La Rivalité, la séparation et la mort Destinées gémellaires dans la mythologie grecque - article ; n°105 ; vol.28, pg 88-104
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La Rivalité, la séparation et la mort Destinées gémellaires dans la mythologie grecque - article ; n°105 ; vol.28, pg 88-104

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Description

L'Homme - Année 1988 - Volume 28 - Numéro 105 - Pages 88-104
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claudie Voisenat
La Rivalité, la séparation et la mort Destinées gémellaires dans
la mythologie grecque
In: L'Homme, 1988, tome 28 n°105. La fabrication mythique des enfants. pp. 88-104.
Citer ce document / Cite this document :
Voisenat Claudie. La Rivalité, la séparation et la mort Destinées gémellaires dans la mythologie grecque. In: L'Homme, 1988,
tome 28 n°105. La fabrication mythique des enfants. pp. 88-104.
doi : 10.3406/hom.1988.368937
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1988_num_28_105_368937Claudie Voisenat
La Rivalité, la séparation et la mort
Destinées gémellaires dans la mythologie grecque
Claudie Voisenat, La Rivalité, la séparation et la mort. Destinées gémellaires dans la
mythologie grecque. — La mythologie grecque, en assimilant la gémellité à la souillure
et à Vhybris lui confère une acception négative, parfois exprimée par une rivalité entre
les jumeaux, qui paraît être une représentation symbolique des conflits politiques grecs.
Seule alternative à cette rivalité, la séparation ou une mort purificatrice permettent
d'éviter la « contamination gémellaire » de leur descendance.
Aujourd'hui considérées par la science moderne comme de simples phéno
mènes biologiques, les naissances gémellaires ont souvent été accompagnées de
croyances qui tendaient à les associer aux naissances hors du commun ou anor
males. Nicole Belmont1 a d'ailleurs souligné l'étroite parenté qui unit les
enfants nés coiffés et les jumeaux, fruits de naissances qui, bien que relevant du
domaine de la normalité, présentent un caractère « extra-ordinaire » ayant
pour conséquence l'attribution de spécificités supposées influer sur le destin de
ces enfants. Il existe toutefois entre les enfants nés coiffés et les jumeaux une
différence essentielle : alors qu'il ne reste aucune trace physique, en dehors de
la conservation de la coiffe, permettant de définir un enfant né coiffé, l'exi
stence même d'un jumeau apparaît comme la marque définitive d'une différence
et peut en cela être rapprochée d'une tare physique qui, on le sait, détermine
fantasmatiquement sinon le destin, à tout le moins l'image sociale des individus
qui en sont porteurs. Ainsi la gémellité se définit tout autant comme une forme
particulière de naissance que comme une malformation, une anomalie, concrét
isée par la présence d'un autre similaire et/ou simultané qui entache le couple
d'un certain nombre de particularités.
Il semble d'ailleurs que la plupart des caractéristiques que l'imaginaire col
lectif lie à la gémellité relèvent d'une conception de l'excès. Stigmatisés, dans
les cas de vraie gémellité, par l'excès de similitude qui ouvre la perspective
effrayante du double et, dans tous les cas, par l'excès de simultanéité qui
rapproche les naissances gémellaires des naissances animales marquées par la
multiparité, les jumeaux apparaissent tout destinés à représenter le démesure.
L'Homme 105, janv.-mars 1988, XXVIII (1), pp. 88-104. Destinées gémellaires 89
A cet égard, il n'est sans doute pas anodin que la mythologie grecque, où le
concept, d' hybris tient une place prépondérante, ait été le cadre du développe
ment de mythes gémellaires particulièrement riches et nombreux2. Pourtant, la
plupart des études qui leur ont été consacrées, depuis la fin du xixe siècle
jusqu'à ces dernières années, entraient dans le cadre des recherches qui
tentaient de définir un dioscurisme universel ou indo-européen et posaient le
problème d'un comparatisme dont la volonté d'universalité passait par la sélec
tion arbitraire d'éléments jugés comparables, au mépris de différences souvent
flagrantes3. C'est ainsi qu'un certain nombre de caractéristiques supposées
définir les jumeaux divins (nature astrale, sœur solaire, double paternité, rôle
de fondateurs de villes, de protecteurs de la fertilité, des guerriers, des navigat
eurs...) ont été survalorisées, tandis que d'autres étaient totalement occultées.
Certains auteurs, cependant, comme Krappe, ont eu l'intuition d'un élargiss
ement possible des thèmes étudiés et ont pressenti, par exemple, l'importance de
la notion de rivalité dans les mythes grecs4. Néanmoins, l'étude qui en a été
faite est restée à l'état d'ébauche et le plus souvent de simple constatation sans
que puisse être dégagée une explication valide de la relation entre gémellité et
rivalité. Pourtant, lorsque l'on se penche sur les « biographies » des couples
gémellaires grecs, il apparaît que la notion de rivalité est étroitement liée à
celles à' hybris et de souillure qui sont corrélées à l'idée de gémellité, et que ces
conflits quittent rapidement le simple niveau interindividuel pour acquérir une
dimension politique et sociale. En effet, hormis deux cas de rivalité intra-utér
ine, celle de Panopée et Crisos et celle d'Acrisios et de Proétos5, tout conflit
gémellaire s'articule autour de luttes pour la possession d'un royaume. Ainsi,
derrière le thème apparemment restreint de la rivalité gémellaire se profile une
série d'implications qui unissent les jumeaux aux conflits pour le pouvoir en
une relation que seule une négation de la gémellité passant par la séparation ou
la mort des jumeaux permet de dénouer.
C'est essentiellement pour ces corrélations avec Yhybris et la pensée poli
tique grecque que nous avons choisi de traiter ici du thème de la rivalité. Mais
tous les couples de jumeaux de la mythologie grecque ne présentent pas cette
caractéristique, un grand nombre d'entre eux, en effet, sont clairement disso
ciés dans les textes qui font état de traits de personnalité différents tendant à les
singulariser, certains de ces jumeaux parvenant même à exercer une royauté
commune. Néanmoins si ces couples gémellaires « dissociés » échappent à la
rivalité, ils n'en restent pas moins marqués par Yhybris. Il n'entre pas dans le
cadre de cet article de les étudier en détail, cependant, le lecteur trouvera, prin
cipalement dans les notes, un certain nombre de commentaires visant à définir
leurs caractéristiques par rapport à notre sujet d'étude.
GÉMELLITÉ ET RIVALITÉ
Lié, dans la plupart des cas, à une lutte pour la possession d'un royaume, le
thème de la rivalité gémellaire semble relever directement d'un excès de simili- CLAUDIE VOISENAT 90
tude perçu non pas en termes de ressemblance physique, mais d'identité du
désir focalisé sur un seul et même objet : la royauté. Ainsi, le plus souvent,
l'enfance des jumeaux n'est le cadre d'aucun conflit et la rivalité n'apparaît que
tardivement lorsque, devenus adultes, ils se trouvent en « situation de pouvoir ».
Les mythes qui mettent en scène de tels conflits semblent comporter deux
périodes distinctes, la première correspondant aux épisodes de lutte et de ban
nissement, la seconde à ceux de l'inceste et de la mort du frère.
La lutte et le bannissement
Le bannissement d'un frère par l'autre intervient à la suite d'un conflit dont
la durée et la violence varient selon les mythes considérés. Si Nélée, que Pélias a
chassé, se résigne assez facilement à son sort et devient le souverain de Pylos6,
dans d'autres cas, celui d'Acrisios et de Proétos par exemple, la querelle s'ins
crit dans un contexte beaucoup plus guerrier puisqu'elle finit par engendrer une
véritable guerre civile7. Mais c'est vraisemblablement dans le cadre du mythe de
Thyeste et Atrée que le caractère démesuré des crimes liés à la rivalité gémell
aire prend tout son sens. Pour avoir tué leur demi-frère, les jumeaux sont
chassés par leur père, Pélops, et se réfugient auprès de leur beau-frère, Sthé-
nélos, souverain de Mycènes. C'est à la mort du fils de Sthénélos que les deux
frères s'affrontent. Thyeste, qui est l'amant de sa belle-sœur, dérobe avec sa
complicité la dépouille d'

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