La question de la légitimité monétaire : le Patacón argentin - article ; n°171 ; vol.43, pg 683-697
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Tiers-Monde - Année 2002 - Volume 43 - Numéro 171 - Pages 683-697
Jean-Marc Clerc — The question of monetary legitimacy : The Argentina Patacon case.
During 2002, more than twenty parallel currencies are in circulation in Argentina. These are debt bonds used to pay public servants ;. yet they are not converted into local currency despite their potential liquidity and the remuneration they may procure. The Argentina crisis shows that the acceptability of these titles expresses a lack of reserve values for two reasons : as merchandises, they are structurally dominated by national money, and yet the latter no longer has the confidence of agents, due to its loss of social and political legitimacy.
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 63
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Marc Clerc
La question de la légitimité monétaire : le Patacón argentin
In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171. Trajectoires latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de
Rémy Herrera). pp. 683-697.
Abstract
Jean-Marc Clerc — The question of monetary legitimacy : The Argentina Patacon case.
During 2002, more than twenty parallel currencies are in circulation in Argentina. These are debt bonds used to pay public
servants ;. yet they are not converted into local currency despite their potential liquidity and the remuneration they may procure.
The Argentina crisis shows that the acceptability of these titles expresses a lack of reserve values for two reasons : as
merchandises, they are structurally dominated by national money, and yet the latter no longer has the confidence of agents, due
to its loss of social and political legitimacy.
Citer ce document / Cite this document :
Clerc Jean-Marc. La question de la légitimité monétaire : le Patacón argentin. In: Tiers-Monde. 2002, tome 43 n°171.
Trajectoires latino-américaines. Regards sur Cuba. (sous la direction de Rémy Herrera). pp. 683-697.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2002_num_43_171_1630LA QUESTION
DE LA LÉGITIMITÉ MONÉTAIRE
LE PATACÓN ARGENTIN
Jean-Marc Clerc*
Plus d'une vingtaine de « monnaies parallèles » circulent en Argent
ine en 2002. Ce sont des titres de dette publique versés comme partie de
la rémunération des fonctionnaires. Pourtant, ces titres ne se sont pas
substitués à la monnaie, malgré leur liquidité potentielle et la rémunérat
ion qu'ils procurent. Le comportement des agents à leur égard invalide
donc les modélisations néo-classiques et confirme qu'il s'agit là de « la
question centrale de la théorie pure de la monnaie » (Hicks). La crise
argentine montre que l'acceptabilité de ces titres fait défaut au niveau
primordial de la réserve de valeur pour deux raisons : en tant que marc
handises, ils sont structurellement dominés par la monnaie argentine ;
or celle-ci n 'a plus la confiance des agents depuis que la légitimité sociale
et politique lui est retirée.
L'histoire monétaire est riche en inventions de substituts à la
monnaie. Au sein des camps où apparurent les monnaies-cigarettes1,
c'est l'exclusion des échanges monétaires qui est à l'origine de cette
invention. Dans les Systèmes d'échanges locaux2, c'est le refus de
l'enrichissement et de la coupure du lien interpersonnel, et dans le
cadre des systèmes de monnaie fondante3, c'est le rejet de la thésauri
sation et de la puissance de négociation des commerçants qui ont
motivé l'usage de « monnaies parallèles ».
* Chercheur au cepse (Centre d'étude de la pensée et des systèmes économiques) et chargé d'ense
ignement à l'Institut d'études politiques de Grenoble. L'auteur remercie R. Tortajada, son « guide » au
sein de la société argentine.
1. P. Einzig, 1966, p. 299.
2. J. Blanc, 1998.
3. J.-M. Clerc, 2001.
Revue Tiers Monde, t. XLIII, n° 171, juillet-septembre 2002 684 Jean-Marc Clerc
En Argentine, circulent en 2002 plus d'une vingtaine de « monnaies
parallèles » ; c'est une situation monétaire et budgétaire particulière
qui est à la source de ces pratiques. En 1989, l'inflation atteint 4924 %,
et 1344% en 19901. L'année suivante, le président de l'époque,
C. Menem, et son Premier ministre, D. Cavallo, remplacent l'austral
par le peso et stipulent par voie légale la parité de ce dernier avec le
dollar. On n'envisageait pas, à ce moment, les conséquences à terme
de cette « loi de convertibilité » ; l'essentiel étant en effet de faire dis
paraître une hyperinflation qui rongeait les liens sociaux2. Ce currency
board retirait à l'Argentine toute liberté en termes de politique monét
aire : l'émission de chaque peso devait être couverte par un dollar en
actif du système bancaire. Cela signifie que les taux de change et, en
partie, les taux d'intérêt argentins dépendaient de contraintes structur
elles et conjoncturelles qui ne lui étaient pas propres mais qui
pesaient sur les États-Unis.
Du point de vue budgétaire, la liberté d'action est tout aussi
réduite depuis les premiers accords avec le fmi qui remontent à 1958.
Le 21 août 2001, après douze jours de tractations, le gouvernement
argentin a obtenu du fmi une nouvelle ligne de crédit de 8 milliards de
dollars ; cet accord était conditionné par le respect de certains critères
caractéristiques des politiques d'austérité, notamment un objectif de
déficit budgétaire nul en 2002 et une réduction drastique des 150 mil
liards de dollars de dette publique3. N'ayant pas eu satisfaction sur
« les objectifs promis », le fmi refusa le 5 décembre un nouveau prêt
de 1,26 milliard, alors que les autorités argentines devaient honorer
avant fin décembre le remboursement de plusieurs échéances. Le prési
dent du moment, A. R. Saa, déclara alors le pays en cessation de paie
ment le 22 décembre.
L'Argentine est dans une situation telle qu'il lui est impossible de
mener des politiques monétaires et budgétaires autonomes. Une réduc
tion des taux d'intérêts ou une intervention sur le marché monétaire
suppose une augmentation des réserves en dollars de la même propor
tion que les pesos créés. Aucune marge de manœuvre n'est permise
avec une population traumatisée par l'hyperinflation et qui transforme
l'ensemble de son épargne en dollars. Aucune marge de manœuvre
n'est autorisée avec un objectif de déficit budgétaire nul fin 2002. Cet
objectif passe par la réduction des traitements et des dépenses pu-
1. M. Rapoport, 2000, p. 980.
2. Les commerçants n'acceptaient par exemple plus de vendre leurs produits car ils ne savaient pas à
quel prix ils pourraient ultérieurement se réapprovisionner auprès des fournisseurs.
3. FMI, 2001. Le Patacón argentin 685
bliques en général (de 1 milliard de dollars en 2002)1, et a déjà conduit
le gouvernement de F. De la Rua à réduire le traitement des fonction
naires de 1 3 %2.
Cela a fortement affecté le dynamisme d'une économie qui souff
rait déjà d'un déficit de consommation lié à une préférence pour la
liquidité importante ; de plus, à cause de la loi de convertibilité, cette
préférence se concrétisait aisément en thésaurisation ou placement en
dollars. D. Cavallo avait envisagé d'assouplir la loi de convertibilité en
élargissant le panier de monnaies de références, ce qui permettrait une
dévaluation de 8 % du peso3. À l'autre extrême, le projet de D. Espo-
sito de créer de toute pièce une nouvelle monnaie ni convertible ni
attachée à une devise étrangère, l'Argentino, est mort-né avec la
démission du président Saa4. C'est une autre « sortie de secours »
qu'emprunte aujourd'hui l'Argentine : l'émission croissante de « monn
aies parallèles », dont la plus connue des Européens est le Patacón.
Nous allons tout d'abord rendre compte du fonctionnement et de
la généralisation de ces titres de dette publique ; le Patacón a beau être
le plus célèbre d'entre eux, il circule au moins 20 titres en 2002, cer
tains datant même du début des années 1980. Ils ont été créés pour se
substituer à la monnaie au sein du traitement des fonctionnaires,
nécessitant pour ce faire de déclarer les provinces en « état d'urgence
économique» (1). Une fois mieux connus, nous analyserons le rôle
que jouent ces titres dans la crise monétaire actuelle. Après avoir pré
senté le niveau de défiance des Argentins face au peso, nous montrons
que les titres n'échappent pas à la perte de légitimité du moyen de
paiement et de la réserve de valeur. La raison tient au fait que leur
acceptabilité, en tant que marchandises, est subordonnée à l'accept
abilité de la monnaie ; or celle-ci est remise en question comme, à tra
vers elle, celle du pouvoir politique qui l'imprègne (2).
1. « Or lorsque la difficulté d'emprunter à l'étranger fait monter le taux d'intérêt (il était arrivé à un
niveau surréaliste de plu

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