Le conseil des anciens. Islamisation et arabisation dans le Bassin tchadien - article ; n°4 ; vol.37, pg 764-782
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Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1982 - Volume 37 - Numéro 4 - Pages 764-782
The Counsel of the Elders. Islamisation and Arabisation in the Chad Basin.
There exist, in the same socio-economic zone to the south-east of Lake Chad, two neighbouring groups, the Kotoko and the Babalia — both converted to Islam, but only the latter thereafter adopting the Arab language. How may one define — and compare — these two differing manners of acculturation ?
The transformations, due to Islamic influence, which are observed in a traditional account of the foundation of a Kotoko city, are used to suggest that Islamisation — resting within a stable mythical order — is seen by the new Muslim as a means of returning to and redefining the origin of the group and the city, and the power of his leader, origin and power being provided with new meaning.
In a society which does not feel threatened, Islamisation will produce only a rebalancing of cultural elements, old and new. But in a Muslim community, where the socio-economic structures are so affected that the future of that community is in danger, Arabisation emerges as a requisite response.
Arabisation follows conversion to Islam, the latter serving as model of behaviour for the former.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 42
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christian Décobert
Le conseil des anciens. Islamisation et arabisation dans le
Bassin tchadien
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 764-782.
Abstract
The Counsel of the Elders. Islamisation and Arabisation in the Chad Basin.
There exist, in the same socio-economic zone to the south-east of Lake Chad, two neighbouring groups, the Kotoko and the
Babalia — both converted to Islam, but only the latter thereafter adopting the Arab language. How may one define — and
compare — these two differing manners of acculturation ?
The transformations, due to Islamic influence, which are observed in a traditional account of the foundation of a Kotoko city, are
used to suggest that Islamisation — resting within a stable mythical order — is seen by the new Muslim as a means of returning
to and redefining the origin of the group and the city, and the power of his leader, "origin" and "power" being provided with new
meaning.
In a society which does not feel threatened, Islamisation will produce only a rebalancing of cultural elements, old and new. But in
a Muslim community, where the socio-economic structures are so affected that the future of that community is in danger,
Arabisation emerges as a requisite response.
Arabisation follows conversion to Islam, the latter serving as model of behaviour for the former.
Citer ce document / Cite this document :
Décobert Christian. Le conseil des anciens. Islamisation et arabisation dans le Bassin tchadien. In: Annales. Économies,
Sociétés, Civilisations. 37e année, N. 4, 1982. pp. 764-782.
doi : 10.3406/ahess.1982.282886
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1982_num_37_4_282886CHAMP RELIGIEUX : LE
NOUVELLES APPROCHES
LE CONSEIL DES ANCIENS. ISLAMISATION
ET ARABISATION DANS LE BASSIN TCHAD/EN
Le fond de la cuvette tchadienne — les rives orientales du lac Tchad et le bassin
hydrographique du Bas-Chari — semble avoir été une constante terre de refuge, de
peuplements successifs par des groupes venus d'horizons très divers. De cette zone
complexe, aux frontières de l'empire du Kanem, puis du Bornou et du Baguirmi, il
ne sera pas tenté ici d'écrire l'histoire, ce qui reste d'ailleurs à faire l. Résumons
simplement. A une population plus ancienne, vraisemblablement d'agriculteurs et
de pêcheurs du fleuve, seraient venus se mêler des vagues successives d'étrangers :
chasseurs à Гаге alliés à des forgerons descendus par le Bahr al-Ghazal des massifs
de l'Ennedi et du Tibesti, et peut-être de plus loin, des régions nilotiques 2, pêcheurs
qui auraient déserté le lac Fitri (au nord-est) en plein assèchement 3 , chasseurs à l'arc
des Monts du Mandara (au sud) 4, chasseurs à la sagaie des rives occidentales du lac
Tchad 5... Éléments allogènes et autochtones se sont, avec plus ou moins de heurts
et de bonheurs, frotté les uns aux autres pour créer ce que, faute de meilleure
expression, l'on pourrait appeler une aire économico-socio-culturelle homogène,
une aire aux limites un peu floues, qui se rétractait sous l'adversité, qui s'élargissait
dans la prospérité. Il est difficile de proposer une datation sérieuse, malgré la
redoutable et désinvolte précision de certains ethno-historiens, des étapes de cette
construction. Nous savons, grâce à Giovanni Lorenzo Anania, le compilateur
vénitien 6, qu'au xvie siècle elle est bien en place, mais qu'elle est déjà rognée à
l'ouest, si l'on en croit par ailleurs l'imam Ahmad ibn Fourtou, le chroniqueur du
règne d'Idris Alaoma du Bornou (1571-1585) 7. Certains habitants de cette aire,
nous dit-on, étaient très grands et portaient le nom générique de Sao.
Ces Sao, célèbres pour les africanistes 8, ont couvert de leur ombre de géants
une terre incertaine : l'exploitation rapide de belles découvertes archéologiques sur
des buttes qui leur sont toutes attribuées a posé, me semble-t-il, le problème à
l'envers. Quelques faits saillants, voire spectaculaires, comme les enterrements en
jarre, la production de statuettes anthropomorphes en terre cuite, ont été considérés
comme des discriminants, distinctifs d'une strate sao par rapport à une autre, ou de
la réalité sao par rapport à ce qui en différait radicalement. Alors que des
constatations d'ordre économique, d'ordre socio-structurel, certes moins
gratifiantes, permettaient ďautres rapprochements, d'autres distinctions.
764 С. DÉCOBERT ISLAMISATION ET ARABISATION
U
765 CHAMP RELIGIEUX : NOUVELLES APPROCHES LE
Prenons un exemple, pour être plus clair. Les Babalia de la rive droite du Chari
(généralement considérés comme différents des Sao) et les Kotoko installés à l'ouest
du fleuve (que Ton s'accorde, avec eux-mêmes, à prendre pour les descendants plus
ou moins directs des Sao) sont bien d'un même milieu, d'une même culture
(cf. Carte). Puisque cela fait l'objet d'une autre étude 9, je me contenterai ici
d'avancer deux points. Dans un paysage qu'on dirait lacustre après les pluies et
pendant la crue des cours d'eau, une poussière de buttes autonomes ou vaguement
liées, buttes entourées d'enceintes en briques crues. Activité, non exclusive mais
essentielle, de pêche fluviale ou en mare, castes de chasseurs, de forgerons : cette
organisation tripartite est à la fois le souvenir d'un passé reconstitué (par la tradition
orale) et l'imaginaire d'un présent permanent (par les instruments du pouvoir :
trident ou harpon, sagaie, enclume ou bracelet de cuivre).
L'islamisation de ces petites cités encloses n'est pas ancienne. De sérieux indices
la situent, chez les Kotoko, au cours de la seconde moitié du xvnie siècle, sans que
l'on puisse percevoir — nous y reviendrons — de changement notable alors d'ordre
politique. Infiltration lente et sûre, conversion du chef d'abord, qui relégitime et
renforce son pouvoir, et consensus enfin que tous s'imposent : le processus a été
suffisamment décrit à propos de l'Afrique tropicale pour qu'il soit inutile ici d'en
dire plus 10. Quant à la rive orientale du fleuve, incluant la zone babalia, elle fut
soumise à la double influence grandissante du royaume du Baguirmi (installé, dès le
xvie siècle, dans le Moyen-Chari) et des Arabes en cours de sédentarisation.
L'apparition de la nouvelle religion à la cour de Massenya (première moitié du
xviie siècle) et la pression démographique de plus en plus puissante qu'exerçaient les
anciens nomades eurent peu à peu raison — du moins en apparence — de
l'animisme traditionnel.
La carte des langues vernaculaires et des parlers de la cuvette tchadienne est une
mosaïque complexe où une masse de centaines de milliers de locuteurs peut côtoyer
une petite communauté parfaitement distincte, de quelques dizaines de vieillards n.
La langue (ou les parlers) des Kotoko est du groupe tchadique, une des branches du
chamito-sémitique 12 ; les Babalia parlaient au début de ce siècle encore le berakou,
du groupe sara-bongo-baguirmien, et plus précisément de la branche nord de cette
famille, celle des alentours du lac Fitri 13.
Soit donc l'aire brièvement définie plus haut. A l'intérieur de laquelle deux
fractions, les Kotoko et les Babalia, sont islamisées mais se trouvent dans
situations linguistiques différentes, car les Babalia se sont arabisés au cours de ce
siècle ; l'une a gardé sa langue, l'autre non. Islamisation et arabisation : je voudrais,
de la comparaison de ces deux cas, tenter de comprendre comment sont vécues par
les intéressés, par les acteurs eux-mêmes, chacune de ces deux étapes d'acculturat
ion, et de voir comment l'on passe de l'une (islamisation) à l'autre (et arabisation).
Apparut naguère le manuscrit arabe d'une Chronique deKousseri, qu'un imam
de la mosquée de la petite cité kotoko (cf. Carte) a rédigée il y a quelques années 14.
C'est une suite de longs et lancinants combats entre les gens de Kousseri et leurs
voisins, qui se déroulent selon un même schéma narratif (envoi d'une ambassade,
déclaration de guerre après que celle-ci a été mal reçue, conflit et victoire de
Kousseri), dans une même temporalité, dans une même spatialité, pour un même
motif : soumettre, vite et inexorablement, toute la région à l'Islam.
Seul le chapitre introductif nous intéresse ici. Il contient deux parties : la
fondation de Kousseri, puis son islamisation — préludes à

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