Le contrôle de la culture policière : le cas des forces militarisées de maintien de l ordre - article ; n°4 ; vol.16, pg 377-391
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Le contrôle de la culture policière : le cas des forces militarisées de maintien de l'ordre - article ; n°4 ; vol.16, pg 377-391

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Description

Déviance et société - Année 1992 - Volume 16 - Numéro 4 - Pages 377-391
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Tony Jefferson
Le contrôle de la culture policière : le cas des forces militarisées
de maintien de l'ordre
In: Déviance et société. 1992 - Vol. 16 - N°4. pp. 377-391.
Citer ce document / Cite this document :
Jefferson Tony. Le contrôle de la culture policière : le cas des forces militarisées de maintien de l'ordre. In: Déviance et société.
1992 - Vol. 16 - N°4. pp. 377-391.
doi : 10.3406/ds.1992.1283
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ds_0378-7931_1992_num_16_4_1283Déviance et Société, 1992, Vol. 16, No 4, pp. 377-391
LE CONTRÔLE DE LA CULTURE POLICIÈRE
Le cas des forces militarisées de maintien de l'ordre1
T. JEFFERSON*
C'est une idée communément admise par la sociologie que la «culture poli
cière» — c'est-à-dire la façon dont les fonctionnaires voient la société et le rôle
qu'ils ont à y jouer (Reiner, 1985, p. 85) — résulte de Y impossible mandat
(Manning, 1971) confié à la police: cette exigence conjointe d'une forte product
ivité, mesurée en nombre d'arrestations, et d'un strict respect de la loi. La
contradiction inhérente à cette double exigence engendre une culture qui laisse
une place endémique aux pratiques illégales et qui, en partie pour dissimuler
celles-ci aux autorités supérieures et à l'opinion, cultive certaines valeurs central
es telles que le secret et la solidarité avec les collègues. Parallèlement, la concept
ion dominante veut que les cadres de la police soient voués à un professionna
lisme fondé sur le respect de la loi et sur l'efficacité technique — ce que Holda-
way (1977) a appelé un professionalisme de l'encadrement. Ainsi postule-t-on un
fossé entre le policier de terrain et le policier cadre (Reuss-Ianni & Ianni, 1983),
que l'encadrement a précisément pour tâche de combler. Et il s'y efforce avec
constance en recourant à l'un des divers instruments dont il dispose, ou à tous
à la fois, à savoir la définition d'une politique, les consignes, le recrutement,
la formation, la discipline, le contrôle, la promotion, etc.
A rencontre de ces idées reçues, mon propos sera de montrer qu'une telle
approche du problème posé par la mentalité policière, qui entend remédier à la
déviance des policiers en améliorant la communication entre les niveaux hiérar
chiques, en recrutant du personnel plus qualifié, en améliorant la formation,
en renforçant les contrôles, etc., fait preuve d'un aveuglement opiniâtre. Je
soutiendrai au contraire que, si l'on veut comprendre cette déviance, il faut y
voir le corollaire d'une structure juridique qui, en reconnaissant le pouvoir
discrétionnaire des agents et en les considérant comme personnellement respon
sables de leurs actes, rend inopérants en tant que moyens d'exercer l'autorité
certains instruments tels que la définition d'une politique et le contrôle. Je
voudrais également montrer que la nature particulière de cette structure
juridique, avec les pouvoirs réels qu'elle confère aux fonctionnaires du rang,
combinée avec les caractéristiques particulières que revêt le contact entre la
* Université de Sheffield; ce texte a été traduit par D. Blanchard.
1 Sur le sens de cette expression en Grande-Bretagne, cf. pp. 379 et 380 (NdT).
377 et la population lors des opérations de maintien de l'ordre, rend égalpolice
ement caduque l'influence modératrice que devrait en principe pouvoir exercer
la population. Il résulte de tous ces facteurs, tel est du moins mon propos, que
dans les situations telles que les opérations de maintien de l'ordre, qui laissent
aux hommes du rang la plus grande latitude dans l'application de la loi, les
valeurs propres à la culture policière prévalent, non pas en raison d'une carence
quelconque de l'encadrement, mais principalement en d'une structure
juridique laxiste qui permet à ces valeurs, et à la déviance qui leur est associée,
de s'imposer. Je voudrais enfin illustrer cette thèse à l'aide de mes recherches
sur les pratiques des forces militarisées de maintien de l'ordre, car c'est dans ce
genre d'unités que le problème se pose avec le plus d'acuité.
Le maintien de l'ordre: le contexte immédiat
Le maintien de l'ordre passe à bon droit pour la tâche centrale de la police;
c'est aussi la plus discutée. A partir du début du XIXe siècle, la Grande-Bretagne
s'est dotée d'une police «moderne» afin de conjurer les menaces de désordres
liées à l'afflux d'une population rurale dépossédée venant rapidement gonfler
les rangs d'un prolétariat industriel de plus en plus citadin. Depuis lors, l'his
toire des opérations de maintien de l'ordre n'a pas cessé d'être ponctuée
d'affrontements liés à divers conflits sociaux, industriels ou politiques et
matière à controverses. Et tout naturellement, les périodes où ces conflits ont
connu leur plus grande acuité ont été aussi celles où les affrontements avec la
police ont été les plus violents et les plus controversés.
En Grande-Bretagne, les années 1980 — la «décennie Thatcher» — ont été
marquées par la récession économique et toute une série de conflits sociaux et
politiques découlant des efforts du thatchérisme pour transformer la vie écono
mique, sociale et politique du Royaume-Uni selon l'idée qu'il se faisait de la
«modernisation». Il en a notamment résulté une polarisation accrue de la
population, dont les manifestations les plus spectaculaires ont consisté dans
l'élargissement du fossé séparant riches et pauvres, dans des conflits industriels
nombreux et graves et dans des émeutes suburbaines de grande envergure. Tous
ces événements ont mis au premier plan le problème du maintien de l'ordre. Et
à mesure qu'on augmentait les pouvoirs de la police ainsi que sa capacité de
tuer, et cela tout particulièrement lors des opérations de maintien de l'ordre où
la pratique est devenue tout à fait courante de déployer des unités spéciales
d'intervention pourvues d'un matériel quasi-militaire, les incidents discutables
se sont multipliés. Dans ce contexte — celui d'un gouvernement fort imposant
des réformes impopulaires, d'une intensification des conflits, de masses crois
santes de gens se sentant, à des titres divers, marginalisés, dépossédés ou lésés,
et d'une police dotée de pouvoirs accrus, d'une plus grande liberté d'action et
d'un matériel plus perfectionné — dans ce contexte, donc, le problème du
contrôle de la culture policière a revêtu une urgence nouvelle et d'ordre politi
que. Et il est certain que pour de nombreux jeunes des banlieues et autres
378 destinataires habituels de la violence policière, la mise en œuvre de moyens
«militarisés» de répression est devenue à elle seule, et indépendamment de leurs
autres griefs, une source de ressentiment et d'humiliation.
La signification du maintien de l'ordre
par des moyens militarisés dans le contexte britannique
Afin de dissiper tout malentendu qui pourrait surgir en raison des différen
ces entre la Grande-Bretagne et le continent en ce qui concerne les forces de
maintien de Tordre, je vais préciser brièvement ce dont il s'agit lorsque je parle
de forces militarisées. Il ne s'agit pas d'unités dépendant du pouvoir central,
comme les CRS françaises. Dans les années soixante, on a un moment envisagé
d'en créer mais l'idée a été jugée trop contraire à la tradition britannique des
forces locales. Au fil des années, le nombre de ces unités locales s'est certes pro
gressivement réduit — il est aujourd'hui de 43 pour l'Angleterre et le Pays de
Galles — tandis que s'accroissait, indiscutablement, l'influence du centre exer
cée par le Home Office. Mais pour le moment, l'idée continue à prévaloir de
forces locales séparées. Aussi, la mise sur pied d'unités militarisées s'est-elle
effectuée localement et pour chacune, à son propre rythme. Telle est cependant
l'influence du Home Office, transmise habituellement sous la forme de circulai
res contenant des «recommandations», que toutes ces forces ont maintenant
des moyens militarisés, soit sous la forme d'un

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