Le Don d enfants dans la société malaise - article ; n°3 ; vol.23, pg 101-114
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Description

L'Homme - Année 1983 - Volume 23 - Numéro 3 - Pages 101-114
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 61
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Josiane Massard
Le Don d'enfants dans la société malaise
In: L'Homme, 1983, tome 23 n°3. pp. 101-114.
Citer ce document / Cite this document :
Massard Josiane. Le Don d'enfants dans la société malaise. In: L'Homme, 1983, tome 23 n°3. pp. 101-114.
doi : 10.3406/hom.1983.368417
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1983_num_23_3_368417LE DON D'ENFANTS DANS LA SOCIÉTÉ MALAISE
par
JOSIANE MASSARD
Sans atteindre la complexité ou l'amplitude notées pour l'Afrique occidentale
(M. Etienne 1979; E. Goody 1970; Lallemand 1976, 1980), l'adoption est une
pratique universellement attestée dans la société malaise de la Péninsule (Rose
mary Firth 1966; Maeda 1975) et de Singapour (Dj amour 1965). Les études
réalisées à ce jour renseignent sur l'incidence statistique du phénomène sans tou
tefois l'articuler à d'autres faits sociaux — tels que les pratiques échangistes — ou
en déterminer les fondements idéologiques. C'est dans cette double perspective
que nous tentons ici de rendre compte de nos propres observations1. En outre, nous
voudrions souligner l'importance, jusqu'alors ignorée, de l'adoption symbolique.
GÉNÉRALITÉS
La société malaise se caractérise par un système de parenté dit indifférencié
qui ne s'accompagne pas de la formation de groupes de filiation, mais qui, foca
lisant les liens autour d'Ego, engendre de très nombreux réseaux fortement indi
vidualisés. Le partenaire matrimonial idéal est le cousin (matrilatéral ou patri-
latéral, parallèle2 ou croisé), souvent remplacé par un cousin moins proche ou, à
défaut, par un non-parent choisi de préférence dans la communauté villageoise. Cette
restriction de l'espace matrimonial se traduit par une relative endogamie de village.
La résidence suit un modèle uxorilocal aujourd'hui bouleversé par les contraintes
économiques qui attirent les jeunes couples vers les centres urbains.
1. Les matériaux ethnographiques présentés ici ont été recueillis lors de deux séjours
dans un village malais de la basse vallée du Pahang (Malaysia de l'Ouest) ; le premier, de
février 1978 à mars 1979, a été financé par une allocation DGRST, le second, de mai à
août 1980, par des crédits CNRS-CeDRASEMI. Les matériaux ont été complétés lors d'une
mission CNRS-CeDRASEMI effectuée en juillet et août 1982 dans un centre de migration
situé également dans l'État de Pahang.
2. Contrairement à J. Dj amour (1965), nous n'avons pas noté d'aversion pour le mariage
« arabe » type entre cousins parallèles patrilatéraux.
L'Homme, juil.-sept. 1983, XXIII (3), pp. 101-114. 102 JOSIANE MASSARD
La transmission des biens — parmi lesquels la terre est le plus valorisé — obéit
soit à la loi musulmane soit au droit coutumier3. Dans la région que nous connais
sons, la basse vallée du Pahang, les deux systèmes ont cours et les femmes sont
propriétaires fonciers au même titre que les hommes, obtenant souvent le lopin
de terre attenant à la maison.
L'unité de production et de consommation est la maisonnée — le plus souvent
aujourd'hui la famille nucléaire — , et les activités économiques sont partagées
plus ou moins équitablement par les deux conjoints. On exige peu des enfants, si
ce n'est de prendre soin de leur cadet, ou, pour les filles seulement, d'effectuer de
menus travaux domestiques ; les demandes peuvent s'intensifier à l'approche de
l'adolescence mais elles ne revêtent jamais un caractère impératif et aucune sanc
tion ne menace l'enfant qui choisit de ne pas y répondre. En général, la période
d'attente — sociale et économique — qui fait suite à la scolarisation4 tend à
prolonger la relation de dépendance qui caractérise le lien parents-enfants en bas
âge. Comme cela a été mainte fois souligné, les adultes se plient très volontiers aux
requêtes des petits, leur donnant de l'argent de poche ou leur achetant les douceurs
qu'ils réclament. Une telle générosité perdure aussi longtemps que l'enfant n'a
pas d'emploi, qu'il soit ou non en âge de travailler.
Dès que celui-ci — alors adolescent ou, plus fréquemment, adulte — a trouvé
un emploi, le rapport économique s'inverse ; on considère qu'il est « déjà installé »
(sudah jetas), et de consommateur il devient producteur. Qu'il habite la ville ou
qu'il continue à résider chez ses parents, il remet à ceux-ci une part non négli
geable de son salaire sous forme d'argent liquide, de produits alimentaires ou de
biens de consommation. Ces dons permettent de faire face aux dépenses courantes
et à d'autres, d'ordre somptuaire (pèlerinage à La Mecque, fête de mariage ou de
circoncision), qui sont nécessaires pour assurer aux parents leur statut dans la
communauté. Les contributions ne cessent pas après le mariage ou à la naissance
des enfants, il arrive même qu'elles constituent les seules ressources des parents,
qui abandonnent alors toute activité. Une telle redistribution des gains est consi
dérée comme un dû, contrepartie différée des soins dispensés ; elle est consentie
par la plupart des enfants. Ceux qui s'y soustraient sont taxés d'ingratitude et
d'avarice ; de leur côté, les parents leur donnent des produits du jardin dont la
valeur monétaire est de loin inférieure à celle de l'aide reçue et ne visent d'ailleurs
pas à la compenser. Les villageois associent explicitement le fait d'avoir une de
scendance nombreuse et la perspective d'une vieillesse paisible5 : « Lorsqu'on a
beaucoup d'enfants, la vie est facile » (anak ramai, senang duduk) .
3. La première privilégie les héritiers de sexe masculin, le second répartit également les
biens, quel que soit le sexe des héritiers.
4. Celle-ci a été particulièrement étudiée par W. Wilder (1970).
5. Vieillesse parfois précoce, définie de manière relative par l'entrée des enfants dans la
vie professionnelle plutôt que par l'usure physique. DON D ENFANTS 103
La valorisation utilitaire des enfants n'exclut pas des liens affectifs profonds.
Les enfants sont aimés pour eux-mêmes et, petits, reçoivent des soins attentifs ;
bien que les marques gestuelles d'affection se raréfient après la petite enfance,
l'attachement et la sollicitude demeurent et la générosité en est l'expression
tangible : quand on aime, on partage et on s'entraide.
La fertilité est donc source de gratifications affectives, sociales et matérielles,
et on comprend qu'un couple sans enfants soit objet de pitié6. Les défaillances
étant généralement imputées aux épouses, la stérilité est la pire calamité qui puisse
affliger une femme ; celle-ci ne devient membre à part entière de la communauté
que lorsqu'elle est mère, et l'adoption apparaît comme le seul moyen de remédier à
un éventuel échec7.
L'expression anak angkat (« enfant pris », c'est-à-dire « adopté ») désigne aussi
bien un enfant adopté définitivement qu'un enfant « partagé » symboliquement,
mais les villageois préciseront aussitôt s'il s'agit de « donner vraiment » (kasi
betul) ou de « donner une part » (kasi abu)B. De même, si en adresse les tuteurs
— totaux ou symboliques — sont assimilés aux géniteurs par l'emploi des termes
mak « maman » et aydh « papa », l'ambiguïté disparaît en référence spontanée; les
liens établis par l'adoption totale sont traités comme des liens biologiques mais les
uns et les autres sont clairement dissociés des liens dus au « partage » symbolique :
l'expression say a puny a anak « mon enfant » ou « j'ai un enfant » sera réservée aux
« vrais » enfants — par le sang ou l'adoption définitive — et ne pourra désigner un
enfant « donné en partie ».
L'adoption totale
En tant que fait social, elle obéit à un modèle non explicité mais affleurant dans
les cas où le transfert a été spontané — voulu par les deux parties : génitrice et
tutrice — et non imposé par les circonstances : décès ou remariage de la mère
biolo

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