Le corps des officiers allemands, de l Empire au nazisme - article ; n°2 ; vol.22, pg 370-384
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1967 - Volume 22 - Numéro 2 - Pages 370-384
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Pierre Ayçoberry
Le corps des officiers allemands, de l'Empire au nazisme
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 22e année, N. 2, 1967. pp. 370-384.
Citer ce document / Cite this document :
Ayçoberry Pierre. Le corps des officiers allemands, de l'Empire au nazisme. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations.
22e année, N. 2, 1967. pp. 370-384.
doi : 10.3406/ahess.1967.421528
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1967_num_22_2_421528MISE AU POINT
LE CORPS DES OFFICIERS ALLEMANDS,
DE L'EMPIRE AU NAZISME
Entre tous les acteurs de la république de Weimar et du régime nazi
c'est — après Adolf Hitler — l'armée qui a suscité le plus d'intérêt.
Journalistes et érudits, civils et militaires, avocats et procureurs s'a
ccordent à lui donner un premier rôle dans la vie politique, en dépit
ou à cause de son apolitisme. Dès 1938, J. Benoist-Méchin la montrait
assurant la pérennité de l'Allemagne entre la grandeur de l'Empire et le
« renouveau » national- socialiste x ; sympathique aux militaires et,
plus qu'il ne l'avouait, au IIIe Reich, il en comprenait mieux les affi
nités que les oppositions. Puis les peuples victimes de la guerre eurent
assez naturellement tendance à confondre l'uniforme gris-vert et l'un
iforme brun ou noir. Encore que le tribunal de Nuremberg n'ait condamné
ni l'armée allemande ni même le grand État-Major comme organisations
criminelles, tous ceux qui, peu après 1945, se penchaient sur les origines
de la guerre expliquaient celle-ci par la conjonction d'une tyrannie
moderne avec un militarisme invétéré ; dans cette perspective, les
complots militaires contre Hitler, dont on ne pouvait nier la réalité,
n'apparaissaient que comme des épisodes, émouvants certes, mais
voués à l'échec a.
Troisième étape: aux journalistes succèdent les historiens. A défaut
des archives militaires, disparues ou difficilement exploitables, on
dépouille les papiers de Seeckt, de Groener, des hommes politiques. Les
rapports de l'armée avec la République, puis avec la dictature, appa
raissent dans leur complexité. Ce qui n'empêche pas chaque auteur,
suivant son tempérament, d'absoudre les généraux au bénéfice du doute 8
1. Jacques Benoist-Méchin, Histoire de Varmée allemande depuis l'armistice (2 vol.
1936-1938). L'édition récente en six volumes n'ajoute pas grand-chose à l'ancienne
pour les questions militaires antérieures à 1938.
2. Le représentant classique de cette tendance est : John Wheeler-Bennett, The
Nemesis of Power (1953), trad. fr. : Le drame de Varmée allemande (1955).
3. Harold J. Gordon, The Reichmehr and the German Republic 1919-1926 (1957),
trad, allemande 1959 sous le même titre.
370 ALLEMANDS OFFICIERS
ou de les condamner avec nuances г. Car ces histoires de l'armée all
emande, loin de suivre la voie ouverte par Benoist-Méchin, se limitent
à un quarteron de généraux : les commandants en chef successifs et
leurs adjoints. Cette étroitesse du champ de vision impose le recours à
la psychologie traditionnelle et aux portraits en pied : Seeckt mystér
ieux mais loyal (ou loyal mais mystérieux), Groener efficace mais
naïf, Schleicher intrigant (sur lui tout le monde tombe d'accord)... La
scène quitte rarement les bureaux de la Bendlerstrasse à Berlin, siège
du ministère de la guerre et de PÉtat-Major.
Nous n'avons évoqué que la littérature anglo-saxonne d'après-
guerre 2. Bien vite, elle a trouvé en Allemagne — du moins en Allemagne
de l'Ouest — des répondants ou des contradicteurs. Sans vouloir coller
à toute l'historiographie de la république fédérale l'étiquette de « revan
charde », on doit cependant constater que trop d'auteurs se sont
contentés de reprendre le débat dans les mêmes termes : « les généraux
et la politique », et sous la forme d'un plaidoyer plus ou moins déguisé.
Ici encore, le progrès d'un ouvrage à l'autre n'est que dans la quantité
d'informations 8.
Qu'il soit difficile, vingt ans après la fin du régime nazi, de mettre
entre parenthèses le souvenir de ses crimes, et par conséquent d'étudier
sans passion ni jugement moral le rôle des chefs de l'armée, c'est évident.
Mais il n'est pas moins évident que la psychologie de quelques individus
n'explique pas toute l'armée, si disciplinée soit celle-ci. Lorsque Seeckt
refusait en 1920 de marcher contre le putsch de Kapp, en déclarant :
« La Reichswehr ne tire pas sur la Reichswehr » ; lorsque, en pleine crise
de 1923, il annonçait à Stresemann que celui-ci n'avait plus la confiance
de l'armée ; lorsqu'en 1932 Schleicher reprenait le même argument pour
faire tomber Groener, l'armée formait-elle vraiment un bloc, ou bien
ces grands chefs n'avaient-ils pas fabriqué un mythe pour effrayer les
hommes au pouvoir ? Le problème de la culpabilité ou de l'innocence de
l'armée dans l'échec de Weimar et les succès de Hitler ne s'éclaire donc
que si l'on étudie l'ensemble du milieu militaire. Fort heureusement,
un certain nombre d'ouvrages allemands sont venus nous renseigner,
au moins sur le corps des officiers. Grâce à eux, et à quelques détails
fournis par les études plus politiques auxquelles on vient de faire allusion
1. Gordon A. Craig, The Politics of the Prussian Army 1640-1945 (1955).
2. En France, Georges Castellan, Le réarmement clandestin du Reich, 1930-1935
(thèse 1954) se place au point de vue particulier du 2e Bureau français.
3. Walter Górlitz, Der deutsche Generalstab 1657-1945 (1950), plus vaste que son
titre, mais plein d'erreurs. Gerhard Ritter, Staatskunst und Kriegshandwerk (les
2 vol. parus, 1954 et 1960, s'arrêtent à 1914) ; Waldemar Erfurth, Die Geschichte des
deutschen Generalstabes 1918-1945 (1957) traite les aspects techniques de son sujet
mais s'égare aussi parfois dans le plaidoyer. De même Wiegand Schmidt-Richberg,
« Die Generalstabe in Deutschland 1871-1945 » (Beitrdge zur Militàr- und Kriegsge-
schiehie, Bd. 3, 1962).
371 ANNALES
il est possible de poser enfin des questions concrètes sur la vraie nature
des armées successives ou parallèles, le recrutement, les traditions et
le comportement de leurs officiers entre le début du siècle et 1939.
Certes, à côté de la société militaire, il faudrait aussi observer la milita
risation de la société civile, sous peine de laisser dans le vague bien des
aspects du fameux « militarisme » allemand ; mais nous nous conten
terons d'allusions à cette question encore mal débrouillée x.
A la veille de la Grande Guerre, le corps des officiers prussiens ne
ressemblait plus exactement à sa légende. L'officier issu de la petite
noblesse terrienne de l'Est pouvait donner le ton aux autres, il était
loin de dominer numériquement. C'est ici que les statistiques souvent
citées méritent d'être examinées de près.
D'abord il y avait noblesse et noblesse : beaucoup de familles de
comtes, de barons ou de simples « von » n'avaient reçu leur titre des
rois de Prusse que depuis le milieu du xvme siècle à la suite de services
rendus, quand elles ne l'avaient pas elles-mêmes usurpé ; de sorte que
si l'on groupe, d'une part la noblesse de race, d'autre part la noblesse
récente et la roture, ce qui n'a été fait que pour les généraux, on découvre
que « la noblesse ancienne de la vieille Prusse a joué jusqu'au xxe siècle
un rôle eminent mais non prédominant » 2.
Ensuite, la vieille noblesse ne se confondait plus avec la classe des
propriétaires de grands domaines : à la fin du xixe siècle, un tiers seul
ement des biens équestres (Rittergiiter) des provinces est-elbiennes
appartenaient à des nobles ; les autres avaient été achetés, souvent
plusieurs fois de suite, par des roturiers. Et les familles nobles n'avaient
pu se maintenir qu'en s 'adaptant à l'économie nouvelle, en empruntant
et spéculant. Le jeune Junker n'était donc plus que rarement un fils
de hobereau pauvre, amené au service du roi par la misère autant que par
fidélité ; c'était plutôt un fils de capitaliste 8.
Surtout, les transformations sociales et l'augmentation des

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