Le marchand génois : un profil collectif - article ; n°3 ; vol.13, pg 501-515
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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1958 - Volume 13 - Numéro 3 - Pages 501-515
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1958
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Robert Sabatino Lopez
Le marchand génois : un profil collectif
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 13e année, N. 3, 1958. pp. 501-515.
Citer ce document / Cite this document :
Lopez Robert Sabatino. Le marchand génois : un profil collectif. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 13e année, N.
3, 1958. pp. 501-515.
doi : 10.3406/ahess.1958.2757
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1958_num_13_3_2757LE MARCHAND GÉNOIS
Un proâl collectif*
Un vieux proverbe, qui n'a pas perdu sa valeur, dit : « Génois, donc
marchand. » Le profil du marchand génois est en réalité le profil
de la population tout entière d'une ville, qui doit avoir approché ou même
dépassé le chiffre de 100 000 habitants au xine siècle, — un chiffre que
certains historiens français, à tort ou à raison, ne veulent pas accorder
au Paris de la même époque, — et qui comprenait par conséquent des
personnalités et des caractères très disparates. Dante, qui a toujours le
mot aimable, va jusqu'à dire que les Génois ont des mœurs différentes
du reste du monde et marquées de tous les défauts. Il faudra donc quelques
pages pour les énumérer au complet, tout en glissant, ici et là, la mention
d'une vertu *.
Si l'on en croit Federigo Visconti, archevêque de Pise à la fin du
xine siècle, tous les Génois qui faisaient fortune dans les affaires vou
laient devenir chevaliers. Si l'on écoute Benedetto Cotrugli, marchand
de Raguse au xve siècle, tous les Génois qui étaient appauvris par des
revers de fortune se faisaient pirates. Entre ces deux extrêmes se place
le marchand ordinaire, tel qu'il se révèle à nous dans les poèmes en dia
lecte génois qu'un écrivain inconnu de la fin du xine siècle nous a laissés.
* Conférence faite à l'École des Hautes Études, au mois de mars 1958.
1. La clef de la bibliographie historique génoise se trouve dans le second volume
de Vito A. Vitale, Breviario délia storia di Genová (Gênes, Società Ligure di Storia
Patria, 1956), entièrement consacré à la critique de la littérature historique du sujet.
On trouvera d'autres renseignements, malheureusement dépassés, dans l'orientation
bibliographique de notre article « Aux Origines du capitalisme génois », Annales d'Hist
oire économique et sociale, IX (1937) ; de simples listes d'ouvrages se rapportant à la
même question dans Cambridge Economie History, II, p. 543-544, et dans Robert
S. Lopez et I. W. Raymond, Medieval Trade in the Mediterranean World (New York
et Londres, 1955), p. 427-445. Ce dernier ouvrage contient plusieurs documents et ex
traits utilisés dans le présent « Profil » ; pour les registres des notaires, qui offrent la
plus grande partie de la documentation, on se rapportera à l'article de R. Bautieb,
« Notes sur les sources de l'histoire économique médiévale », Mélanges d'Archéologie et
d'Histoire, LIX (1948) et aux références de notre article, « The Unexplored Wealth
of the Notarial Archives in Pisa arid Lucca », Mélanges d'Histoire du Moyen Age dédiés
à Louis Halphen (Paris, 1951), p. 417-432. Des profils du marchand génois ont été bros
sés par R. L. Reynolds, « In Search of a Business Class in Thirteenth Century Genoa »,
Journal of Economie History, supplément V (1945), p. 1-19, et par V. A. Vitale, « Vita
e commercio nei notai genovesi dei secoli xn e xin », Atti délia Società Ligure di Storia
Patria, LXXII (1949) ; ils seront d'un grand secours pour combler les lacunes de
celui-ci.
502 ANNALES
II n'était pas, admettons-le, poète de grand talent, quoique l'amour de
la patrie lui ait dicté parfois des vers enflammés, sinon inspirés, des
expressions vigoureuses, des descriptions pittoresques. Mais c'est là une
raison de plus pour faire confiance à son témoignage lorsqu'il résume en
quelques lignes les règles de conduite qui permettront au marchand
moyen d'échapper à la nécessité de se faire pirate et lui fourniront peut-
être l'occasion de devenir chevalier :
« Si tu pratiques le commerce ou tiens une boutique », dit-il, « garde
tes yeux grands ouverts, nuit et jour, et pèse bien le pour et le contre.
Prends garde à la saison, sache bien le moment pour donner et le moment
pour prendre, car la façon dont tu achètes décide de la façon dont tu
vendras. Et lorsque quelqu'un vient chez toi, ouvre les yeux et regarde ;
ne te fie pas à n'importe qui ; attention aux mains ! Sois aimable envers
tout le monde, mais sois-le avec discernement. Tout en te faisant des
bonnes manières et d'un aspect gai et agréable une seconde nature,
garde-toi, devant et derrière, des flatteurs. Ceux-ci ont une langue sucrée,
mais une queue qui pique. Ils promettent beaucoup pour ne rien donner...
Et s'il t'arrivait de t'engluer avec eux dans le commerce et dans des
questions d'argent, ils te feront d'abord de beaux compliments, mais à la
fin tu y perdras des plumes. »
« Pèse ta marchandise avec le plus grand soin, de sorte qu'on ne
puisse te convaincre d'erreur, en te souvenant de la Balance dans laquelle
tu seras, toi-même, pesé. Or, il faut que tu te souviennes toujours d'écrire
tout ce que tu fais. Ecris-le tout de suite, afin que tu ne puisses pas
l'oublier. Sois juste et mesuré dans le débit comme dans le crédit. Cherche
toujours la vérité, la paix, l'amour et l'honnêteté. »
La seule objection qu'on puisse soulever contre des maximes aussi
pleines de vertu et de prudence, c'est qu'elles sentent un peu le lieu
commun. Puisque Gênes ne nous a laissé d'autre traité de morale
commerciale que celui que nous venons de lire, nous ne savons pas si le
poète s'est efforcé d'ajouter son grain de sel à l'encre diluée de ses clichés ;
mais il est certain qu'à Florence les avertissements du même genre fo
isonnent dans la prose et la poésie des marchands-hommes de lettres dont
cette ville fut si riche. A Florence comme à Gênes, l'insistance des écri
vains sur la nécessité d'une comptabilité nourrie et méticuleuse nous
rappelle une des supériorités techniques des marchands italiens sur leurs
collègues des autres pays. Le reste, toutefois, ne dépasse guère le simple
bon sens ou, tout au plus, le sens de la mesure. Et tout en convenant
avec notre illustre confrère Armando Sapori que cet équilibre bourgeois
assura la solidité des compagnies marchandes aussi bien que des cathé
drales toscanes, nous sommes convaincus que, pour faire des unes et des
autres les chefs-d'œuvre que nous connaissons, il fallut quelque chose
de plus : l'imagination et la hardiesse.
Ce sont naturellement les chroniques qui nous offrent les témoignages
502 LE MARCHAND GÉNOIS
les plus vrais de la hardiesse imaginative des Génois. Elles exaltent, par
exemple, ce Guillaume Embriaco, dit « Tête de Marteau », qui joua un
rôle des plus distingués aux côtés de Godefroy de Bouillon, autant par
son épée que par la construction des machines de siège perfectionnées
qui eurent enfin raison des murs de Jérusalem. Elles célèbrent ces frères
Ugolin et Vadino Vivaldi, qui conçurent et mirent à exécution, exacte
ment deux cents ans avant Christophe Colomb, le projet d'atteindre les
Indes en navigant toujours vers l'Ouest ; leurs traces se perdirent peu
après qu'ils eurent doublé les Colonnes d'Hercule, mais Dante les immort
alisa en leur prêtant les traits d'Ulysse, disparu en poursuivant « virtude
e conoscenza ».
Encore un exemple de hardiesse et d'imagination. Les chroniques et
une lettre écrite par le protagoniste lui-même, nous racontent la réussite
de ce Biaise Assereto, fils d'un argentier et, de sa profession, notaire
public, qui devint amiral de la flotte génoise, battit une escadre catalane
deux fois plus nombreuse en employant tous les stratagèmes d'une tac
tique qui s'était perfectionnée au cours des siècles, et captura le
roi Alphonse d'Aragon et de Sicile. C'était le début du xve siècle et
l'aurore de la Renaissance ; mais le roi espagnol, élevé dans une atmos
phère féodale, crut atténuer sa honte en se rendant non pas à l'amiral,
qui était un roturier, mais à un de ses concitoy

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