Le Coq et la jarre Le sexuel et le féminin dans les sociétés afro-caribéennes - article ; n°96 ; vol.25, pg 49-75
28 pages
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Description

L'Homme - Année 1985 - Volume 25 - Numéro 96 - Pages 49-75
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Jacques André
Le Coq et la jarre Le sexuel et le féminin dans les sociétés afro-
caribéennes
In: L'Homme, 1985, tome 25 n°96. pp. 49-75.
Citer ce document / Cite this document :
André Jacques. Le Coq et la jarre Le sexuel et le féminin dans les sociétés afro-caribéennes. In: L'Homme, 1985, tome 25 n°96.
pp. 49-75.
doi : 10.3406/hom.1985.368622
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1985_num_25_96_368622Jacques André
Le Coq et la jarre
Le sexuel et le féminin dans les sociétés afro-caribéennes
Jacques André, Le Coq et la jarre. Le sexuel et le féminin dans les sociétés
afro-caribéennes. — Les éducations respectives du garçon et de la fille
dans les sociétés antillaises visent moins à définir deux attitudes différentes
par rapport à la sexualité qu'à opposer le sexuel au non-sexuel : la sexualité
est masculine. A entendre les hommes cependant, l'inquiétude perce vite
sous l'assurance, le féminin fait retour comme immaîtrisable. L'approche
de la sexualité féminine suppose donc que l'on quitte le niveau des atti
tudes et des énoncés collectifs pour le dédale des histoires individuelles.
L'analyse de quelques cas d'infanticide montre que lorsque le sexuel et
le féminin réunis — sinon réconciliés — font irruption, ce n'est pas entre
l'homme et la femme mais entre la mère et la fille.
L APPRENTISSAGE DES SEXES
Les sociétés antillaises1 procèdent, quant à la sexualité, à un partage
que l'on retrouverait dans bien d'autres cultures : les prérogatives de
l'homme sont à la mesure des contraintes qui s'exercent sur la femme.
Du premier on attendra qu'il atteste une virilité sans faille, de la seconde
qu'elle fasse montre de pudeur et de bienséance. La réputation de l'un
comme la respectabilité de l'autre en dépendent. L'originalité est ailleurs :
dans les moyens mis en œuvre pour assigner à chacun sa place et en
même temps l'écarter du lieu où il est indésirable. « Si le ventre est rond,
ce sera une fille, s'il est pointu un garçon. » La différence des sexes
dessine déjà le ventre maternel. Les éducations sensiblement divergentes
du garçon et de la fille contribueront à asseoir définitivement la position
de chacun et à lui désigner son rôle : la conquête ou la retenue.
Cette logique sociale manifeste prétend également livrer la vérité du
sexuel : c'est une affaire d'hommes. Vérité ou leurre ? Par delà la descrip-
i. Seule la dimension afro-américaine de celles-ci fait l'objet de l'analyse.
L'Homme 96, oct.-déc. 1985, XXV (4), pp. 49-75. 50 JACQUES ANDRÉ
tion des apprentissages on peut se demander dans quelle mesure une
telle logique révèle moins qu'elle ne masque ? Principe de réalité de l'un
comme de l'autre sexe, contre quoi se construit-elle ?
La division du travail
De la fille au garçon, l'écart des éducations est immédiatement
observable dans la répartition des tâches : à la fille les travaux d'inté
rieur, au garçon les corvées au dehors. Une fille aînée : « Toutes les
tâches ménagères reposaient sur mes épaules et cela depuis l'âge de sept
ans. Je lavais, faisais la vaisselle, préparais le repas, m'occupais de mes
frères et sœurs... Mon frère aîné allait chercher de l'eau et du bois. C'est
à peu près tout ce qu'il faisait. » Quand ce n'est pas l'eau ou le bois,
c'est le jardin, les bêtes à attacher ou les courses à faire2.
Impossible de rabattre une telle répartition sur une logique simple
ment fonctionnelle, chacun des sexes accomplissant ce pour quoi il serait
le mieux disposé. Certes ces travaux ont une valeur pratique immédiate
mais ils témoignent, plus fondamentalement, d'une intention systéma
tique : plutôt que de se déduire des dissemblances physiologiques entre
fille et garçon, la distinction des rôles vise au contraire à affirmer la
différence des sexes — qui, au départ, n'est encore qu'une différence
des genres. Une telle distribution ne peut se réduire au partage commode
des tâches et des fonctions ; en témoigne le fait que l'opposition continue
à régir les vies même quand l'un des deux termes manque : « Ma tante
qui n'a que des garçons se tue à tout faire à la maison. Elle prétexte que
les garçons sont maladroits, qu'il faut toujours passer derrière eux ;
autant faire le travail soi-même. La seule chose qu'ils savent faire ce
sont les courses. »
Cette division des travaux domestiques peut se subsumer sous une
antinomie plus générale, celle du dehors (masculin) et du dedans (fémi
nin), qui ordonne les comportements bien au delà de l'enfance, jusqu'à
l'âge d'homme. L'espace masculin est aussi ouvert que l'espace féminin
est confiné. Une fille au dehors, une fille qui sort est une fille « vulgaire »
ou en passe de le devenir, menacée par la dérive : ti- fille pa ka drivé, anja
di zot ! « une fille ne traîne pas, je vous ai déjà dit ! ». Les besognes
de l'enfance obéissent à cette séparation, les jeux aussi : quand la
petite fille joue à la poupée ou à l'école, le garçon vagabonde, chasse ou
2. D'une société afro-caribéenne à l'autre on retrouverait les mêmes tâches et
les mêmes attributions (cf. F. Henry & P. Wilson, "The Status of Women
in Caribbean Societies", Social and Economic Studies, June 1975, 24 (2).
University of the West Indies, Jamaica. Le Coq et la jarre 51
pêche, fabrique des banzas (« fronde »), des cerf s- volants ou des cabouas
(« chariot »).
L'opposition garçon/fille — qui s'étend, on le verra, à bien d'autres
aspects que l'attribution des tâches, celle-ci n'en étant que le plus
visible — a tous les caractères d'un code. Le garçon et la fille sont tous
deux pris dans une logique binaire qui les éloigne terme à terme, qu'il
s'agisse de la nature des activités, de la langue, du corps... Que l'un des
deux en vienne à ne pas respecter la distance, annulant la pertinence de
l'écart, faisant se confondre dangereusement le masculin et le féminin,
le milieu social riposte aussitôt par l'insulte et la honte — une mère :
« Mes quatre enfants sont des garçons, ils m'aidaient à faire le ménage.
Mon fils aîné lavait le linge, préparait le repas. Un jour, il avait environ
douze ans, des camarades se sont moqués de lui. Ils l'ont appelé
' makomè '3. Depuis il n'a plus voulu m'aider ou alors il le faisait en
cachette. » L'insulte makomè désigne moins l'homosexualité comme telle,
qu'elle ne résume à elle seule toute transgression des rôles dont le garçon
peut se rendre coupable. Le mot est en quelque sorte le signifiant général
de tout manquement au code : il renvoie à la confusion des sexes, à la
méconnaissance de la différence par le garçon et plus tard par l'homme,
qu'il fasse le ménage, la cuisine, qu'il parle un français pointu, qu'il
n'ait pas de maîtresse, soit cocu, ou sorte trop rarement de chez lui.
Le partage des langues
En Guadeloupe comme en Martinique les fonctions du langage
s'exercent à travers deux langues différentes — même si l'une est née
à l'ombre de l'autre et continue de s'y mouvoir — , le créole et le français.
Pour simplifier, disons que le créole est la langue vernaculaire, porteuse
des affects, le français la langue véhiculaire, de l'école, de l'échange
commercial, de la bureaucratie...
Cette situation diglossique — chacun des locuteurs étant générale
ment susceptible de parler les deux langues suivant les circonstances —
est cependant compliquée par d'autres paramètres : selon le statut
social, l'origine urbaine ou rurale, on parlera plus volontiers l'une ou
l'autre ; leur opposition est aussi hiérarchique. Plus surprenante peut-être
est l'articulation entre cette dualité des langues et la différence des sexes.
Que deux femmes se croisent en ville, elles s'aborderont bien souvent
en français. D'emblée, deux hommes se parleront plus aisément en

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