Le jouet au coeur des stratégies familiales d éducation - article ; n°1 ; vol.40, pg 165-182
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Sociétés contemporaines - Année 2000 - Volume 40 - Numéro 1 - Pages 165-182
RÉSUMÉ: À partir des résultats d’une enquête sur les usages sociaux du jouet, cet article se propose d’examiner l’importance du jouet dans les stratégies familiales d’éducation. Il analyse la manière dont les parents utilisent le jouet dans le suivi de la scolarité de leur enfant ainsi que les définitions qu’ils en donnent. Objet a priori éloigné de l’univers scolaire, le jouet est un outil d’apprentissage pour les milieux socioculturels moyens et supérieurs alors qu’il est un outil de pression scolaire en milieux populaires. Si pour l’ensemble des milieux sociaux l’école est aujourd’hui une nécessité, les stratégies déployées par les parents diffèrent socialement: les usages du jouet en constituent une preuve concrète.
SANDRINE VINCENT
Toys as the Center of Family Educational Strategies
Based on a survey’s results concerning the social uses of toys, this article analyzes the importance of the toy in familial strategies in education. It shows the way that parents use the toy throughout the school years and the meanings that parents assess to it. This object, which at first appears to be unrelated to the educational process, is actually a learning tool for the middle and upper social classes and a tool for applying academic pressure on children for the lower classes. Although today school is a necessity for all social groups, parents’ strategies for raising their children differ according to social class: the uses of toys are perfect examples.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 374
Langue Français

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      S A N D R I N E V I N C E N T       
LE JOUET AU CŒUR DES STRATEGIES FAMILIALES D’EDUCATION
RÉSUMÉ :   partir des résultats d’une enquête sur les usages sociaux du jouet, cet article se propose d’examiner l’importance du jouet dans les stratégies familiales d’éducation. Il ana-lyse la manière dont les parents utilisent le jouet dans le suivi de la scolarité de leur enfant ainsi que les définitions qu’ils en donnent. Objet a priori éloigné de l’univers scolaire, le jouet est un outil d’ pprentissage pour les milieux socioculturels moyens et supérieurs alors  a qu’il est un outil de pression scolaire en milieux populaires. Si pour l’ensemble des milieux sociaux l’école est aujourd’hui une nécessité, les stratégies déployées par les parents diffè-rent socialement : les usages du jouet en constituent une preuve concrète.  D’un bout à l’autre de l’échelle sociale, les familles sont aujourd’hui convain-cues de l’utilité de l’école. Depuis quelques années, ce constat régulièrement confir-mé (Terrail, 1984 ; Lahire, 1995), ne permet plus de conclure – comme les enquêtes sur les inégalités de réussite et de choix de cursus l’avaient fait dans les années 60-70 (Girard, 1965) – au désintérêt singulier des familles populaires à l’égard de l’institution scolaire. De l’ouvrier au cadre supérieur, la réussite scolaire est devenue essentielle dans les esprits, les parents accordant aux diplômes un rôle primordial dans l’insertion socioprofessionnelle future de leurs enfants. Preuve en est : « 76 % des parents souhaitent que leur enfant poursuive ses études jusqu’à l’âge de 20 ans et plus  (Caille, 1992, p. 15). Cette demande est sans doute légitime car, comme le rappellent M. Duru-Bellat et A. Henriot-van Zanten, les relations entre diplôme et emploi n’ont jamais été aussi fortes (1992, p. 60). Pour comprendre l’orientation, la réussite ou encore la construction des trajectoires scolaires, les sociologues ont dans un premier temps privilégié le rôle de l’école et ses mécanismes de reproduction des inégalités sociales. Plus récentes, les enquêtes menées ont permis de nuancer l’exclusivité de cette action en soulignant l’efficacité du rôle de la famille, notamment à travers la diversité des « stratégies éducatives  déployées par les parents. Le suivi quotidien de la scolarité, l’implication des parents dans la vie de l’établissement de leur enfant, ou encore plus fondamentalement les choix d’options, de filières et d’établissements réalisés sont autant de preuves de la mobilisation familiale autour de la scolarité et de ses enjeux de rentabilité. Toute-fois, si la réussite scolaire est de la sorte conçue comme la résultante des pratiques familiales d’éducation, le suivi parental de la scolarité est souvent « bien plus subtil que le simple soutien scolaire  (Dubet, 1997), car il passe par un ensemble d’outils Sociétés Contemporaines (2000) n° 40 (p 165-182.)   165  
S A N D R I N E V I N C E N T                 qui, à première vue, n’ont pas de rapport direct avec l’école. Lorsque l’on prend en compte tout ce qui constitue la vie quotidienne de l’enfant aussi bien dans son uni-vers familial que scolaire, l’on constate que son environnement ludique, incarné no-tamment par la présence des jouets, est également un indicateur de cette mobilisa-tion familiale. Si pour le sens commun l’essentiel des objectifs assignés à l’achat d’un jouet se résume à l’intention de faire plaisir, cet objet est plus fondamentalement vecteur de relations éducatives et de pratiques d’apprentissages 1 . Bien que largement concer-nées par le destin scolaire de leurs enfants, les familles ont un usage différencié de l’institution scolaire, notamment en fonction de leur appartenance sociale 2 . De la même façon, elles accordent au jouet un statut inégal. Cet article 3  se propose d’analyser le rôle des jouets 4 dans les stratégies familiales d’éducation, c’est-à-dire non seulement les définitions que les parents en donnent mais aussi les usages qu’ils en font dans la scolarité de leurs enfants. 1. LE ROLE DU JOUET DANS LES APPRENTISSAGES SCOLAIRES Les jouets sont nombreux et variés. Une partie d’entre eux est fréquemment as-sociée au terme « éducatif  rendant d’une certaine façon explicite leurs usages dans les apprentissages scolaires. Cette notion même de jouet (ou jeu) éducatif a fait l’objet d’une construction scientifique 5  sans que pour autant les définitions élabo-rées soient connues des consommateurs. L’univers ludique de l’enfant est plus géné-ralement scindé par l’ensemble des parents en deux grandes catégories : d’un côté les « jouets récréatifs  6 , qui ont pour but la détente et l’amusement, de l’autre les  1. Différentes enquêtes ont analysé de manière indirecte la présence des jouets, parfois même de ma-nière incidente. On citera pour mémoire les analyses de B. Bernstein (1975), de J.-C. Chamboredon et J. Prévot (1973), de P. Bourdieu (1979) ou encore de R. Establet (1987). 2. Les caractéristiques sociales des familles rencontrées de même que les critères sélectionnés pour opérer leurs regroupements sont précisés dans l’annexe méthodologique. 3. Cet article est issu d’une enquête sociologique réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat ( cf. 1999, Les usages sociaux du jouet. Le jouet comme révélateur des relations familiales d’éducation , École des Hautes Études en Sciences Sociales, Marseille). Il s’appuie sur les résultats d’une en-quête menée en deux temps à l’aide tout d’abord de 624 questionnaires appareillés (312 enfants et leurs mères respectives ont été interrogés) puis d’une enquête par entretiens réalisée auprès de pa-rents (20 pères et 20 mères de la même famille ont été interviewés simultanément). 4. Le « jouet  (au singulier ou au pluriel) représente dans cette enquête l’ensemble du matériel vendu dans le commerce à l’instar des poupées, petites voitures, figurines diverses, mais aussi jeux de so-ciété et autres jeux vidéo... C’est une définition assez large qui a été retenue puisqu’elle regroupe sous un même terme le matériel ludique appelé ordinairement « jouets  ainsi que les matériels nommés plus couramment « jeux . 5. Trois catégories de jeux ou jouets éducatifs ont été distinguées. Le « jeu-détente  procure des cou-pures (« des récréations ) imposées entre les temps de travail, afin de favoriser une meilleure concentration de l’enfant dans son travail scolaire. Le « jeu-ruse  correspond à un subterfuge pé-dagogique qui fait partie des méthodes d’enseignement dans le but d’aider l’enfant à comprendre et lui faire manipuler des connaissances. Enfin, le « jeu-pédagogique  représente la « base  de nom-breuses méthodes éducatives parce qu’il a de fait une valeur éducative propre. 6. Dans la catégorie des jouets récréatifs sont classés : les poupons, les poupées et leurs accessoires (vêtements, landau, etc.) ; les poupées mannequins et leurs accessoires (vêtements, mobilier, etc.) ; les jouets de transport (petites voitures, garages, circuits, voitures téléguidées, …) ; les jeux vidéo et leurs cassettes ; les figurines et robots divers (Powers Rangers, Dinosaures, Tortues Ninga,...) ; les animaux et la ferme, les ustensiles de cuisine et de ménage ; les Playmobil ; les jeux de société
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          J O U E T , S T R A T E G I E S E D U C A T I V E S F A M I L I A L E S « jouets éducatifs  7  au sens large, aux vertus didactiques, c’est-à-dire avec pour finalité le développement cognitif et moteur de l’enfant. Les jouets éducatifs sont notamment présents à l’école, principalement dans les petites sections, contribuant ainsi à assimiler cette institution à « un grand jeu éducatif . Spécialement conçus dans un premier temps pour être utilisés dans le cadre de l’activité scolaire, ces jouets se sont progressivement diffusés à l’univers domestique, et ont ainsi ouvert « la voie au développement d’une pédagogie familiale calquée sur la pédagogie sco-laire  (Chamboredon et Prévot, 1973, p. 329). T ABLEAU 1 : T YPE DE JOUETS MAJORITAIREMENT REÇUS A N OËL  SELON LA CATEGORIE SOCIALE DE LA FAMILLE ET LE DIPLOME DE LA MERE ( EN %).  Majoritaire- Majoritaire- Éducatif et Total ment ment récréatif en éducatif  8  récréatif  9  proportion égale 10   Populaires 14,6 70,8 14 6 100  N = 241 Catégories Moyennes 30,1 45,6 24,3 100 χ 2 = 14,4 sociales Supérieures 42,1 42,1 6,1 100 p < 0,010 Ensemble 29,9 49,8 20,3 100  < bac 18,4 60,8 20,8 100 N = 292 Diplôme de χ 2 = 10,4 la mère > bac 34,7 44,9 20,4 100 p < 0,010 Ensemble 27,7 51,8 20,5 100   Le tableau se lit ainsi : — sur 100 enfants d’origine populaire, 14,6 ont reçu majoritairement des jouets éducatifs à Noël. — sur 100 enfants dont la mère a un diplôme inférieur au bac, 18,4 ont reçu majoritairement des jouets éducatifs à Noël. Cette diffusion est pourtant loin d’être généralisée. On constate en effet que les enfants des catégories supérieures sont trois fois plus nombreux que les enfants de catégories populaires à recevoir des jouets éducatifs (42,1 % contre 14,6 %). Cette  « amusants  (Zigo Dingo, Trompissimo,...) ; les jeux de société destinés aux filles (Secret Girl, Té-léphone secret) ( cf. classification opérée à partir des réponses obtenues auprès des familles interro-gées lors de l’enquête réalisée, Vincent, 1999). 7. La catégorie « jouets éducatifs  regroupe : les jeux de créativité et les jeux scientifiques (potier, chimie, magie, microscope, etc.) ; les jeux de chiffres et de lettres (Scrabble, Boggle, Topword,...) ; les jeux de stratégies et d’action (Echecs, Dame, Cluedo, Labyrinthe, Mallette de jeux de société, etc.) ; les jeux de connaissances (Trivial Pursuit junior,...) ; les jeux de construction et d’observation (Lego, Meccano, K’nex, puzzles,…) ; les jeux d’extérieur et d’agilité (baby-foot, bil-lard, corde à sauter, ballon, etc.) ; les jeux éducatifs électroniques (micro-informatique qui s’adresse aux enfants : Ordi-mini, etc.). 8. La modalité « majoritairement éducatif  signifie que les enfants ont reçu plus de jouets éducatifs que de jouets récréatifs. 9. La modalité « majoritairement récréatif  regroupe les enfants qui ont obtenu plus de jouets récréa-tifs qu’éducatifs. 10. L’intitulé « éducatif et récréatif en proportion égale  correspond aux enfants qui ont obtenu une quantité identique de jouets éducatifs et de jouets récréatifs.
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S A N D R I N E V I N C E N T                 tendance se confirme, de façon un peu plus nuancée, lorsque le niveau scolaire de la mère est pris en compte. Les enfants dont la mère est au moins titulaire du baccalau-réat ont proportionnellement plus de jouets éducatifs (34,7 %) que ceux dont la mère n’a pas atteint ce niveau de diplôme (18,4 %), soit deux fois plus (tableau 1). Les raisons qui poussent les parents de milieux socioculturels favorisés à offrir ce type de jouets tiennent principalement aux qualités qu’ils leur prêtent, et qu’ils considèrent généralement comme essentielles au développement de leur enfant. C’est notamment à travers les définitions que les parents donnent des jouets éduca-tifs que l’on s’aperçoit que cette notion est à géométrie variable, dépendante de l’appartenance socioculturelle. T ABLEAU 2 : D EFINITION DU JOUET EDUCATIF  SELON LA CATEGORIE SOCIALE DE LA FAMILLE ET LE DIPLOME DE LA MERE ( EN %) 11 .  Définition Permet Favorise Amuse Com- Ne sait Total  du jouet d’appren le déve- et plète des pas éducatif dre loppe- apprend connais-ment et sances l’éveil intellec-tuel  Populaires 7,8 19,6 3,9 15,7 53 0 100 , N = 260  Catégories Moyennes 9,1 35,6 11,2 16,8 27,3 100  χ 2 = 33,1 sociales Supérieures 18,2 46,9 15,2 6,1 13,6 100 p < 0,001  Ensemble 13,1 35,7 9,9 12,8 28,5 100  < bac 11,1 28,1 6,7 13,3 40,8 100 Diplôme N = 312 de la mère > bac 14,7 41,3 12,4 12,4 19,2 100  χ 2 = 19,5  p < 0,001 Ensemble 13,1 35,7 9,9 12,8 28,5 100 Le tableau se lit ainsi : — sur 100 familles de catégories populaires, 7,8 considèrent que le jouet éducatif « permet d’apprendre . — sur 100 mères qui ont un diplôme inférieur au bac, 11,1 considèrent que le jouet éducatif « permet d’apprendre . Les jouets éducatifs n’ont pas la même signification et ne représentent pas le même intérêt pour l’ensemble des parents. Au fur et à mesure que l’on monte dans l’échelle sociale, la définition du jouet éducatif se précise. Dans les catégories popu-laires, la référence au jouet éducatif fonctionne comme un emblème, alors que dans les catégories supérieures, cette notion obéit à des critères didactiques précis. Ces résultats sont comparables à ceux de B. Bernstein (1975, p. 160) pour qui « la conception générale de l’usage des jouets, conception qui trouvait dans la classe  11. Ce classement en quatre « définitions  a été obtenu à partir des réponses que les mères ont donné à la question ouverte : « quelle définition donneriez-vous du jouet ou du jeu éducatif ? .
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          J O U E T , S T R A T E G I E S E D U C A T I V E S F A M I L I A L E S supérieure sa formulation la plus explicite, était de plus en plus vague au fur et à mesure que l’on descendait dans l’échelle sociale  . Les catégories populaires ont en effet une définition « restreinte  des jouets éducatifs. Elles éprouvent des difficultés à exprimer ce qu’elles en attendent, si l’on prend comme indicateur le taux de non-réponse (53 % n’ont pas répondu à la question posée 12 contre 27,3 % des catégories moyennes et seulement 13,6 % des catégories supérieures). En revanche, les catégo-ries supérieures se singularisent tout particulièrement par leur définition plus « éla-borée . Elles en indiquent plus précisément les fonctions didactiques : 46,9 % d’entre elles affirment que ce type de jouet « favorise le développement et l’éveil intellectuel de l’enfant , 18,2 % considèrent qu’il « permet d’apprendre  (tableau 2). Le niveau scolaire de la mère révèle également des différences dans ce domaine. Pour les mères diplômées, le jouet éducatif contribue avant tout à l’éveil intellectuel de l’enfant (41,3 %) et permet « d’apprendre en s’amusant  (14,7 %). En revanche, 40,8 % des mères peu diplômées s’abstiennent de donner une définition du jouet éducatif (tableau 2). Les entretiens réalisés confirment l’hétérogénéité de ces représentations sociales. Les parents de catégories moyennes et supérieures énoncent clairement pour les jouets éducatifs à la fois leurs attentes mais aussi les usages qu’en font leur enfant. Ces familles mettent très souvent en avant les apprentissages intellectuels induits par cette catégorie de jouets. M. et Mme Picard, tous deux détenteurs d’un diplôme d’ingénieur agronome, analysent les apports didactiques des jouets éducatifs. Pour mieux les expliquer, M. Picard prend l’exemple du jeu de construction « Capsela  13 acheté après la visite d’un Salon du jouet qu’il qualifie de « très bon jouet éducatif  : Père : C’est un bon jeu, parce que pour l’éveil d’un gamin qui a un attrait pour la construction, pour ce qui est un peu technique. Ce jouet a l’avantage d’être intuitif, parce que les enfants aiment bien emboîter. Il est très simple à manipuler, et, tout de suite, il voit des résultats : la machine qui avance... Il peut jouer avec dans le bain, faire des machines qui flottent sur l’eau. Il a passé des heures et des heures à jouer avec ça. Et vraiment le gamin est cap-tivé, et en même temps il apprend beaucoup de choses, sur les engrenages, pourquoi cela tourne plus vite d’un côté que de l’autre, des notions de physi-que en fait... On apprend beaucoup de choses sur ce genre de manipulations. Et ça, je trouve que c’est un très très bon jouet éducatif. Famille PICARD : Père (44 ans) ingénieur en conception et irrigation. Mère (42 ans) conseillère en gestion dans une entreprise agricole. Tous deux titulai-res d’un diplôme d’ingénieur agronome. Deux enfants (François, 10 ans et Stéphanie, 16 ans). Pour Mme Langlois, professeur d’allemand, mariée à un enseignant universitaire en économie et en informatique, les jeux « scientifiques  (microscope, électronique, …) de « créativité  (potier, magie, moulage,…) aiguisent la curiosité des enfants
 12. « Quelle définition donneriez-vous du jouet ou du jeu éducatif ?  13. Le jeu Capsela est un jeu de construction et d’emboîtement moins connu que les Lego technics. Il était – et reste encore – très peu distribué dans les grandes surfaces au moment où a été réalisé cet entretien (1998).
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S A N D R I N E V I N C E N T                 par une approche ludique. Quant aux Lego, ils développeraient des compétences aussi bien manuelles qu’intellectuelles : Mère : Ils ont eu beaucoup de Lego. Ils ont passé des heures à jouer, à cons-truire, à fabriquer des trucs, et, c’est vraiment quelque chose qui lui a plu, et qui lui plaît encore, même s’il a 14 ans ! Je trouve que c’est un jouet, vrai-ment très exigeant, et j’aime beaucoup parce que cela met l’enfant devant des plans, ’il doit lui-même lire, décrypter, il doit réaliser quelque chose du dé-qu but jusqu’à la fin. Ces jouets sont très bien conçus, ils ont une progression qui est très bien prévue, et l’enfant réalise un projet. Il est tout seul, et il réalise ses pièces, de A jusqu’à Z, il réalise quelque chose jusqu’à la finition. C’est vraiment mettre l’enfant dans un projet de réussite. L’aider à réaliser quelque chose de compliqué, je trouve que c’est très très bien, c’est une belle expé-rience. C’est un jeu, mais c’est quand même une expérience très belle ! […] Mes enfants ont aussi fait des tas de découvertes avec le « petit chimiste . Le liquide qui devenait rouge, alors qu’il était incolore… Ils découvrent un monde qui est un petit peu magique, et qui est pourtant un monde scientifique. Famille LANGLOIS : Père (56 ans), enseignant universitaire en économie et en informatique (agrégé en économie). Mère (47 ans), professeur d’allemand dans un lycée (titulaire d’un CAPES d’Allemand). Deux enfants (Jean Chris-tophe, 10 ans et Julien, 13 ans). Interrogées sur leur vision des jouets éducatifs, les familles de milieux populaires s’en tiennent, dans la plupart des cas, à des remarques générales sur le plaisir que leurs enfants y trouvent. Le caractère éducatif fonctionne ici comme référent et ne donne pas lieu à une réflexion approfondie ou spécifique. C’est tout particulièrement le cas des parents Blanc, tout deux concierges, dont la définition qu’ils donnent des jouets éducatifs se fonde sur un discours pour le moins allusif : Père : Ça doit apporter quoi ? Mère : De faire travailler sa tête . Père : Oui. De dégourdir les mains aussi… Ça les dégourdit.  Mère : Ça les reste pas sans rien faire. Ça fait passer le temps en même temps... Famille BLANC : Père (36 ans) et mère (41 ans) concierges, tous les deux sans diplôme. Deux enfants (Mathieu, 7 ans et Mélanie, 13 ans). C’est également le cas de la famille Descours, qui a des difficultés à évaluer quels bénéfices leurs enfants peuvent en retirer. Ils éludent en fait la question et trouveront un échappatoire en argumentant sur la nécessité, en tant que parents, de satisfaire les désirs de leur enfant : Père : Éducatif ?… Je ne sais pas, il aime bien certains personnages...  Mère : Il est content déjà... D’avoir eu ce qu’il voulait.  Père : Il est content. Et toute la soirée, vous ne l’entendez plus.  Mère : Et il joue avec. Famille DESCOURS : Père (46 ans) surveillant dans un entrepôt de grande surface (études arrêtées en seconde). Mère (41 ans) femme au foyer (titulaire d’un certificat d’étude). Deux enfants (Lionel, 10 ans, Magali, 16 ans). Pour ces familles de milieux populaires, les usages du jouet entrent plus fonda-mentalement dans un cadre idéologique de la socialisation qui fait d’eux bien moins
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          J O U E T , S T R A T E G I E S E D U C A T I V E S F A M I L I A L E S des outils d’apprentissages que des objets de sanction scolaire et plus largement éducative. 2.  LE JOUET COMME OBJET DE SANCTION SCOLAIRE o comme des « victimes  de la scolOarni saa tiloonn,g tteoumt pcs ocmonmsei doénr éa  lseas nfsa dmoilultees  «p trpoupl aviirtees 14 conclu, au vu des résultats scolaires de leurs enfants, que ces familles avaient « démissionné , ne s’occupaient pas de la scolarité de leur progéniture. Ces conclusions peuvent être largement dis-cutées : les parents de milieux populaires s’intéressent autant que les autres à la sco-larité de leurs enfants. Ils s’en distinguent toutefois par leurs manières spécifiques de pratiquer le suivi scolaire. Alors que les catégories moyennes et supérieures se ca-ractérisent par un accompagnement « pédagogique  de la scolarité, les catégories populaires adoptent un suivi plus « autoritaire . Dans ce contexte, les jouets ont va-leur d’« instruments  de pression qui sanctionnent les résultats scolaires des en-fants. Les parents connaissent le niveau de réussite de leur enfant non seulement par obligation (la signature « imposée  des notes des cahiers), mais aussi par intérêt. Dans la majorité des cas, les parents ont des attitudes identiques à l’annonce d’une bonne ou d’une mauvaise note : ils félicitent l’enfant lorsque ce dernier obtient une bonne note ; ils le grondent ou l’encouragent à persévérer lorsque la performance est insuffisante.  ces pratiques courantes et communes s’ajoutent d’autres comporte-ments : les enfants reçoivent de l’argent ou obtiennent un jouet pour une bonne note. Pour une mauvaise note, les parents peuvent leur interdire de regarder la télévision ou encore leur retirer un jouet. Toutefois, ces pratiques éducatives ne concernent pas l’ensemble des milieux sociaux : plus on descend dans l’échelle sociale plus les pa-rents sanctionnent les résultats scolaires de leurs enfants et plus ils utilisent le jouet comme moyen de pression éducative. En effet, de toutes les catégories en présence, les milieux populaires manifestent la plus grande sévérité, lorsque les résultats de leur enfant leur paraissent insatisfaisants (37,3 % grondent leur enfant contre 32,4 % et 23,4 % respectivement pour les catégories moyennes et supérieures). Cette répro-bation verbale peut s’accompagner de punitions en tout genre, en particulier de la privation de télévision (21,6 % des enfants d’origine populaire en sont privés contre 13,4 % et 9,5 % pour les enfants d’origines moyennes et supérieures) et de jouets (9,8 % des catégories populaires confisquent les jouets préférés de leurs enfants contre 1,6 % des catégories supérieures, tableau 3). Moins répressives, les catégories supérieures manifestent de préférence des comportements de soutien et d’aide (54 % préfèrent soutenir moralement l’enfant et éventuellement lui faire retravailler le contrôle « raté , contre 29,4 % chez les catégories populaires, tableau 3).
 14. Le discours des enseignants sur ce point en est pour partie responsable ( cf. Lahire, 1995) .  
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S A N D R I N E V I N C E N T                 T ABLEAU 3 : R EACTIONS DES PARENTS EN CAS DE MAUVAISE NOTE  SELON LA CATEGORIE SOCIALE DE LA FAMILLE ( EN %). Réactions des parents Retrait TV Autres Encou- Ne font Total d’un jouet supprimée punitions ragent ou que gron- lui font der  retra-Catégories sociales vailler l’exercice Populaires 9,8 21,6 2,0 29,4 37,3 100 Moyennes 6,8 13,5 9,8 37,6 32,4 100 Supérieures 1,6 9,5 11,1 54,0 23,8 100 Ensemble 5,4 14,5 7,1 44,1 30,0 100 N = 247 χ 2 = 16,1 p < 0,05  Les parents de milieux populaires ont concrètement un comportement en deux temps. Ils manifestent tout d’abord une certaine indulgence à l’égard des mauvais résultats de leurs enfants, puis si ces mauvais résultats persistent, ils les sanction-nent. Cette relative mansuétude est destinée à ne pas « braquer  leurs enfants contre l’école, car ils considèrent les mauvaises notes comme des accidents de parcours. Pour autant lorsque ses mauvais résultats se répètent, ces parents n’hésitent pas à sévir. C’est le cas de M. Roy, maçon, qui s’en explique : Père : Généralement on lui fait refaire, s’il m’a fait que des catastrophes, on le voit, c’est flagrant, on a les notes, on voit très bien s’il a travaillé ou s’il n’a pas travaillé. Maintenant, si ça dégénère... on le punit, et c’est toujours pareil, c’est sur ce qu’il aime. On enlève la console par exemple, ou sa télévi-sion… Une fois je lui ai même vidé toute sa chambre...  Famille ROY : Père (35 ans) maçon, mère (39 ans) employée dans une bou-langerie en supermarché. Ces parents n’ont aucun diplôme. Un enfant (Yan-nick, 10 ans).  l’opposé de ces pratiques de censure, les catégories supérieures, peu concer-nées par l’utilisation du jouet comme objet de sanction matérielle, s’emploient plutôt à connaître la (ou les) cause(s) des difficultés de leur enfant afin d’y remédier, en lui expliquant ce qu’il n’a pas compris. M. et Mme Picard affirment n’avoir jamais puni leur fils ou leur fille, lors de mauvais résultats. Ils se préoccupent des causes des mauvaises notes, qu’ils considèrent comme dues davantage à un certain laisser-aller de la part de leur fils, qui plus est passager, qu’à de réelles difficultés scolaires, d’autant que, à tout moment, l’enfant a la possibilité de demander à ses parents des explications sur les leçons incomprises : Père : On leur demande pourquoi ils ont eu une mauvaise note… Mais dans l’ensemble, il a quand même relativement peu de mauvaises notes, François, ça lui est arrivé de se relâcher, et dans ces moments là, s’il voit qu’il a fait une connerie, de lui-même, généralement il fait plus attention par la suite. Et s’il y a quelque chose qu’il ne comprend pas, ils viennent nous voir immédia-
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          J O U E T , S T R A T E G I E S E D U C A T I V E S F A M I L I A L E S tement. Ils savent que si il y a un truc qu’ils comprennent pas dans n’importe quelle matière, on sera là pour leur expliquer. Mère : Non, on n’a jamais été obligé de sanctionner. Si on arrive aux sanc-tions, c’est que vraiment le gamin renâcle au travail scolaire. Parce que, soit c’est qu’il comprend pas, c’est un gamin qui a des difficultés, à ce moment là c’est pas une sanction qui changera quelque chose. Famille PICARD : père (44 ans) ingénieur en conception et irrigation, mère (42 ans) conseillère en gestion dans une entreprise agricole. Tous deux titulai-res d’un diplôme d’ingénieur agronome. Deux enfants (François 10 ans, Sté-phanie, 16 ans). T ABLEAU 4 : R EACTIONS DES PARENTS EN CAS DE BONNE NOTE  SELON LA CATEGORIE SOCIALE DE LA FAMILLE ET LE DIPLOME DE LA MERE ( EN %).   Achat Donne de Achat Ne font Total  d’un jouet l’argent d’un livre que félici- ou de ma- ter tériel de classe  Populaires 26,7 13,3 4,4 55,6 100   N = 239  Csaotcéigaolries Moyennes 18,5 12,3 11,5 57,7 100 χ 2 = 10,2 es Supérieures 6,3 17,2 12,5 64,1 100  p < 0,010 Ensemble 16,7 13,8 10,5 59,0 100 N = 283  e de < bac 26,9 12,6 8,4 51,1 100 2 = Diplôm χ  15,7 la mère > bac 9,1 15,9 10,4 64,6 100 p < 0,005 Ensemble 16,6 14,5 9,5 59,4 100   Le tableau se lit ainsi : — sur 100 familles de catégories populaires, 26,7 offrent un jouet à leurs enfants lorsqu’ils ont une bonne note. — sur 100 mères qui ont un diplôme inférieur au bac, 26,9 offrent un jouet à leurs enfants lorsqu’ils ont une bonne note. Le jouet sert à punir, il sert aussi à récompenser. Bien évidemment offrir un jouet pour un bon résultat scolaire n’est pas le seul comportement adopté par les parents. D’autres moyens de récompenses existent.  ce jeu d’attitudes éducatives, de fortes distinctions se font à nouveau jour, à commencer par la tendance la plus générale qui oppose les catégories populaires plus interventionnistes, i.e. qui pratiquent plus fré-quemment la « politique de la carotte , aux catégories supérieures qui se contentent de félicitations verbales, en cas de bons résultats scolaires (64,1 % contre 55,6 % chez les premières). Un examen plus approfondi montre que les catégories populai-res achètent plus souvent un jouet à l’enfant en cas de bonne note que les catégories supérieures (26,7 % contre 6,3 %, les catégories moyennes ayant sur ce point, comme dans d’autres, une position intermédiaire) lesquelles optent de préférence pour l’achat de livres et de matériel de classe (peinture, trousse, …) (tableau 4). La relation entre l’usage social du jouet et les résultats scolaires est liée au niveau de
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S A N D R I N E V I N C E N T                 diplôme de la mère : plus d’une mère peu diplômée sur quatre (26,9 %) achète un jouet pour « récompenser  une bonne note obtenue, alors que seulement une mère diplômée sur dix (9,1 %) est dans ce cas. On constate également que « donner  de l’argent (15,9 %) offrir des livres (10,4 %) est plutôt l’apanage des mères qui ont un niveau de diplôme élevé. Pour expliquer leurs stratégies éducatives, les parents des couches populaires es-timent que le jouet est un bon moyen d’encourager l’enfant à réussir à l’école. En lui offrant un jouet (ou en lui donnant de l’argent pour s’acheter un jouet), ils signifient ainsi à la fois leur fierté devant les excellents résultats de leur enfant, mais égale-ment leur volonté de lui faire plaisir.  l’inverse, les catégories supérieures refusent cette stimulation matérielle, le jouet ne pouvant être assimilé ni à une « carotte  ni à un « bâton . Pour elles, il est nécessaire que l’enfant comprenne « seul  que bien travailler à l’école est important pour son avenir. L’enfant est, dans ce cas, le pre-mier responsable de sa réussite et de son échec. Cette responsabilité est incompatible avec toute méthode qui sanctionne « ouvertement  et directement l’enfant. Ces deux points de vue opposés sur l’opportunité ou non d’inciter matériellement l’enfant à réussir à l’école sont clairement exprimés par les parents. Le jouet a permis de récompenser les bonnes notes de Lionel Descours. Son père a arrêté ses études en seconde. Il est surveillant dans un entrepôt de grande surface. Sa mère est aujourd’hui au foyer (elle possède un certificat d’études). Actuellement en CM1, Lionel fait partie du « peloton  de tête de sa classe.  chaque bon résultat, Lionel a reçu de l’argent pour s’acheter le jouet dont il avait envie : Mère : On était parti avec des A, on avait trois francs, avec des B, on avait deux francs et avec les C, pas d argent.  la fin de la semaine, il avait une bonne petite somme. Il avait son petit bonhomme…, des billes. C’est pour l’ ncourager, c’est sûr. Quand ça dépasse, c’est bien. Je leur dis quand même e que même s’ils ont la moyenne, il faut qu’ils aient compris ce qu’on leur a ex-pliqué. Famille DESCOURS : Père (46 ans) surveillant dans un entrepôt de grande surface (études arrêtées en seconde). Mère (41 ans) femme au foyer (titulaire d’un certificat d’études). Deux enfants (Lionel, 10 ans, Magali, 16 ans). Autant les parents de milieux populaires sont quasi unanimes pour reconnaître la nécessité d’un soutien par le jouet de la réussite scolaire, autant les parents de caté-gories supérieures s’opposent à cette pratique qu’il qualifie de « dressage . Pour M. et Mme Picard faire acte d’autorité au moyen d’un jouet pour exiger de bons résul-tats scolaires n’est absolument pas la bonne méthode. Ils affirment se contenter de féliciter ou d’encourager leur enfant : Père : On n’a jamais associé un jouet avec un résultat. En plus, on n’a pas trop besoin (Rires). Bon, et puis je trouve que c’est malsain d’associer le ca-deau, enfin le jouet, à la réussite scolaire. Je trouve que ça fait un peu dres-sage, comme un animal, style : « si tu réussis ton tour, je te donne un sucre, et si tu réussis pas, tu ne l’as pas . Non, non. Les gamins qu’ils aient de bons résultats à l’école, ça c’est une chose. Si ça ne va pas, on leur fait comprendre qu’ils doivent bosser. Et puis quand on a besoin de jouer sur l’autorité, c’est déjà qu’il y a une non-réussite au niveau de l’éducation en général. Famille PICARD : père (44 ans) ingénieur en conception et irrigation, mère (42 ans) conseillère en gestion dans une entreprise agricole. Tous deux titulai-
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          J O U E T , S T R A T E G I E S E D U C A T I V E S F A M I L I A L E S res d’un diplôme d’ingénieur agronome. Deux enfants (François 10 ans, Sté-phanie, 16 ans). De nombreuses enquêtes ont montré l’existence de différenciations sociales dans la réussite scolaire. Ce constat permet de penser que les catégories populaires utili-sent plus souvent que les autres le jouet comme sanction en raison de l’insuffisance de réussite de leurs enfants. Le jouet s’inscrirait dans ces conditions dans une straté-gie de soutien matériel destiné à formaliser les enjeux de la réussite scolaire. Selon le même raisonnement, si les enfants de catégories supérieures n’ont pas besoin d’être récompensés (ou punis) systématiquement, c’est parce qu’ils réussissent glo-balement mieux, cette excellence scolaire allant pour ainsi dire de soi 15 . Pourtant, à performance égale, en cas de bons résultats, les parents de catégories populaires uti- lisent toujours le jouet comme récompense. Les parents de Lionel Descours qui est un excellent élève sont dans ce cas. C’est également le cas de M. et Mme Levert qui offrent un cadeau à leur fils quand il a de bonnes notes, alors que Bruno est un élève très brillant : Mère :  chaque fois qu’il a des bonnes notes, chaque fois qu’il a un bon clas-sement, il a une surprise : un jouet, des bouquins, des cassettes pour sa chaîne hi-fi, de ce qu’il a envie sur le moment en fait. Ça l’encourage… et nous ça nous fait plaisir. Famille LEVERT : père (32 ans) chef de rayon dans un supermarché bien qu’il soit titulaire d’un C.A.P. de maçon. Mère (29 ans) au foyer, a arrêté sa scolarité en 3 e . Trois garçons (Romain, 4 ans, Cyril, 6 ans et Bruno, 10 ans). En cas de mauvais résultats, les parents de milieux supérieurs s’abstiennent tout autant de faire intervenir le jouet comme sanction scolaire. M. et Mme Vivien 16 , respectivement ingénieur et kinésithérapeute, sont des parents de deux élèves « très moyens . Ils se sont demandé s’il ne fallait pas les « stimuler  en utilisant cet ar-gument.  ce jour, ils ont renoncé à se servir du jouet qu’ils appréhendent comme une forme de « marchandage  : « C’est pas des gamins extrêmement brillants. Clara redouble sa cinquième et Laurent a tout juste la moyenne. Mais, je suis pas sûre que vraiment ça servirait de motivations  assure Mme Vivien. Ces différences d’utilisation du jouet dans la scolarité renvoient plus fondamentalement à des conceptions sociales de l’école différenciées. 3.  REPRESENTATIONS SOCIALES DE L’ECOLE ET UTILISATION DU JOUET Les distinctions sociales constatées dans l’utilisation du jouet pour le suivi de la scolarité sont à mettre en rapport avec le lien que les différents milieux sociaux éta-blissent entre l’univers des loisirs et du travail scolaire. Plus largement, les usages scolaires du jouet dépendent des représentations sociales que les familles ont de l’école. Les parents de milieux socioculturels moyens et supérieurs estiment que l’éducation des enfants nécessite un travail de collaboration entre enseignants et pa-rents, qui se concrétise par un ensemble de tâches d’accompagnement de la scolarité  15. Selon les déclarations des parents, on a pu constater que les enfants de catégories du haut de l’échelle sociale ont effectivement de meilleurs résultats que les autres (Vincent, 1999). 16. Famille VIVIEN : père (40 ans), ingénieur, mère kinésithérapeute (ils sont tous deux titulaires du diplôme correspondant à leur profession). Deux enfants (Laurent, 9 ans et Clara, 13 ans).
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