Le général Kislitsin, chef du bureau de l'Émigration russe à Harbin — du monarchisme russe et de l'esprit du Bushido - article ; n°1 ; vol.20, pg 109-149

Sabine Breuillard

Description

Ebisu - Année 1999 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 109-149
The present study analyses the situation of Russian émigrés in Manchuria during the Manchukuo experiment (1932-1945) through the General Kislitsin's exemplary case. Bureau of Russian Emigré Affairs' director, constrained to treat with the Japanese, Kislitsin helped them to fight with the Komintern. A deeply convinced Russian monarchist, he happened to discourse on Bushidô, but never giving the impression of betraying the Russian cause. Denounced in 1943 as a double agent, he dies struck by a mysterious disease, probably poisoned. The General Kislitsin's non elucidated death crystallizes and illustrates the contradictions of this society.
The survey is based on archives documents and oral history.
L'étude examine la situation des émigrés russes en Mandchourie à l'époque du Mandchoukouo (1932-1945) à travers le cas exemplaire du général Kislitsin. Chef du Bureau des Emigrants, contraint de composer avec l'occupant japonais, Kislitsine l'assiste dans sa lutte contre le Komintern. Monarchiste convaincu, il discourt sur le Bushidô sans jamais donner l'impression de trahir la cause russe. Dénoncé en 1943 comme agent double, il meurt d'un mal mystérieux, probablement empoisonné. La mort non élucidée du général Kislitsine cristallise et illustre les contradictions de cette société.
L'étude s'appuie sur des documents d'archives et sur des témoignages.
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: EBISU
• Publié le: 01 janvier 1999
• Nombre de lectures: 22
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Sabine Breuillard
Le général Kislitsin, chef du bureau de l'Émigration russe à
Harbin — du monarchisme russe et de l'esprit du Bushido
In: Ebisu, N. 20, 1999. pp. 109-149.
Abstract
The present study analyses the situation of Russian émigrés in Manchuria during the Manchukuo experiment (1932-1945)
through the General Kislitsin's exemplary case. Bureau of Russian Emigré Affairs' director, constrained to treat with the
Japanese, Kislitsin helped them to fight with the Komintern. A deeply convinced Russian monarchist, he happened to discourse
on Bushidô, but never giving the impression of betraying the Russian cause. Denounced in 1943 as a double agent, he dies
struck by a mysterious disease, probably poisoned. The General Kislitsin's non elucidated death crystallizes and illustrates the
contradictions of this society.
The survey is based on archives documents and oral history.
Résumé
L'étude examine la situation des émigrés russes en Mandchourie à l'époque du Mandchoukouo (1932-1945) à travers le cas
exemplaire du général Kislitsin. Chef du Bureau des Emigrants, contraint de composer avec l'occupant japonais, Kislitsine
l'assiste dans sa lutte contre le Komintern. Monarchiste convaincu, il discourt sur le Bushidô sans jamais donner l'impression de
trahir la cause russe. Dénoncé en 1943 comme agent double, il meurt d'un mal mystérieux, probablement empoisonné. La mort
non élucidée du général Kislitsine cristallise et illustre les contradictions de cette société.
L'étude s'appuie sur des documents d'archives et sur des témoignages.
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Breuillard Sabine. Le général Kislitsin, chef du bureau de l'Émigration russe à Harbin — du monarchisme russe et de l'esprit du
Bushido. In: Ebisu, N. 20, 1999. pp. 109-149.
doi : 10.3406/ebisu.1999.1017
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ebisu_1340-3656_1999_num_20_1_1017LE GÉNÉRAL KISLITSIN
CHEF DU BUREAU DE L'ÉMIGRATION RUSSE À HARBIN
DU MONARCHISME RUSSE ET DE L'ESPRIT DU « BUSHIDO »*
Sabine BREUILLARD
Docteur en histoire à l'Université Paris I — Panthéon-Sorbonne
Résumé
L'étude examine la situation des émigrés russes en Mandchourie à
l'époque du Mandchoukouo (1932-1945) à travers le cas exemplaire du général
Kislitsin. Chef du Bureau des Emigrants, contraint de composer avec
l'occupant japonais, Kislitsine l'assiste dans sa lutte contre le Komintern.
Monarchiste convaincu, il discourt sur le Bushidô sans jamais donner
l'impression de trahir la cause russe. Dénoncé en 1943 comme agent double,
il meurt d'un mal mystérieux, probablement empoisonné. La mort non
élucidée du général Kislitsine cristallise et illustre les contradictions de cette
société.
L'étude s'appuie sur des documents d'archives et sur des témoignages.
1 À la mémoire de Vladimir Klepikov, et pour Galia, son épouse. Vladimir
Mikhailovich Klepikov, né en Mandchourie en 1922, est mort à Khabarovsk
en août 1998. Arrêté fin août 1945 à Harbin par le SMERSH, il avait été
déporté pendant dix ans dans le camp de Tavda au nord de Sverdlosk, puis
à Oznanka dans le Vostok-Ural-Lag (17 340 personnes dont 300 femmes
furent alors déportées hors de Mandchourie, d'après É. Rachinskaia,
Kaleidoskop zhizni, [Le kaléidoscope de la vie], p. 254).
N.B. - Pour la transcription du russe, nous suivons le système anglo-saxon
(« sh » désigne ce que le français note « ch » ; « ch », ce que le français note
« tch » ; « zh » correspond au « j » de « jour ») ; à l'exception de quelques
noms propres fixés en français depuis longtemps comme Koltchak et le
grand-duc Cyrille Vladimirovitch.
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Summary
The present study analyses the situation of Russian émigrés in
Manchuria during the Manchukuo experiment (1932-1945) through the
General Kislitsin's exemplary case. Bureau of Russian Emigré Affairs' director,
constrained to treat with the Japanese, Kislitsin helped them to fight with
the Komintern. A deeply convinced Russian monarchist, he happened to
discourse on Bushidô, but never giving the impression of betraying the Russian
cause. Denounced in 1943 as a double agent, he dies struck by a mysterious
disease, probably poisoned. The General Kislitsin's non elucidated death
crystallizes and illustrates the contradictions of this society.
The survey is based on archives documents and oral history.
(18 8 4-1944) >^ ^ fcf > <7) n y
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t (193 2-1945) (D'M JMK&tf&u
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110 KISLITSIN : CHEF DU BUREAU DE L'ÉMIGRATION RUSSE À HARBIN
Je voyais clairement que ce chemin devait se terminer
à la mort. L 'esprit du Yamato est ce qui me précipita à
oser, quoi qu 'il advienne.
2 Yoshida Shoin
Qui était le général Kislitsin ? Vladimir Alexandrovich
Kislitsin ? Qui était cet homme qui, à l'époque du Mandchoukouo,
accepta de diriger le Bureau de l'Émigration russe, créé par les Japonais
à Harbin, et qui le dirigea de 1938 à 1943 ? Général blanc, il avait
échoué comme tant d'autres dans cette ville en 1920, après la défaite
des armées blanches et la chute du gouvernement d'Omsk de Koltchak.3
Ville construite par les Russes en Mandchourie en 1898 lors de la
2 Sans titre. Strophe que Yoshida Shôin écrivit à la veille de son
exécution, cité par Nitobe Izano, Bushido, l'âme du Japon, Paris, Budo Éditions,
1997, p. 129. Yoshida Shôin ^BBfôlt (1830-1859), chef de file des guerriers
xénophobes, hostiles aux concessions accordées aux Occidentaux. Chaud
partisan de l'empereur, ce patriote est exécuté en 1859. Le ministre Ii Naosuke,
cjui l'avait fait arrêter et qui avait été le signataire de ces concessions avec les
Etats-Unis, sera assassiné en 1860 par les xénophobes.
3 Alexandr Vassilievich Kolchak [Koltchak] (Saint Pétersbourg, 1874
— Irkoutsk, 1920), son nom symbolise un épisode important de la révolution
russe. Amiral russe (1915), ennemi déclaré des bolcheviks, il devint l'un des
dirigeants de la contre-révolution. Excellent marin, il explore avant 1914 les
régions polaires (1900-1903 et 1908-1911) et découvre dans la mer de Kara
une île qui portera son nom. Il participe à la guerre russo-japonaise 1904-1905
à Port- Arthur, où il commande un contre-torpilleur et une batterie. Pendant
la Première Guerre mondiale, il dirige la flotte russe de la Baltique, puis celle
de la Mer Noire. Dans l'impossibilité d'exercer normalement son
commandement, il démissionne en mai 1917. Il est envoyé en mission en
Grande-Bretagne et aux États-Unis. En octobre 1918, il arrive à Omsk, et
organise avec l'aide des Alliés un gouvernement russe dont l'autorité sera
reconnue par Denikin. Proclamé «Régent suprême de la Russie», Kolchak
prépare une attaque contre Moscou avec l'aide de la célèbre Légion
tchécoslovaque formée d'anciens prisonniers de l'armée autrichienne. Devant
l'arrivée des communistes qui menacent Omsk en octobre 1919, il bat en
retraite et se réfugie à Irkoutsk, où il se démet de ses fonctions. Il est livré
par les Tchèques aux bolcheviks qui avaient pris le pouvoir dans cette ville.
Il est fusillé, sans jugement, le 7 février 1920.
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création du chemin de fer de la Chine de l'Est, Harbin était, en effet,
apparue à ces foules d'émigrés chassés de Russie par les bolcheviks,
comme un asile possible.4
Présenté tantôt comme une vieille baderne au cerveau ramolli
par l'alcool, tantôt le héros aux quatorze blessures reçues
pendant la guerre civile, tantôt comme un homme de bien, cultivé,
tantôt au contraire comme une figure odieuse, — son personnage est
difficile à cerner.
Fut-il le docile serviteur de l'occupant japonais, ce
collaborateur supposé qui avalisa la politique de la Mission Militaire
Japonaise, le Tokumu kikan #H?$l|li ? On serait porté à le croire. Il
avait en effet été précédé à la tête du BREM (Bureau des Emigrants
russes) en 1938 pendant une période de 44 jours par un fasciste notoire,
Konstantin Vladimirovich Rodzaevskii. Le parti, que ce dernier avait
fondé en 1931, s'était transformé en 1933 en Parti Fasciste Panrus