1497-1522
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1970 - Volume 25 - Numéro 6 - Pages 1497-1522
26 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1970
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Julia Kristeva
La mutation sémiotique
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 6, 1970. pp. 1497-1522.
Citer ce document / Cite this document :
Kristeva Julia. La mutation sémiotique. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 25e année, N. 6, 1970. pp. 1497-1522.
doi : 10.3406/ahess.1970.422296
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1970_num_25_6_422296INTER-SCIENCES
La mutation sémiotique
mais ne sémiotique des « secrètement sciences 0.0. sont caractéristiques c'est La pas à humaines dans constitution peine mais moins notre de massivement propres majeures ». nos époque Quelles jours du à discours toute qui, qu'il les est sont sciences pour un théorie se ces sémiotique reconnaît, symptôme caractéristiques être dans dites celles le demande humaines. s'étend où champ de l'on la ? sur à sémiotique de peut être Cette plus ce reconnu lire qu'on émergence de quelques-unes vingt aujourd'hui, appelle et pénètre siècles, de les la
0.1. Indiquons au préalable, pour le préciser plus loin, le lieu où s'institue le
discours sémiotique.
Nous allons le situer par rapport à deux coordonnées dont l'écart souligne
l'importance, l'actualité et la vulnérabilité de ce discours.
— La sémiotique est un discours qui tend à se construire comme une science
des significations (oTjizeicùTix1/) du grec orqfzewv, signe).
— La est la méthodologie des sciences dites humaines puisqu'elle
considère les pratiques socio-historiques comme des systèmes signifiants.
0.2. H est clair que le lieu sémiotique est le champ où se rencontrent une tradition
millénaire (celle qui irrigue la logique, la grammaire et jusqu'à la théorie de la con
naissance sensualiste ou positiviste où se forment et s'articulent des signes), et un
acquis philosophique et/ou idéologique plus récent qui, depuis Kant et Hegel, et, en
oscillant entre l'Idée et le Logos, construit le « monde » à travers, dans et par la « cons
cience » et plus subtilement « le langage ». Accepter le lieu sémiotique revient donc
à accepter la rencontre de ces courants, dont l'importance consiste à permettre un
discours organisé, systématisé, modelé (à l'instar d'une linguistique, d'une logique
ou d'une mathématique), dans le domaine dit humain. C'est ainsi que se consti
tuent les sciences humaines dont l'extension donne son actualité au geste sémiot
ique.
Mais, ayant localisé la sémiotique comme « infrastructure » des sciences
humaines, nous en entrevoyons aussi la vulnérabilité. Car, dans le glissement que la
1497
Annales (25* année, novembre-décembre 1970, n* 6) INTER-SCIENCES
sémiotique opère entre pratique s ocio -historique et système signifiant, surgit le
problème de la « scientificité » des sciences humaines, de leur dette vis-à-vis de
l'idéologie.
0.3. On comprend ainsi comment la sémiotique, tout en apportant aux analyses
socio-historiques un appui scientifique (un formalisme, une syntaxe), le leur offre
au prix d'une élaboration théorique, d'une idéologie que résume la question :
« qu'est-ce qui permet l'application de ce formalisme à cet objet ? » Question qui
réduit la scientificité de la sémiotique puisqu'elle la met au compte d'une idéologie
qui Yautorise en restant à Y extérieur de la science.
Évidemment, cette « faiblesse » ne peut être dévalorisante qu'aux yeux d'une
conception cette fois vraiment idéologique de la science, qui exige de toute science
de se construire dans une pureté idéale, voire mathématique, ignorant son sujet,
« n'ayant pas » d'idéologie dans ses fondements et posant, par conséquent, toute
théorie se construisant en dialectique avec la matérialité spécifique d'un objet, dans
le champ caduc des « idéologies ».
1.0. Or, avec la sémiotique, la possibilité se présente justement d'interroger
cette unité idéale de la science et de poser la pluralité des connaissances qui éla
borent leur démarche propre et leurs propres règles lorsqu'elles sont confrontées
avec un objet précis. En effet, c'est la tâche de la sémiotique de produire un fo
rmalisme et de l'appliquer à un dehors (système signifiant : langage, art, mythe,
rite, etc.), c'est-à-dire de produire un modèle. Mais cette « application », loin de
rester extérieure à la démarche scientifique, loin d'être un geste mineur et impur
destiné à « vérifier » ce qui a été « produit » par la syntaxe (formelle), devient le
deuxième temps fort de la démarche scientifique (la justification du formalisme :
sa sémantique). Le lieu sémiotique est ainsi le lieu où le formalisme s'élabore (ou
s'emprunte à une des sciences de la symbolicité : mathématique, logique, linguis
tique) et, en mime temps, construit son articulation (théorique, philosophique) à
la pratique signifiante étudiée. C'est dire qu'au lieu sémiotique un nouveau statut
du discours scientifique s'esquisse, le processus de connaissance occupant deux
temps conjoints : 1. Formalisation ; 2. Articulation théorique du formalisme à
Г « objet » étudié, le terme 2 n'étant pas une simple « vérification » du 1,
mais le temps fort de la production de la connaissance, le temps surdéterminant la
production de cette connaissance1.
1.1. La sémiotique se dégage ainsi comme le lieu où pourrait s'élaborer une
théorie matérialiste dialectique agissant dans le domaine du fonctionnement signi
fiant, autrement dit comme le Heu d'une gnoséologie matérialiste. Si elle est une
science, il s'agit bien d'une science dans la pluralité des sciences qu'elle permet
d'entrevoir. Si elle est une philosophie, il s'agit bien d'une philosophie matérialiste,
et cette contradiction dans les termes désigne bien la présence éprouvante du dehors
matériel qui empêche la philosophie de s'isoler dans le labyrinthe de l'Idée... C'est
dire que le lieu sémiotique se présente comme ce lieu de refonte où une nouvelle
« scientificité » s'élabore qui n'a pas encore de nom, qui ne se réfugie pas dans une
pureté extra-historique, mais assume une idéologie et une position historique pour
se produire.
1 Cf. sur un autre plan la réflexion analogue d'Alain Badiou, Le concept de modèle, Maspéro,
1969, p. 60.
1498 LA MUTATION SÉMIOTIQUE J. KRISTEVA
1.2. Dans l'état actuel de la recherche, les systèmes syntaxiques et sémantiques
qui forment en un objet sémiotique la ou les pratique (s) socio-historique(s) aux-
quelle(s) ils s'attaquent sont nombreux, incohérents et rappellent plusieurs « entrées »
dans un même domaine. Le projet de Leibniz — le premier à proposer une vision
sémiotique globale du monde — prévoyait, on le sait, la constitution d'un système
unique et cohérent, où chaque sous-système occuperait une place précise suivant
un ordre strict. Proposant de tels répertoires systématiques, Leibniz les destinait
à fournir « la matière prochaine de l'arrangement d'un système accompli... On
sera le plus embarrassé sur l'ordre des systèmes, où il y a ordinairement autant de
sentiments que de têtes, mais il y en aura un provisionnel, qui suffira quand il ne
sera pas dans la dernière perfection, et le système lui-même aura beaucoup de
renvois d'un endroit à l'autre, la plupart des choses pouvant être regardées de plu
sieurs faces »1. Plus loin, Leibniz souligne que le progrès scientifique de son temps
ne permet pas encore d'établir cet ordre unique des systèmes, et qu'on est à l'étape
« de la belle harmonie des vérités qu'on envisage tout d'un coup, dans un système
réglé ». Il recommande « la méthode de diriger la raison pour profiter tant des faits...
que de la lumière naturelle », mais il ne doute pas de la possibilité d'établir un jour
cet ordre unique.
1.3. De nos jours même, une pareille ambition « monadologique » ne quitte
pas le raisonnement sémiotique. Carnap et son projet d'unifier la science, Hjelmslev
et sa conception de la métasémiologie comme poste de contr&

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