La philosophie de la contingence - article ; n°35 ; vol.9, pg 365-380
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Revue néo-scolastique - Année 1902 - Volume 9 - Numéro 35 - Pages 365-380
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Publié le 01 janvier 1902
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Langue Français

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Léon Noël
La philosophie de la contingence
In: Revue néo-scolastique. 9° année, N°35, 1902. pp. 365-380.
Citer ce document / Cite this document :
Noël Léon. La philosophie de la contingence. In: Revue néo-scolastique. 9° année, N°35, 1902. pp. 365-380.
doi : 10.3406/phlou.1902.1758
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-5541_1902_num_9_35_1758XIII.
LA PHILOSOPHIE DE LA CONTINGENCE.
La philosophie de la contingence lancée par M. Bou-
troux a inspiré toute une pléiade ,de jeunes écrivains, et
qu'on la soutienne ou qu'on la combatte, la controverse phi
losophique s'inspire aujourd'hui de cette doctrine.
Ses origines sont nettement kantiennes. Croyant avoir
démontré dans la, Critique de la raison pure l'irréductible
antinomie de la liberté et de la science, le maître de Kœ-
nigsberg cherchait, on le sait, par la Critique de la raison
pratique, à la rétablir dans le monde des noumènes.
Mais de deux choses l'une : ou cette liberté nouménale se
plaçait* en dehors de la réalité dans laquelle nous .vivons, et
n'avait avec elle aucun point de contact. En ce cas, ce
n'était pas la peine de l'affirmer. La liberté de l'homme est
bien une liberté qui se manifeste dans sa vie réelle, tangible,
et non pas une liberté insaisissable et mystérieuse dont ce
qu'on pouvait dire de plus clair est qu'elle était « incon
naissable » .
Ou bien cette liberté prenait contact avec le monde sen
sible, elle so manifestait par des « phénomènes » , et dès lors
elle n'était plus une liberté nouménale, il fallait trouver
moven de concilier ses effets avec la science, et l'on sortait
du système kantien.
Déjà M. Renouvier1) avait indiqué cette voie, mais ses
théories gardaient quelque indécision. Dans l' entretemps une
1) Ch. Renouvier, Essais de critique, 1854, 1859-1864. — Ch. Renouvier et
L. Prat, La nouvelle monadologie. Paris, Colin, 1899. L. NOËL 366
joute restée célèbre s'était élevée entre mathématiciens et
philosophes au sujet de l'accord de la liberté avec la loi de
la conservation de l'énergie. Le problème posé par Kant
en -termes abstraits revêtait une forme concrète et précise,
et plus que jamais la nécessité d'une solution nouvelle se
faisait sentir nettement.
M. Boutrouxfit faire à la question un pas nouveau et
retourna complètement ses aspects.
A vrai dire, il n'eut pour cela qu'à coordonner des idées
déjà tenues en suspens dans l'atmosphère philosophique et
contenant en germe son système. Il suffisait d'urger
quelque peu la réalité de cet inconnaissable libre opposé par
Kant à l'enchaînement déterminé des phénomènes qui est
pour notre esprit le type de la réalité, d'insister sur le
caractère purement mental des cadres imposés aux choses
par les catégories, de recourir en même temps aux argu
ments dressés par le positivisme, contre l'universalité et la
nécessité de nos connaissances, pour trouver dans ces doc
trines courantes les éléments d'une critique très nette de la-
science déterministe et de ses lois nécessaires. Une fois
démontrée l'incertitude de celles-ci, la liberté reléguée dans
le domaine de l'inconnaissable pourrait reprendre sa place
au grand soleil de la réalité sensible, la « contingence des
lois de la nature » lui ouvrait toutes larges les portes du
monde phénoménal.
A établir cette contingence M. Boutroux a consacré
ses efforts. Ce fut l'objet de ses deux ouvrages fondament
aux1). « Les causes, demandait-il, se confondent-elles
avec les lois, comme le suppose, en définitive, la doctrine
qui définit la loi un rapport immuable?.. Pour savoir s'il
existe des causes réellement distinctes des lois, il faut cher
cher jusqu'à quel point les lois qui régissent les phénomènes
participent de la nécessité... S'il arrivait que le monde
1) De l'idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines.
Paris, AI can, 1895. — De la contingence des lois de la nature, 2e édition. Alcan,
1898 (le éd. 1874). PHILOSOPHIE DE LA CONTINGENCE 367 LA
donné manifestât un certain degré de contingence véritabl
ement irréductible, il y aurait lieu de penser que les lois de
la nature ne se suffisent pas à elles-mêmes et ont leur raison
dans des causes qui les dominent ; en sorte que le point de
vue de l'entendement ne serait pas le point de vue définitif
de la connaissance des choses»1).
La question est clairement posée. La réponse aussi est
nette. M. Boutroux se prononce pour la contingence, contre
les lois absolues.
Il examine d'abord la valeur de la science synthétique
kantienne, œuvre de l'esprit appliquée a priori aux choses
réelles. Il ne croit pas que le besoin irrésistible de l'esprit
soit de ramener les phénomènes à l'unité. Il ne lui semble
pas d'ailleurs que les catégories kantiennes puissent réaliser
cette assimilation du réel par l'esprit que l'on veut* leur
donner pour fin; De deux choses l'une : ou la matière don
née par l'expérience s'adapte aux lois de l'esprit ; dans ce
cas, ne faut-il pas dire plutôt que ces lois sont bel et bien
ses lois à elle, puisqu'elle y obéit si parfaitement ? Ou bien
elle no s'y adapte pas, et dans ce cas que signifient les lois
de l'esprit, comment pouvons-nous continuer à y croire et
ne pas chercher à nous former de la nature une conception
plus solide et plus vraie ? 2)
■ A cette critique un kantien répondrait sans doute qu'il
ne peut pas être question d'accord ou de désaccord entre la
nature et les lois, puisque- pour nous la nature n'existe
qu'autant que nous la pensons, et quo nous ne pouvons la
penser qu'à travers le prisme 'des lois. Mais- l'expérience
intime donne raison à M. "Boutroux; nous savons bien que
la découverte des lois de la nature n'est pas une création
poétique, mais une recherche .patiente et laborieuse toute
soumise à la manifestation objective des faits. Aussi bien
n'est-ce pas la critique du subjectivismo kantien qui donne
à l'œuvre de M. Boutroux son originalité, mais bien la cri-
1) De la contingence des lois de la nature, p. 4.
2) Cfr. De l'idée de loi naturelle, pp. 34-36. 368 L. NOËL
tique de la science en elle-même. Cette critique pourrait
être dégagée de toute attache avec un système idéologique
quelconque. Elle s'attaque aux éléments constitutifs de la
science, à l'analyse, à l'induction, pour chercher les points
vulnérables de ces procédés fondamentaux et montrer l'im
possibilité qu'il y a d'en déduire jamais l'absolue nécessité.
La nécessité qui devrait régner dans le monde ne saurait
être qu'une nécessité relative, la nécessité de certains rap
ports entre les choses. La nécessité absolue ne peut - exister
dans la multiplicité imparfaite des choses données. Mais on
pourrait y trouver la nécessité que telle chose soit, si telle
autre est posée. Cette relative existe-t-elle dans le
monde ?
Aucune loi nécessaire ne peut s'appliquer à la nature.
Elle devrait établir entre deux termes une- relation telle que
l'un étant posé, l'autre dût suivre nécessairement.
Comment démontrer d'existence d'un pareil rapport l
II y aurait !une façon définitive de le faire. Ce serait de le
rattacher analytiquement à l'énoncé d'une identité. Une
identité est nécessaire par elle-même et pose un lien nécess
aire. A — A, il ne saurait jamais en être autrement. Par
suite, montrer qu'une proposition quelconque se ramène à
une identité, ce serait montrer à l'évidence que l'un de ses
termes étant posé, l'autre suit fatalement. Mais cette réduc
tion est impossible.. On ne peut rien tirer du simple énoncé
d'une identité, sinon cette identité elle-même.
Le syllogisme ajoute quelque chose au schéma d'identité
parfaitement nécessaire fourni par la logique pure. Le con
cept n'est pas une unité absolue, il réunit des notes diverses
et la raison de cette union ne saurait se d&#

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